Section 2) Les insuffisances certaines de l'Assurance
Maladie Obligatoire.
Le Maroc est à cent lieus d'avoir le même niveau
de développement que la France, et son taux d`exclus est bien
supérieur. C'est sans doute pourquoi il a fallut attendre quasiment 14
années une réforme de son organisation de prise en charge du
risque maladie; les changements de gouvernements et donc d'orientation
politique ont sans doute contribué à ce retard législatif.
Aujourd'hui l'Assurance Médicale Obligatoire a pour but de couvrir
l'ensemble de la population. Mais cette dernière présente une
faiblesse du point de vue de son financement (§1). C'est pourquoi, il est
primordial pour cet État de regarder volontiers vers les sources
internationales pour s'en inspirer (§2).
§1) L'institution de l'Assurance Maladie Obligatoire:
heurts et malheurs d'une réforme ambitieuse.
La réforme du système de prise en charge du
risque maladie au Maroc, est le fruit d'un travail laborieux et d'une longue
attente. Attente qui a commencé en 1992, pour se terminer par l'adoption
d'une loi votée en Novembre 2002 puis de décrets pris en
Août 2005. Cette loi s'applique depuis le 15 Septembre 2005. L'objectif
de cette réforme ambitieuse est de couvrir l'ensemble de la population
contre les risques liés à la maladie; l'AMO se donnait ainsi pour
objectif de permettre aux populations les plus pauvres qui étaient
exclues de toutes couvertures car elles n'appartenaient à aucune
catégorie socio professionnelle ou parce que leurs revenus ne leur
permettaient pas de s'offrir une couverture complémentaire, de se
trouver sur un même pied d'égalité que les personnes
bénéficiaires d'une telle protection. Une réforme de
grande ampleur donc au regard de la population touchée, mais aussi au
regard des risques couverts car l'AMO entend ni plus ni moins couvrir ce que la
loi appelle les ALD (affections de longue durée), qui sont les plus
coûteuses généralement.
Toutefois il y a de fortes chances que le Législateur
ne revoit ses ambitions à la baisse, car il semble qu'un
élément essentiel ait été oublié par cette
loi de Novembre 2002. : Son financement. Certes dans sa
présentation, l'AMO prévoit un prélèvement de 4%
sur le salaire brut, taux qui serait supporté pour moitié par le
salarié et l'employeur pour l'autre moitié. De même, la
CNSS est elle aussi appelée à mettre la main à la poche
puisque 6.5% des excédents bruts dégagés par la branche
allocations familiales seront affectés au financement de l'AMO. Enfin,
la loi prévoit que les dons, legs et tout autre produit financier
tiré de la gestion du patrimoine de l'AMO.
Les sources de financement montrent combien l'Etat marocain
est absent et du même coup c'est toute volonté de mettre en place
d'un véritable système prenant en charge les risques maladies des
populations les plus pauvres qui fait défaut. Le Maroc est classé
par l'Organisation Mondiale de la Santé comme un pays
intermédiaire, et, à ce titre, il paraîtrait logique que
dans un premier temps celui-ci se caractérise par une forte
présence pour remettre sur pied ses structures de santé, car
à l'heure actuelle les hôpitaux publics sont dans un état
désolant et n'offrent pas faute de moyens les soins auxquels peuvent
légitimement s'attendre les administrés, en particulier ceux ne
bénéficiant pas de couverture complémentaire. De plus, au
regard de la gestion de l'AMO, un déséquilibre se profile
à la fois sur les capacités financières et sur les
populations protégées. En effet, la part de l'AMO qui touchera le
secteur public sera gérée par la CNOPS tandis que la CNSS se
verra la rude tâche de gérer les salariés du secteur
privés aux revenus moins réguliers, moins élevés et
surtout moins nombreux que leur confères du public. Ce partage est
d'autant plus aberrant que les premiers sont déjà couverts pour
le risque maladie car c'est une obligation de bénéficier d'une
couverture complémentaire (le plus souvent ce sera une mutuelle). On
peut alors s'interroger sur la finalité de l'AMO pour des personnes qui
a priori n'en ont pas besoin et qui en plus ne participent
pas à son financement (car rappelons-le, l'AMO est financée entre
autre sources sur les cotisations des salariés et employeurs du secteur
privé et les excédents
générés par la branche allocations familiales de la CNSS).
Une participation des organismes privés constituerait un excellent moyen
de pallier le défaut de toute imposition, et permettrait de mettre en
place un vrai système de type béverigdien comme c'est le souhait
du législateur. Après tout puisque le Maroc regarde beaucoup du
coté de la France et des institutions monétaires internationales
telles que la Banque Mondiale, et tous s'accordent à affirmer que la
solidarité par le marché est une forme de contrepartie aux droits
qu'ont les citoyens, et qu'il faut les responsabiliser. Il est normal et juste
que cette logique s'applique aux protagonistes qui auront le lourd mandat de
prendre en charge la mise en place et la pérennité de ce
système.
L'accent est mis sur le rôle important joué par
les organismes mutualistes et d'assurance privée, permettant à
l'Etat de se délester d'une fonction pourtant vitale dans un pays comme
le Maroc, et ceci au détriment de toute réelle politique
sanitaire et sociale. La seule alternative intéressant réside
dans la possibilité pour le Royaume chérifien de se tourner vers
les textes internationaux traitant de la Sécurité Sociale car ces
derniers offrent tout de même un « filer social » qui
pourra servir de socle pour une protection pérenne.
|