Le refus de la linéarité dans l'adaptation cinématographique de la Rue Cases-Nègre de Joseph Zobel( Télécharger le fichier original )par Théophile Muhire Université Natinale du Rwanda - Licence en Lettres 2004 |
PREMIERE PARTIE :THEORIE ET METHODOLOGIECHAPITRE I :CONSIDERATIONS THEORIQUESL'étymologie du mot littérature vient du latin « litteratura » qui signifie « écriture ». La littérature est donc l'ensemble des textes écrits dans une perspective esthétique et qui se réalisent à travers divers genres : roman, poésie, nouvelle, théâtre, conte etc. Le Petit Robert définit le terme comme « l'ensemble des oeuvres écrites dans la mesure où elles portent la marque de préoccupations esthétiques ; les connaissances, les activités qui s'y rapportent ». Cette vision reste cependant partielle depuis que la critique admet, de façon paradoxale, la notion de littérature orale qui se définit par l'ensemble de tout ce qui a été dit, généralement de façon esthétique, conservé et transmis verbalement par un peuple et touchant la société entière dans tous ses aspects. La littérature ne se résume donc pas à ce qui est écrit. Cependant, ce que l'on peut retenir de façon synthétique, c'est que, dès lors que l'actualisation du langage se fait par un discours oral ou écrit avec une recherche de sens second et de techniques de mise en valeur, - Roland Barthes parle du « Sens d'une infidélité » - , l'on se trouve en face d'un phénomène littéraire. La littérature est de ce fait un art puisque l'on y rencontre un projet esthétique qui implique un savoir-faire. Dans le concert des arts, la perception de la littérature a toujours été centrale. Si, chez les Grecs, la rhétorique tenait une place prépondérante dans l'éducation civique, pendant le Moyen Âge, des sept arts constituant l'essentiel de l'enseignement en faculté des arts, la littérature constituait sous la forme d'un trivium grammaire, rhétorique, dialectique, une part importante du programme. Le reste étant dévolu au quadrivium, arithmétique, géométrie, musique, astronomie. De nos jours, l'on distingue plusieurs types de classifications sur lesquelles il n'est nullement important de s'attarder. Il est difficile sinon pratiquement impossible de réaliser un film avec juste la caméra sur l'épaule sans une formulation de la pensée. L'on pourrait à juste titre dire avec Paulin Soumanou Vieyra que « tous les films documentaires et de fiction, de court comme de long métrage, procèdent presque toujours de l'adaptation d'une expression à une autre. Généralement de l'expression littéraire à l'expression cinématographique »4(*). Le cinéma peut également adapter la musique, la danse, le chant, etc. 1.2 Ecriture filmique et techniques du roman 1.2.1 Temps et construction dans le récit romanesqueOn entend par récit tout texte littéraire : roman, poésie, nouvelle... Ici, nous nous intéresserons aux éléments fondamentaux d'un texte littéraire romanesque. Le récit reste un terme ambigu dont nous ne retiendrons que trois notions fondamentales : - Dans son sens le plus courant, c'est un énoncé narratif, bref un discours. - Chez les théoriciens et analystes, c'est le déroulement successif de faits et d'événements historiques rapportés. Il existe des relations d'enchaînement, d'opposition ou de répétition. - C'est, en définitif, l'acte de raconter une histoire : la narration. Pris comme une histoire, le récit est dominé par l'action. Il fonctionne selon un ordre le plus souvent contorsionné, ce qui est à la base de quelques apparences de désordre. Il s'agît de retrouver cette structure interne du récit. Schématiquement il y a une évolution en trois étapes : La situation initiale, le noeud (point culminant) et le dénouement. Dans Esthétique du film, Marc Vernet5(*) reprend l'opérationnelle tripartition de Gérard Genette : récit /narration /histoire-diégèse pour l'appliquer au film. L'histoire, nous dit-il, est « le signifié, le contenu narratif ». Le terme diégèse, proche mais non synonyme d'histoire (car d'une portée plus large), désigne l'histoire et ses pourtours, l'histoire et l'univers fictif qu'elle présuppose (ou post-suppose), en tout cas qui lui est associé. Ce terme présente le grand avantage d'offrir l'adjectif « diégétique » (quand l'adjectif « historique » s'avère inutilisable). Et du même coup une série d'expressions bien utiles telles que « univers/monde diégétique », « temps/durée diégétique », « espace diégétique », « son, bruit, musique diégétique (ou extra-diégétique) »6(*). A propos de la voix, Christian Metz parle de « péridiégétique »7(*) pour signifier la voix d'un narrateur qui se situe à la lisière de la diégèse et de « juxtadiégétique » pour la voix du personnage-narrateur qui accompagne l'histoire. C'est la « voix-je » de Michel Chion. Le récit est donc construit autour d'une intrigue, c'est-à-dire d'un fil conducteur. Dans un récit, l'histoire évolue à travers des personnages. Il y a plusieurs définitions du personnage. Il faut retenir ici que c'est celui qui agit. En parlant des personnages, nous voudrions préciser l'importance du héros. Au sens étymologique, le héros veut dire « Homme Dieu (Hercule) ». Il est par extension celui qui se distingue par des actions éclatantes, des vertus morales, souhaitables et exemplaires. Il est le personnage central, «un produit combinatoire »8(*) selon Barthes. Il est à l'intersection de tout l'univers créé et entouré d'opposants et d'adjuvants. Dans son aspect de discours, le récit est rarement linéaire, insipide (sans goût). Les écrivains emploient toujours des ingrédients pour donner plus de saveur à leur création. Pour faire correspondre le schéma du récit et les procédés littéraires, les auteurs utilisent des techniques pour créer leurs oeuvres. Ce sont les procédés de narratologie, rattachés aux notions de conjugaison : temps, mode, voix. * 4 Haffner, P, Essai sur les fondements du cinéma africain, Abidjan, NEA, 1978, p. 189 (interviews) * 5 Vernet, M, Esthétique du film, Paris, Nathan université, 1983 * 6 Vernet, M, op. cit., p.80-82 * 7 Metz, C, L'énonciation impersonnelle ou le site du film, Paris, Merdiens-Klincksieck, 1991, p. 55 * 8 Barthes, R, S/Z, Paris, Editions du Seuil, 1970, p. 74 |
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