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La couverture du risque maladie: essai d'une étude comparative entre les systèmes français et marocain

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par Jamila Zakour
Université Bordeaux IV Montesquieu - DEA de droit du travail et de la Protection Sociale 2006
  

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b) Les fondements constitutionnels, religieux et légaux :

Dans le développement précédent, il était question d'une influence des normes et principes internationaux sur le droit marocain de la protection sociale. La Constitution de ce pays, et particulièrement un de ses articles, prouvent la réalité de cette influence. Il s'agit de l'article 18 de la Constitution. Celui-ci dispose que « tous supportent, solidairement les charges résultant des calamités nationales ». C'est une lecture combinée qu'il faut adopter, avec l'article 17 du même texte qui dispose que « tous supportent, en proportion de leurs facultés contributives, les charges publiques que seule la loi peut, dans les formes prévues par la présente Constitution, créer et répartir ». L'existence d'un principe de solidarité nationale est bel et bien réelle, mais il faut s'interroger sur la notion de « calamités nationales ». Est-ce que le risque maladie peut et doit être vu comme une « calamité nationale » ? Pareillement à la notion de « sociale » dans la Constitution française de 1958 où les commentaires sont inexistants, à propos de la portée de la notion de « calamités nationales », aucune glose n'existe ou ne fait référence à cette notion.

De même que les nombreuses similitudes avec le système français se retrouvent également ici, puisque le principe d'un système qui instaure la solidarité et le montant des contributions proportionnellement aux capacités financières de chaque citoyen qui a guidé à l'émergence du système français, trouve un écho dans le système marocain de la prise en charge du risque maladie.

Le Maroc est actuellement régi par la Constitution du 13 Septembre 1996 (adoptée par Référendum), et promulguée par le Dahir du 7 Octobre 199625(*).Ce n'est pas la première expérience constitutionnelle du pays, car ce dernier en a connue quatre autres : en 1967, 1970, 1972, 1992, et enfin 1996. Le Maroc en est donc à sa cinquième Constitution. Celle-ci comme nous l'avons expliqué en début de développement, présente plusieurs similitudes avec son homologue française, que ce soit au regard du pur droit constitutionnel (le Roi exerce lui aussi le droit de grâce, et le droit de dissoudre les Chambres du Parlement. De même, il nomme aux emplois civils et militaires tout comme le Président de la République), comme au regard des principes qui gouvernent le droit de la protection sociale et la prise en charge du risque maladie. En effet, si en droit français nous avions signalé la grande pauvreté des dispositions du corps même de la Constitution de 1958 quant aux questions de protection sociale, le même constat doit être fait pour le Maroc malgré la présence de 2 dispositions qui balisent le travail du Législateur. Similitude là encore dans la recherche des fondements constitutionnels mais hors le champ de la Constitution elle-même. La réponse doit être recherchée à la fois du coté du droit musulman, car l'Islam est la religion de l'Etat comme le souligne l'article 6 de la Constitution du 13 Septembre 1996, tout comme du coté du corps Législatif.

