L'enquête de police et l'infraction flagrante en droit Libanais(étude Comparative)( Télécharger le fichier original )par Ali Ataya Université de Perpignan Via Domitia - Master II droit comparé, option droit privé Et science criminelle 2006 |
1. Le droit de se faire représenter en justiceLa Cour européenne impose la présence d'un défenseur non seulement au stade des audiences de jugement proprement dit, mais également au stade de l'instruction préliminaire (...) "Il faut voir là une application remarquable du principe selon lequel les règles du procès équitable doivent saisir la phase préalable au jugement dès l'instant que leur inobservation initiale peut être de nature à compromettre le droit de l'intéressé à se défendre correctement394(*). A cet égard, notre Cour, statuant en matière pénale, a décidé que le jugement rendu sans que le prévenu ait été interrogé au fond et sans que l'avocat qui le représente ait été entendu en ses moyens de défense, est un jugement par défaut, même si l'avocat a entendu les réquisitions du ministère public et n'a déclaré faire défaut qu'après celles-ci395(*). Viole l'article 6.1 et 3, c, de la Convention la décision par laquelle le juge, saisi ensuite de l'opposition du prévenu, dénie à celui-ci le droit de se faire représenter par son conseil au motif que la crainte d'être arrêté qu'il invoque, n'entraîne aucune impossibilité de comparaître en personne396(*). La quête de l'aveu demeure pour bien des enquêteurs de police le principal objectif de l'interrogatoire. On peut comprendre puisque l'aveu permet de résoudre entre 25 et 30% des crimes (Baldwin et McConville, 1980; Stephenson et Moston, 1994). Bien que la preuve soit le facteur déterminant, les policiers n'en détiennent pas toujours suffisamment pour accuser ou faire condamner un suspect. Cette situation est même fréquente. Des études révèlent que des preuves techniques sont amassées dans tout au plus 10% des cas (Horvath et Meesig, 1996). Les preuves reposent donc habituellement sur les témoignages... incluant celui du suspect. Deux principaux facteurs déterminent la façon de pratiquer l'interrogatoire de police : 1) le cadre juridique dans lequel ce type d'entretien est exercé; 2) Le respect des droits constitutionnels, lorsqu'il y en a. Contrairement aux auditions de témoins, l'audition d'un suspect commence par une mise en garde. Au Canada, la mise en garde397(*) commence avec «Vous avez le droit de garder le silence [...]». Le droit au silence est donc une option à considérer puisqu'il s'agit d'un droit constitutionnel. Le contexte peut également influencer la façon de mener des interrogatoires. Par exemple, la guerre du terrorisme a militarisé la justice criminelle et changer les règles. « La façon dont les suspects sont interrogés par les militaires serait inacceptable devant un tribunal ordinaire » (Williamson, 2006 : 5, traduction libre). Au Royaume-Uni, la loi ne permet l'usage d'aucune ruse ni méthode persuasive, alors que ces stratégies sont permises au Canada et aux États-Unis. Suite à d'importants changements législatifs398(*), le Royaume Uni a développé le modèle PEACE399(*), un modèle d'entrevue en cinq étapes : (P) La première étape concerne la planification et la préparation de l'entrevue; (E) L'entrevue avec le suspect est relativement simple et se résume comme suit : une explication de ses droits; (A) une version obtenue librement, sinon à l'aide de stratégies appropriées de questionnement; (C) la version de l'interviewé peut nécessiter des clarifications ou faire l'objet d'une comparaison avec des éléments de la preuve. Cette étape permet également de conclure en s'assurant que tous les points ont été couverts et que le suspect est informé de la suite des événements. Quant à la dernière étape, (E) elle permet à l'enquêteur d'évaluer la qualité des éléments qu'il a obtenus au cours de l'entretien. L'avantage du modèle PEACE est qu'il s'applique aussi bien aux entretiens avec les témoins qu'avec les suspects. Les policiers mettent donc beaucoup d'emphase pour recueillir dans les moindres détails - via l'entrevue cognitive - la version des témoins. Cela permet de bonifier la qualité de la preuve. Après tout, ces témoignages sont habituellement plus proches de la vérité que la version du suspect (St-Yves et Landry, 2004). * 394L. Favoreu, "La protection des droits et libertés dans le cadre de la C.E.D.H.", Précis , Dalloz, p. 413. Sur "le procès de l'absent", voir aussi A. Giudicelli, o.c., p. 129 e.s cite par Monsieur Jean du Jardin, LE DROIT DE DÉFENSE DANS LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE CASSATION (1990-2003) * 395 Cass(BELGE)., 19 janvier 1999, Bull. et Pas., 1999 , I, n° 29 et la note signée Vandeplas, dans R.W., 1998-99, 3050, cite par Monsieur Jean du Jardin, LE DROIT DE DÉFENSE DANS LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE CASSATION (1990-2003) * 396 Cass., 16 mars 1999, Bull. et Pas., 1999, I, n° 158). cite par Monsieur Jean du Jardin, op.cit * 397 Au Canada, la mise en garde se fait en deux temps, d'abord le droit au silence, puis le droit à l'avocat : « Vous avez le droit de garder le silence. Nous devons vous informer que nous sommes des policiers. Vous n'êtes pas obligé de dire quoi que ce soit mais vous devez comprendre clairement que si vous désirez parler, tout ce que vous direz pourra être pris par écrit et servir de preuve. Avez-vous bien compris? Vous avez le droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat. Vous avez également le droit d'avoir accès aux conseils immédiats, préliminaires et gratuits d'un avocat de garde ou de l'aide juridique, sans égard à votre situation financière. - Numéro de téléphone de l'Aide juridique et numéro de téléphone du service de garde du Barreau dans le cas où il est disponible dans le district où le suspect se trouve- Avez-vous bien compris? * 398 Commission Royale d'enquête, PACE (1984), The Criminal Justice and Public Order Act (1994). * 399 PEACE est l'acronyme de Preparation (and planning), Engage, Account, Closure, Evaluation. |
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