Section 2 : Les promesses et les
négociations multilatérales
A) Les promesses des institutions internationales
La doctrine des pays occidentaux en matière d'aide au
développement reste assez floue malgré des déclarations de
principe en faveur des droits de l'homme. Les prises de position
récentes de l'administration américaine sont, à ce titre,
exemplaires. Les Etats-Unis doivent affronter une triple critique en tant que
leaders de l'ordre libéral mondial : une critique de la mondialisation
dont ils seraient les principaux architectes et bénéficiaires
à travers leurs multinationales et fonds de pension ; une critique des
institutions de Brettons Woods taxées d'être à leur solde ;
et une critique de leur stratégie politico-militaire. Aujourd'hui, la
mondialisation est défiée sur toute la planète. Force
bénéfique, elle est aussi un facteur d'aggravation de la vie de
milliers de personnes. Le système capitaliste est à la
croisée des chemins, et les partisans du libre marché et des
théories économiques adjacentes deviennent contraints de
reconnaître que les marchés ne s'auto corrigent pas toujours, et
que le tout-libéral n'est pas non plus toujours la panacée. Mais
cette reconnaissance est difficile à admettre pour certains. Les
institutions internationales sont les premières accusées, mais
pas n'importe lesquelles. Le problème n'est pas la mondialisation en soi
mais la façon dont elle a été jusqu'à
présent gérée, en particulier par le Fonds
monétaire international (FMI), la Banque mondiale (BM) et l'Organisation
mondiale du commerce (OMC) qui, en gouvernant le processus, contribuent
à en fixer les règles du jeu souvent en fonction des
intérêts des pays industriels. « Mais la question n'est pas
seulement qu'elles ont servi ces intérêts : trop souvent, elles
ont eu de la mondialisation une vision étriquée, due à une
idée très particulière de l'économie et de la
société » avance l'auteur de « La
grande désillusion » dans son dernier chapitre
intitulé « L'avenir ». Il poursuit, plus loin, « s'il
apparaît que ces institutions servent d'abord et avant tout des
intérêts commerciaux et financiers, ce n'est nullement ainsi
qu'elles se perçoivent. Elles pensent sincèrement agir dans
l'intérêt général. Même si tout prouve le
contraire [...] beaucoup le croient si fermement qu'ils sont d'accord pour
imposer ces «réformes» aux pays par tous les moyens ».
L'auteur de ces lignes quelque peu provocatrices, sait de quoi il parle. Le
professeur Joseph Stiglitz a obtenu le prix Nobel d'économie en 2001
pour son analyse des marchés et des asymétries de l'information.
Ce livre, traduit de la version anglaise Globalization and
its Discontents, se concentre sur la
BM, mais surtout sur le FMI, parce que ces institutions ont été,
selon l'auteur, au coeur des plus grands problèmes économiques
des deux dernières décennies : l'ajustement structurel dans les
pays en développement, les crises financières, et plus
particulièrement la crise asiatique de 1997, et la transition des pays
ex-communistes vers l'économie de marché. Il souligne que le FMI
a été créé après la Seconde Guerre mondiale
parce qu'on estimait que les marchés fonctionnaient souvent mal. Depuis,
voici que le FMI est devenu le champion fanatique de l'hégémonie
du marché. Et c'est précisément cette idéologie -
la foi pure et simple dans le libre marché - qui sous-tend toutes les
actions de l'institution et qui est vivement dénoncée par
l'auteur. À cela s'ajoute également la logique interne du FMI, ou
plutôt son absence de logique, ainsi que sa lenteur à comprendre
ou accepter ses erreurs et la résistance de la BM et du FMI aux
idées nouvelles de la science économique moderne. « Le
problème est que le FMI présente comme une doctrine reconnue des
thèses et des politiques sur lesquelles il n'y a pas de consensus [...].
Le FMI ne s'est jamais demandé ce qu'il y avait de faux dans ses
modèles, il n'a jamais aimé discuter des incertitudes
liées aux politiques qu'il recommande. Avec cette attitude et cet
état d'esprit, il lui est difficile de tirer les leçons de ses
erreurs. Le FMI a reconnu des erreurs dans la crise asiatique mais il s'est
efforcé de limiter les critiques et les débats »
Malgré la virulence de ses propos à l'encontre essentiellement du
FMI, J. Stiglitz souligne qu'en
« Critiquant ainsi les méthodes du FMI, il ne
veut pas dire qu'il perd toujours et partout son temps et son argent ». On
sent néanmoins que les arguments lui sont difficiles à trouver.
Il ne faut pas croire qu'il soit pour autant en faveur de l'abolition du FMI :
« Je crois que cette dernière n'aurait pas de sens [...] Je suis
persuadé qu'il est possible de remodeler la mondialisation de
façon à concrétiser ses potentialités
bénéfiques, et de réorienter les institutions
économiques internationales afin d'y parvenir ».Le consensus actuel
en dehors du FMI est qu'il faut limiter le champ d'action du FMI à son
domaine originel, c'est-à-dire la gestion des crises. S'il n'est pas
simple, le changement est possible. La BM a commencé à se
réformer, même si cela n'est pas allé aussi loin que
l'auteur l'aurait souhaité. « Néanmoins, je ne suis pas
très optimiste quant à la probabilité, dans un avenir
proche, de réformes fondamentales dans la structure de direction
officielle. Mais, à court terme, des changements de pratiques et de
procédures auraient peut-être un impact important ». Il
préconise notamment la transformation du système de droit de vote
au FMI et à la BM, ou, du moins, une augmentation de la
représentation de certains pays comme les États africains, qui,
à défaut de voter, pourraient au moins se faire entendre.
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