« En Islam, le croyant est pour le croyant comme un édifice social dont les parties se soutiennent mutuellement ». Ce hadith26(*) rapporté par des proches du Prophète, illustrent l'idée de solidarité en Islam. En effet, dans le droit musulman la philosophie de l'équilibre social est fondée sur le principe de l'équilibre entre les individus et le milieu naturel, le respect de la dignité humaine, et la solidarité entre les membres de la communauté musulmane27(*).Cela impose que les richesses soient réparties de manière équitable, en s'assurant que chaque musulman perçoive un minimum. Dans le cas où ce revenu minimum n'est pas garantit pour diverses raisons économiques et financières, la communauté devra compenser le manque à gagner afin de maintenir l'équilibre social. C'est le principe de la « Zakat », qui peut se définir comme une dîme que les riches sont tenus de verser aux plus démunis. La solidarité au sein de la communauté s'appuie donc sur le principe de l'unité. De plus, concernant la Zakate, celle-ci est bien plus qu'une simple obligation morale, puisqu'au regard de son évolution, elle fut institutionnalisée, voire encadrée juridiquement au temps du règne du Calife Omar Ibn El Khattab, autour de l'an 20 de l'Hégire, avec la création d'un cabinet chargé de procéder au recensement de la population aux fins d'identification de tous les nécessiteux et notamment les veuves et les orphelins, en vue de leur venir en aide. Le fonds de solidarité avait déjà vu le jour dans le monde musulman. Le droit à la Sécurité Sociale est dans l'Islam instauré de fait, puisque l'un des objectifs de la Religion est d'instaurer le bien être moral et social des individus et de la communauté, et par là même le droit à la protection sociale et donc à la prise en charge des risques. De plus, cette notion ne vise pas uniquement les travailleurs, car contrairement au système français où la protection sociale est liée à l'exercice d'une profession, dans le droit musulman et dans le système marocain datant de l'époque qui précédait le Protectorat plus particulièrement, le bénéfice de la protection n'était pas lié à l'exercice d'une activité professionnelle. Ceci, avait permis au Maroc de tisser tout un réseau de liens de solidarité entre les membres de la communauté, et aussi ente les membres d'une même corporation de métiers, qu'ils soient employeurs ou employés.

Même si ces principes continuent de perdurer car ils sont issus d'une source tout à fait primordiale, à savoir le Coran, ces derniers ont été fortement remis en cause lors de la période du Protectorat. En effet, dès 1912, c'est une toute autre approche qui va prévaloir dans le système de la prise en charge du risque maladie, car à la solidarité inconditionnée, l'administration française va greffer son système sur la société marocaine, et désormais ce sera le principe de la solidarité professionnelle qui va s'appliquer. Progressivement les différents systèmes de sécurité sociale vont délimiter au fur et à mesure le champ d'application en désignant les catégories de travailleurs couverts, et les prestations qu'ils visent. De fait, on comprend alors que toute personne n'exerçant pas une activité est exclue de ce système, alors même qu'elle ne l'était pas dans le système issu du pur droit musulman.

Aujourd'hui le Maroc a hérité à l'issue de l'indépendance d'un système de sécurité sociale organisé juridiquement dont la grande partie des textes est issue de la période du Protectorat, avec une pléthore de législations de nature mutualiste, car rappelons-le, c'est une véritable « greffe » du système français sur le système marocain qui eut lieu. La répartition de la gestion du risque maladie se fait de la manière suivante : les mutualités couvrent les soins de santé sous forme de prestations en nature, ce qui signifie qu'il y aura une prise en charge partielle ou totale des dépenses de santé, ce qui peut paraître étonnant car en principe ce sont les Caisses Nationales de Sécurité Sociale qui doivent assurer la gestion des prestations et ne particulier celles liée au risque maladie. Cependant lesdites prestations se sont révélées insuffisantes. De plus les caisses mutualistes préexistaient aux caisses de Sécurité Sociale, et sont mieux organisées. Il paraissait alors évident de leur laisser la gestion des soins de santé et donc du risque maladie. Les assurances privées gèrent la réparation du risque des maladies professionnelles et accidents du travail, de même que les risques liés à l'invalidité, la vieillesse, ou décès.

Ce sont 2 Dahirs qui vont poser les bases du système de prise en charge du risque maladie ; deux Dahirs qui se fondent en grande partie sur ce qui a été laissé par l'héritage colonial français. Le premier est le Dahir n° 1.57.187 en date du 12 Novembre 1963, portant statut de la mutualité28(*). Et le second Dahir en date du 27 Juillet 1972, et son Décret d'application du 30 Décembre 1972 concerne l'institution de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale. Ces deux textes étant insérés dans le code marocain de la Mutualité. Ces deux dahirs complétés par la dernière réforme en date et qui institue l'Assurance Maladie Obligatoire (AMO)29(*), forment les principales sources qui certes se situent en fin de hiérarchie des normes, mais dont la portée est absolument fondamentale, et particulièrement pour le Maroc qui a choisi de faire une place de choix pour les groupes mutualistes.

