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Le refus de la linéarité dans l'adaptation cinématographique de la Rue Cases-Nègre de Joseph Zobel

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par Théophile Muhire
Université Natinale du Rwanda - Licence en Lettres 2004
  

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3.2.4 La ville, lieu de ségrégation raciale

L'espace lié à la grande ville dans La rue Cases-Nègres se réfère à Fort-de-France. C'est le lieu où se côtoient des milliers d'individus de toute race, âge, profession ou condition. Elle cumule un double statut surtout dans le roman plus que dans le film : Fort-de-France reste définitivement le lieu de référence malgré tous les conflits raciaux et toutes sortes d'humiliation dont les Nègres sont victimes.

Tout d'abord, les personnages de couleur que Zobel crée pour son roman occupent tous, sans exception aucune, non pas des places de subalternes mais plutôt des postes humiliants : bonnes, plantons, lavandières, etc. Le roman décrit ainsi les travailleurs du port :

« débardeurs manipulant avec une étonnante rapidité les lourdes caisses, les sacs massifs, les énormes tonneaux que les gabarres mues au moyen de vergues, venaient de décharger sur le rivage [...] et dans cette rade où il n'y avait pas un quai, pas une grue, c'étaient ces Nègres herculéens, vêtus de pagnes de sac ou d'une vieille culotte ruisselants et fumants de sueur, qui, par leur seule ardeur, engendraient ces bruits, effectuaient ce travail, dégageaient ce souffle chaud, déclenchaient cette trépidation titanesque, communiquant à tout le quartier une rumeur mécanique entretenue par des pulsations de coeurs humains » (LRCN, pp. 190-191).

Le film, on l'aura vu, ne montre pas les débardeurs acharnés au travail tel que le décrit le roman lorsque la caméra fait un plan d'ensemble sur le quai. Seul un colporteur de journaux est filmé entrain de vanter, à haute voix, les articles à la une dans ses journaux. Ce marchant ambulant n'est même pas évoqué dans le roman. Et là, le film met en scène ce qui n'est même pas suggéré dans le roman.

Par contre, le film plus que le roman, fait ressortir la richesse des békés, renforçant ainsi dans le récit la vision manichéenne déjà abordée par Zobel. D'un côté, il y a des Noirs et tout ce qui est lié à leur champ sémantique : misère, chômage, prostitution, vol, etc. et les Blancs de l'autre côté, avec les belles villas, les belles voitures, des postes bien rémunérés... Ce n'est pas pour rien que l'intervention de la jeune femme criant au voleur a été portée sur écran, alors que, en soi, il n'était pas susceptible d'offrir un beau spectacle à voir. A en croire cette femme, un Nègre donnerait tout ce qu'il possède pour devenir Blanc.

José demeure toujours dans un monde manichéen et il en souffre jusqu'à la mort de sa grand-mère. Il est intéressant d'observer combien la mort de M'man Tine ne renforce pas la tendance manichéenne qui imprègne son quotidien. Son intuition est, dans le texte romanesque, nuancée par le fait que :

« ... les habitants du pays se divisent bien en trois catégories : Nègres, Mulâtres, Blancs ; que les premiers sont dépréciés, tels des fruits sauvages savoureux, mais se passant trop volontiers de soins ; les seconds pouvant être considérés comme des espèces obtenues par greffage ; et les autres, bien qu'ignares ou incultes en majeure partie, constituant l'espèce rare, précieuse » LRCN, pp. 202-203).

En somme, l'espace lié à la grande ville, à Fort-de-France dans le roman comme dans le film, apparaît à la fois comme un lieu de départ et de destination de toute action. Rien ne peut s'accomplir sans l'intervention de cette ville bien qu' « immonde ».

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe