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L'enquête de police et l'infraction flagrante en droit Libanais(étude Comparative)

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par Ali Ataya
Université de Perpignan Via Domitia - Master II droit comparé, option droit privé Et science criminelle 2006
  

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Chapitre II: les violations des droits du prévenu

Le prévenu est une personne citée ou renvoyée devant un tribunal correctionnel (ou un tribunal de police), pour y répondre d'un délit (ou d'une contravention). Il bénéficie des droits de la défense, notamment d'être assisté d'un conseil358(*).

Section 1Ó Le droit au silence du prévenu 

Dans la procédure pénale belge, le prévenu jouit du droit au silence359(*). Il est libre d'organiser sa défense en gardant le silence pendant l'enquête pénale et en ne collaborant d'aucune manière à l'enquête. Le prévenu n'est donc pas tenu de faire des déclarations ni de communiquer des pièces aux agents de police ou aux autorités judiciaires (juge d'instruction ou parquet) qui sont chargés de clarifier le délit commis et ne peut davantage être entendu sous serment à propos des faits mis à sa charge360(*). Le droit au silence signifie que le silence ou la passivité du prévenu ne peut être considéré comme un aveu de sa part361(*). Ce droit au silence n'est pas expressément prévu dans notre Code d'instruction criminelle, mais découle, d'une part, du principe général du droit (coutumier) relatif aux droits de défense et, d'autre part, du droit à un procès équitable (article 6 Conv. eur. D.H.)362(*). D'un point de vue juridique, le droit au silence se fonde également sur l'art. 14.3.g du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), selon lequel personne ne peut être forcé à témoigner contre lui-même ou à s'avouer coupable (interdiction d'auto-incrimination). Enfin, le droit au silence est lié à la présomption d'innocence et à la règle selon laquelle, en matière pénale, la charge de la preuve incombe au ministère public et le prévenu ne peut être tenu de collaborer à l'administration de la preuve (nemo tenetur se ipsum prodere)363(*).

Le droit au silence et la mise en inculpation du prévenu

Il est très important pour l'auteur de savoir s'il est considéré ou non, par le juge d'instruction, comme un prévenu ou un inculpé. Le prévenu peut alors définir sa stratégie de défense et recourir éventuellement ici à son droit au silence. Dans le droit pénal belge, les personnes chargées d'enquêter sur les délits et de poursuivre, à savoir les magistrats instructeurs, les parquets et les services de police, n'ont pas l'obligation légale d'informer l'auteur de l'existence du droit au silence (obligation que l'on appelle « cautieplicht » aux Pays-Bas)364(*). Cette règle s'applique tant à la situation dans laquelle une personne a déjà été effectivement inculpée ou est traitée comme un inculpé qu'à la situation dans laquelle l'intéressé n'est pas considéré comme l'auteur présumé du délit. L'article 47bis du Code d'instruction criminelle stipule, certes, qu'au début de toute audition, la personne interrogée - quelle que soit sa qualité (témoin victime ou auteur) - doit être préalablement informée que ses déclarations peuvent être utilisées comme preuves en justice, mais ce prescrit ne constitue pas une exception à la règle précitée365(*). Le juge d'instruction doit «explicitement» inculper le prévenu, lorsqu'il constate que des indices sérieux de culpabilité existent contre lui. Il doit le faire savoir à l'intéressé au cours d'une audition ou par notification écrite. La loi ne prévoit pas de sanction, si le juge d'instruction ne respecte pas cette obligation366(*), et l'absence d'inculpation n'entraîne pas la nullité de la procédure ou une méconnaissance irrémédiable des droits de défense367(*). L'auteur est également inculpé de manière « implicite », lorsque la procédure pénale a été intentée contre lui. Cette qualification peut enfin se déduire du fait que l'auteur est repris nominativement comme inculpé dans l'acte par lequel le parquet requiert au juge d'instruction d'engager une enquête judiciaire sur des faits précis ou de la plainte avec constitution de partie civile que la victime a introduite auprès d'un juge d'instruction368(*). L'inculpation explicite ou implicite n'impose cependant pas l'obligation de communiquer à l'intéressé qu'il possède le droit au silence.

L'article 6.3.a Conv. eur. D.H., qui stipule que toute personne poursuivie pour un fait punissable a le droit d'être informée, dans les plus brefs délais, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre elle, ne s'applique généralement pas à l'enquête judiciaire, mais vaut uniquement lors du jugement de l'auteur devant le juge pénal, à moins que son non-respect menace sérieusement le caractère équitable du procès369(*). Pour satisfaire à l'obligation d'information de l'art. 6.3.a Conv. eur. D.H., le prévenu est informé des faits qui lui sont reprochés, après clôture de l'enquête pénale, via l'assignation ou l'ordonnance de renvoi devant le juge pénal, ou éventuellement au moment de la consultation du dossier pénal. L'absence d'inculpation régulière et dans les temps, conformément à l'article 6.3.a Conv. eur. D.H., au cours de l'enquête judiciaire, ne constitue pas, en soi, une méconnaissance irrémédiable des droits de défense370(*).

La Cour de cassation confirme, dans son arrêt du 23 avril 2002, que, dans le cadre de l'accomplissement de sa mission, l'expert judiciaire peut coopérer avec une personne qui est ensuite inculpée et poursuivie comme coauteur des faits délictueux qui faisaient l'objet de l'enquête judiciaire. Il faut admettre, à l'instar de B. DE SMET, que l'auteur peut coopérer à l'enquête comme témoin et comme conseiller technique, tant qu'il n'y a pas d'indice concret de culpabilité contre lui. S'il appert par la suite que cette personne doit tout de même être considérée comme coauteur et que des poursuites sont engagées contre elle, le droit au silence n'en est pas entaché371(*).

Le droit au silence et la loyauté de l'administration de la preuve

En matière pénale, la preuve doit être loyalement obtenue, ce qui signifie que la recherche de moyens de preuve ne peut s'appuyer sur des techniques qui trompent les droits de défense, dont le droit au silence. Le procureur du Roi et le juge d'instruction doivent veiller à la loyauté avec laquelle les moyens de preuve sont rassemblés (cf. art. 28bis, § 3 et 56, § 1 C.I.cr). Toute preuve à charge acquise en dépit du principe de loyauté est nulle372(*). Jusqu'à preuve du contraire, le ministère public est présumé toujours agir loyalement373(*).

Le principe de loyauté est entaché si l'expert « encourage » le prévenu à faire des aveux, en lui promettant qu'il ne sera pas poursuivi s'il coopère à l'enquête. Selon la doctrine, l'expert ne peut, en effet, recourir à des méthodes qui mettent le prévenu sous pression pour qu'il avoue : toute déclaration « arrachée » par de fausses promesses, par des menaces ou par épuisement, ne peut être utilisée comme preuve374(*) .Le droit au silence vaut également à l'égard de l'expert qui a été désigné par le juge d'instruction. En tant que collaborateur du tribunal, l'expert doit tenir compte du droit au silence et de la présomption d'innocence375(*). Une personne peut donc refuser de collaborer à une expertise judiciaire, en ne faisant pas de déclaration ou en refusant de remettre les documents demandés. Ce point est expressément confirmé par l'arrêt de la Cour de cassation analysé.

À l'inverse, le prévenu peut renoncer à son droit au silence et apporter spontanément sa collaboration à l'enquête pénale. Selon la Cour de cassation, le comportement coopératif du prévenu n'empêche pas qu'il soit ultérieurement poursuivi par le juge pénal. Le juge peut toutefois considérer l'aveu spontané et le rôle actif du prévenu dans la recherche de moyens de preuve comme une circonstance atténuante et en tenir compte, à l'avantage de l'accusé, lors de la fixation de la peine376(*).

La Cour de cassation estime, en l'espèce, que l'expert n'agit pas de manière déloyale ni ne viole les droits de défense, en ne prévenant pas expressément la personne à laquelle il demande des informations, ou qui communique spontanément des données, du risque qu'elle encourt d'être poursuivie pénalement sur base des informations recueillies par lui. Il faut se rallier, avec B. DE SMET, à la position de la Cour de cassation. Si la collaboration du prévenu le préservait des poursuites pénales, il suffirait à l'auteur de remettre spontanément des pièces à l'expert au cours de l'instruction, pour échapper à toute poursuite377(*).

* 358 De Ferrière (Dictionnaire de droit, 1762) : Le prévenu est celui qui est accusé d'un crime, et qui n'a point encore été condamné. Cette accusation ne lui fait point perdre son état : il conserve ses honneurs et dignités, quoique l'exercice en soit en suspens.

Cass.crim. 22 septembre 1999 (Gaz.Pal. 2000 J 662) : L'article 417 C.pr.pén. impose au président de commettre un défenseur d'office au prévenu comparant qui en fait la demande; l'inobservation de cette formalité substantielle porte atteinte aux droits de la défense..DOUCET(J), op .cit

* 359 Cass(Belge). 13 mai 1986, Rev. dr. pén 1986, 905. Voir également BOSLY, H.-D., « La régularité de la preuve en matière pénale », J.T. 1992, 125; BOSLY, H.-D. et VANDERMEERSCH, D., Droit de la procédure pénale, Bruges, Die Keure, 2003, 548; QUARRE, Ph., « Le droit au silence », J.T. 1974, 525; VAN DEN WYNGAERT, Chr., Strafrecht, Strafprocesrecht & Internationaal Strafrecht, Anvers, Maklu, 2003, 594-600; VERSTRAETEN, R., Handboek strafvordering, Anvers, Maklu, 1999, n° 728.

* 360 Cass(Belge). 9 septembre 1997, P. & B. 1998, 275 et Cass. 16 septembre 1998, J.T. 1998, 656. Voir également DECLERCQ, R., Beginselen van strafrechtspleging, Anvers, Kluwer, 2003, n° 403; VERSTRAETEN, R., Handboek strafvordering, Anvers, Maklu, 1999, n° 728.

* 361 VAN DEN WYNGAERT, Chr., Strafrecht, Strafprocesrecht & Internationaal Strafrecht, Anvers, Maklu, 2003, 596. SAZDOT, A., « Le droit au silence et le droit à l'assistance d'un avocat dès les premiers stades de la procédure », note sous C.E.D.H., arrêt MURRAY du 8 février 1996, J.L.M.B. 1997, 466 et VERSTRAETEN, R., Handboek strafvordering, Anvers, Maklu, 1999, nr. 728.

* 362 Traité du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

* 363 SAZDOT, A., « Le droit au silence et le droit à l'assistance d'un avocat dès les premiers stades de la procédure », note sous C.E.D.H., arrêt MURRAY du 8 février 1996, J.L.M.B. 1997, 465.

* 364 BOSLY, H.-D. et VANDERMEERSCH, D., Droit de la procédure pénale, Bruges, Die Keure, 2003, 549 VAN DEN WYNGAERT, Chr., Strafrecht, Strafprocesrecht & Internationaal Strafrecht, Anvers, Maklu, 2003, 596.

* 365 BOSLY, H.-D. et VANDERMEERSCH, D., Droit de la procédure pénale, Bruges, Die Keure, 2003, 549 et VAN DEN WYNGAERT, Chr., Strafrecht, Strafprocesrecht & Internationaal Strafrecht, Anvers, Maklu, 2003, 596 et 836.

* 366 Cass. P.02.0996.F 2 octobre 2002 et Cass. P.02.1088.F 23 octobre 2002, www.cass.be.

* 367 Cass. P.02.1146.N 10 December 2002, www.cass.be.

* 368Circulaire n° COL 12/98 du Collège des Procureurs généraux du 1er octobre 1998 concernant la loi du 12 mars 1998 relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction, 60.

* 369 Cass. P.02.1146.N 10 décembre 2002, www.cass.be.

* 370Cass. P.02.1146.N 10 décembre 2002, www.cass.be.

* 371DE SMET, B. « Medewerking aan het deskundigenonderzoek is geen hinderpaal voor vervolging », note sous Cass. 23 avril 2002, R.W. 2002-2003, 777.

* 372 Cass. 22 mai 2001, T. Strafr. 2002, 36.

* 373 Cass. 30 octobre 2001, T. Strafr. 2002, 198-200.

* 374 DE SMET, B., Deskundigenonderzoek in strafzaken, dans A.P.R., Anvers, Kluwer, 2001, n° 260. Voir également TRAEST, Ph. et VAN CAENEGEM, P., « Het deskundigenonderzoek in strafzaken », dans Gerechtelijk deskundigenonderzoek. De rol van de accountant en de belastingconsulent, Brugge, Die Keure, 2003, n° 143 et VERSTRAETEN, R., Handboek strafvordering, Anvers, Maklu, 1999, n° 1558.

* 375 DE SMET, B., Deskundigenonderzoek in strafzaken, dans A.P.R., Anvers, Kluwer, 2001, n° 260.

* 376 HENNAU, Chr. et VERHAEGEN, J., Droit pénal général , Bruxelles, Bruylant, 2003, n° 510; TULKENS, F. et VAN DE KERCHOVE, M., Introduction au droit pénal, E. Story-Scientia, 1997, 411.

* 377 DE SMET, B. « Medewerking aan het deskundigenonderzoek is geen hinderpaal voor vervolging », note sous Cass. 23 avril 2002, R.W. 2002-2003, 778.

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