Plusieurs enseignements doivent être tirés de ce que nous venons d'expliciter. Tout d'abord une expression. Celle du Professeur Rousset30(*) lorsque ce dernier parle de « greffe de l'Etat » (en l'occurrence celle de l'Etat Français sur le Royaume du Maroc). L'héritage colonial et notamment sur le plan administratif, prouve combien il est difficile pour un pays qui accède à l'indépendance parfois au terme d'un processus long et douloureux, de s'affranchir totalement de la présence même symbolique de l'ancien colon.

C'est Bertrand Badie31(*)qui a mené le plus loin la réflexion autour de l'importation du modèle occidental de l'Etat-Nation. En effet, l'essentiel de se thèse démontre d'une part l'échec de cette importation en ce qu'elle ne tenait pas compte des particularismes identitaires et/ou religieux, et les nombreux conflits et génocides dans la région des Grands Lacs en Afrique de l'Ouest et dans les Balkans, sont malheureusement là pour l'illustrer. D'autre part, il met en avant la paradoxale survivance de cette domination culturelle et politique du Nord à l'égard du Sud. Les modèles démocratiques en Afrique, sont les mêmes que ceux qui furent importés et imposés par les occidentaux. Et cela se vérifie avec force pour le Maroc, qui en dépit de son caractère de Monarchie Constitutionnelle, a choisit lendemain de son indépendance, de s'appuyer sur les structures existantes pour bâtir un modèle politique national qui s'aligne sur les caractéristiques de la société marocaine. Le Royaume chérifien en plus d'avoir conservé la langue et l'organisation française de la protection sociale, a puisé dans le modèle administratif également, car le pays est découpé en Régions (Wilaya), et en provinces (l'équivalent de nos Départements), avec à leurs têtes un Gouverneur nommé par le Souverain. Ces derniers ont la qualité de représentants du Roi et de Délégués du Gouvernement, cependant, ils n'ont aucune compétence réelle, que ce soit en matière budgétaire et décisionnelle. Un mélange de décentralisation et de semi déconcentration que le système administratif marocain, pour tenir compte du caractère Monarchique du paysage politique...

* 25 Un éclaircissement doit être apporté quant au terme « Dahir » car c'est un acte qui revêt une grande importance surtout en matière protection sociale. Le dahir était un acte qui émanait du Souverain en tant que source Législative et Exécutive, puisque avant l'instauration d'un Parlement en 1977, le Souverain était aussi détenteur du pouvoir Législatif. Il y avait donc une vraie confusion des pouvoirs entre les mains du Monarque. Aujourd'hui, la Constitution prévoit en son article 29 que le Roi exerce donc les pouvoirs que lui procurent la Constitution par voie de Dahirs (pouvoir de nomination, de droit de grâce, de dissolution des Chambres...). Ces actes sont donc à mi-chemin entre le Décret et les pouvoirs propres du Président pour rester dans une acception comparative avec la France.

* 26 Le Hadith est un terme qui signifie « conversation/récit ». Il vise les recueils des actes et des paroles de Mahomet et de ses compagnons à propos de commentaires de versets du Coran et/ou de règles de conduite.

* 27 Ces idées ont postulé à la rédaction de la Déclaration du Caire sur les Droits de l'Homme en Islam.

* 28 Voir Annexe 4.

* 29 Voir développements supra.

* 30 M. Rousset, indépendance nationale et système juridique au Maroc, Presses Universitaires de Grenoble, 2000.

* 31 B.Badie, l'Etat importé et,  La fin des territoires, chez Fayard, respectivement 1992 et 1998.

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