CHAPITRE II :
CADRE METHODOLOGIQUE
2.1 La méthode
narratologique
La narratologie est une méthode qui
analyse les composantes et les mécanismes du récit. Tout
récit a un objet. Il faut qu'il raconte quelque chose. Cet objet est
l'histoire. Celle-ci doit être transmise par un acte narratif. Cet acte
s'appelle la narration. Histoire et narration sont donc des constituants
nécessaires de tout récit.
2.1.1 Le choix de la
narratologie
Etudier le refus de la linéarité dans
l'adaptation cinématographique d'un roman peut se faire sous plusieurs
points de vue : sémiotique, psychologique, énonciatif,
stylistique, etc. Cependant, la narratologie présente plusieurs
avantages puisque elle connaît beaucoup de versions et plusieurs
modifications dont l'ampleur appelle quelques précisions.
En effet, c'est à Gérard Genette (1972) que
l'on doit, sinon le terme, du moins les bases constitutives et
systématiques de cette science du récit (pour une histoire simple
et concise, se reporter à l'ouvrage de Gaudreault et Jost, 1990). Or, la
conception qu'il développe apparaît comme particulièrement
restrictive puisqu'elle ne prend en compte que le récit écrit au
seul plan de son énonciation. Sont donc exclus de cette narratologie
restreinte ce qui relève de l'histoire, c'est-à-dire des
évènements racontés et de leur organisation (notamment les
analyses s'inscrivant dans la lignée des travaux de Vladimir Propp,
1973) et tous les récits dont le support n'est pas strictement
linguistique comme, naturellement, le film narratif !
Nous opterons donc pour une narratologie
« élargie » qui se donne pour objet la
compréhension de ce qui est en jeu dans l'acte de raconter, en relation
avec le médium dans lequel s'inscrit la narration.
Précisément, parce que celui-ci exerce une très forte
prégnance sur l'art de raconter, il importe de préciser ses
caractéristiques essentielles. C'est ce que nous allons faire dans les
pages qui vont suivre.
2.1.2 Narratologie et
cinéma
Narrer n'est-il pas fondamentalement s'adresser à
quelqu'un pour lui rapporter les évènement dont il était
absent ? Le propre du récit cinématographique consiste en ce
qu'il déploie son activité narrative en faisant usage du langage
audiovisuel. Rien de particulièrement original dans cette assertion.
Selon une opinion répandue, le récit filmique ne serait
même guère plus que du récit verbal (écrit ou oral)
mis en images et sons. Force est de reconnaître que la longue tradition
de l'adaptation ainsi que le recours fréquent au scénario
écrit, comme préalable au tournage, donnent quelque force
à cette idée. Toutefois, les choses ne sont pas aussi simples.
Le propre du cinéma, ce qui le distingue d'autres
médiums, ou d'autres arts, c'est de donner à voir, grâce
à l'image mouvante. C'est elle, comme la sémiologie l'a
établi depuis longtemps, qui est constitutive du cinéma ;
les autres matières de l'expression (la musique, le bruitage, le verbal,
ou encore les mentions écrites) sont facultatives. La fonction
principale du cinéma réside donc dans la nécessité
qu'il a de montrer, de donner à voir, et au besoin, de donner à
entendre. En ce sens, il montre d'abord, il raconte éventuellement
ensuite. Le récit filmique, ce n'est donc pas du récit mis en
images et sons, mais des images et des sons agencés de façon
à produire du récit. Il s'agit alors d'analyser en quoi le
langage et l'expression cinématographiques sont susceptibles de produire
de la narration, et, de ce fait, être maniable avec les mêmes
outils que le récit oral ou écrit. Cette narration, pilier de
notre travail, sera analysée grâce aux techniques de la
narratologie. Les théoriciens qui sont le plus souvent cités
pour avoir élargi la narratologie de Genette afin de la rendre capable
d'aborder les récits filmiques sont notamment Francis Vanoye & Anne
Goliot-Lété (1993), André Gardies (1993) mais aussi et
surtout André Gaudreault (1988).
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