1.5.1 Le personnage dans le
récit romanesque
Un récit peut être centré autour d'un ou
de plusieurs personnages. Tout le récit peut poursuivre pour objectif la
peinture d'un caractère, la mise en action de ce caractère au
travers d'un héros. Assez souvent le récit sert à raconter
l'aventure d'un personnage ou de plusieurs à partir desquels le lecteur,
par un processus d'identification ou de distanciation, se reconnaît ou
reconnaît une époque, une société. Le bon romancier
se donne pour objectif de faire aimer ses personnages. Mais aimer est un mot
vague. Les Grecs anciens avaient, pour exprimer l'idée d'aimer, trois
mots : éros, agapê et philia. Ce qui renvoie à la
conception qui fait de l'être un sujet à trois dimensions :
l'âme vitale, l'âme sensitive et l'âme pensante. Le romancier
s'efforce à faire de sorte que son personnage soit aimé au niveau
pulsionnel, affectif et intellectuel. L'on parle du triple amour du
héros : catharsis (qui s'opère au niveau des purgations des
passions), aisthesis (le sentiment affectif) et poeisis (acte créateur,
stratégie du romancier qui permet de passer son message personnel et qui
nous enrichit de nouvelles informations). Son but à travers le recit est
donc de :
- Figurer le personnage
- Faire croire à son existence réelle
- Légitimer ses actions
- Faire comprendre ses attitudes, ses actions, ses
motivations
- Emouvoir le lecteur pour l'intéresser au
personnage
- Entraîner le lecteur à la découverte de
l'humanité
Le personnage est différent de personne. Dès
lors que l'on se trouve en situation de fiction, même si l'on s'appuie
sur une réalité, même si l'on est en situation de
biographie, l'on est en face d'un personnage. Il peut être un objet
surtout dans le conte où l'on parle d'actant parce que même les
objets font des actions. Le personnage se définit par un
rôle. Il est protagoniste, personnage secondaire ou figurant. Il
existe plusieurs types de personnage : l'avare, le cocu, le jeune premier,
la femme acariâtre, la sorcière etc. Le caractère du
personnage, s'il est bien défini, permet de repérer la motivation
et de tisser des intrigues intéressantes.
Dans plusieurs types de roman et selon les époques, la
perception du personnage ou la façon dont il est introduit et
traité a changé. Le roman classique veut
que l'on parte du rationalisme classique de l'idée, que le personnage
ait une essence qui précède l'existence : un noble
était né noble et ne devait s'adonner qu'à des actions de
noble, un paysan de même. Un traître était
déjà marqué par sa traîtrise sur la figure.
L'être, le paraître et l'agir sont en correspondance dans une
vision ordonnée des classes sociales.
Le roman réaliste au 19e siècle a mis
en valeur la physionomie des personnages comme révélatrice de la
personnalité profonde des individus. L'on a tenté de mettre en
place une science des caractères. Le roman balzacien s'inscrit dans
cette vision. Chez Zola, le roman naturaliste met tout le poids sur
l'hérédité. Le personnage porte la marque de
l'hérédité et son action est déterminée par
une espèce d'atavisme caractérisant son être et provenant
de son ascendance.
Le roman moderne et le nouveau roman font irruption au
20e siècle, renforcés par l'éclosion de la
psychanalyse et des sciences sociales. Cela va changer profondément la
création et les écrivains vont jusqu'à dénoncer le
procédé du narrateur omniscient qui, de l'extérieur, est
capable de lire dans la conscience des autres comme à livre ouvert. Il
faut dire que de nos jours, le personnage de roman est envisagé sous
plusieurs aspects selon les types ci-haut énumérés
(classique, réaliste, moderne et nouveau roman).
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