La couverture du risque maladie: essai d'une étude comparative entre les systèmes français et marocain( Télécharger le fichier original )par Jamila Zakour Université Bordeaux IV Montesquieu - DEA de droit du travail et de la Protection Sociale 2006 |
DEUXIEME PARTIE: VERS UNE NOUVELLE GESTION DUSYSTEME DE SOINS EN FRANCE ET AU MAROC.Ces dernières années la question de la réforme de la Sécurité Sociale s'est imposée dans les débats publics et son importance est telle que c'est une question qui s'est transformée en enjeu politique. Nombreux furent les titres de la presse qui adoptaient un ton volontiers provocateur quand ils s'interrogeaient sur le devenir du système de soins en France, et notamment sur le fameux « trou de la Sécu ». La France comme la plupart des Etats européens se trouve confrontée à de sérieuses difficultés quant à l'équilibre financier de son système de soins. Dans de nombreux Etats providence les tensions financières se font de plus en plus sentir, et ils sont nombreux à avoir adopter une stratégie qui consiste à diminuer petit à petit le niveau des prestations et des remboursements de celles-ci. Mais, l'attitude la plus significative de ce revirement politique consiste en la disparition de l'Etat dans les prises de décisions touchant à la politique de soins qui s'explique par une décentralisation accrue en matière de politique de santé. Il organise son retrait au profit d'instituions nouvelles ou modifie celles existantes pour leur attribuer des fonctions supplémentaires. Tâche qui avait réellement débuté en 1996 avec la réforme dite « Juppé », et qui a pleinement repris son cours dès 2004 avec l'apparition des premières structures décisionnelles telles que l'UNOCAM (dont nous étudierons les fonctions dans un développement ultérieur) pour atteindre son point culminant avec la Loi organique du 2 Août 2005 qui apporte une pierre supplémentaire sur l'autel de la réforme de la Sécurité Sociale. Cela ne signifie pas qu'entre 1996 et 2005 les gouvernements successifs aient été frappés d'amnésie quant à cette brûlante question, c'est justement le caractère extrêmement passionné du débat et en particulier en France qui incita à plus de prudence nos gouvernants car les sanctions électorales ne se font jamais attendre. Il a été (et c'est toujours le cas à la vérité) très difficile en France eut égard à l'histoire de la Sécurité Sociale caractérisée par une forte présence de l'Etat dans l'orientation politique et budgétaire du système de soins, de rallier la société civile à ce que nombre d'auteurs appellent « la nouvelle gouvernance » du système de soins. Le Maroc à moins de difficultés car son seuil de développement est moindre que la France, cependant il compte un plus grand nombre d'exclus de toute prise en charge quant à la maladie. Le Royaume Chérifien est lui aussi tenté de regarder du coté de « la nouvelle gouvernance », ce qui aura pour conséquence une redéfinition du concept de « couverture du risque maladie » (Chapitre I). Toutefois des interrogations demeurent, car l'idée selon laquelle il faut faire du passé table rase pour laisser place à une nouvelle forme de gestion du risque maladie qui se passerait quasiment de toute intervention étatique est assez dangereuse pour les deux pays. Ces derniers postulent que seule une conception purement comptable des choses constitue la solution au déficit des structures de soins. Entendre un tel argument revient à ne pas tenir compte des particularismes de chacun des pays et constitue un raccourci intellectuel qui élude toute autre solution alternative permettant de réactiver les solidarités (chapitre II). Chapitre I) Une redéfinition du concept de « couverture du risque maladie ».Les développements présents nous ont permis de comprendre que nul ne peut vivre sans risque, celui-ci faisant partie intégrante de la société. Les polémiques qui ont émergé concernant des scandales touchant au droit de la santé et aux questions sanitaires que furent l'affaire dite de « la vache folle » ou du « sang contaminé », constituent des exemples parfaits quant à la différence entre risque subi et le risque choisi. Le risque maladie est une notion qui a évolué de pair avec le développement des technologies, favorisant l'apparition de nouveaux risques maladie. On pourrait alors légitimement penser que cela justifie les décisions politiques visant à faire évoluer l'architecture existante pour l'aligner sur les nouveaux concepts. En réalité c'est moins la volonté de prendre en charge le risque maladie de manière plus efficace que de procéder à des mesure drastiques en matière budgétaire qui motive l'action du législateur. Si en France la couverture du risque maladie est caractérisée par un retrait du politique (Section 1), au Maroc cette redéfinition de la prise en charge du risque maladie reflète des insuffisances certaines (Section 2). Section 1) Le retrait du politique en matière de gestion du risque maladie.Dans ses fondements initiaux, la Sécurité Sociale et plus précisément son volet assurantiel sur le risque maladie, avait pour objectif principal de réduire les aléas à défaut de les supprimer en versant des prestations contributives. Le risque maladie était ainsi supporté par la collectivité où chacun contribuait à hauteur de ses moyens. Aujourd'hui la mutation de la notion est un des arguments phares de ceux qui claironnent que les nouveaux risques maladie ne peuvent plus être pris en charge comme ils le furent jusqu'à présent, et que l'Etat doit se contenter de poser des cadres pour une nouvelle gestion du risque maladie sans pour autant intervenir. C'est une solidarité par le marché, cheval de bataille cher à un certain groupement patronal, qui est proposée. Et il semble que cette idée ait rencontré un écho favorable puisque l'Etat dès 2004 a opéré un transfert de ses compétences en la matière. La création de l'UNOCAM en témoigne (§1), de même l'analyse de la LFSS de 2006 illustre ce changement de cap (§2) tout comme l'émergence des « contrats responsables » (§3)45(*) * 45 Plusieurs excellentes de doctrine offrent des développements intéressants su la question. La plus récents et la plus complète selon nous, est celle de Laurence Jegouzo dans la revue de droit sanitaire et social n°2/2005, p. 253. |
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