A. Les interceptions judiciaires
Les demandes d'interceptions judiciaires sont régies
par la convention d'entraide judiciaire du 29 mai 2000. 1.) Les
négociations au sein du Conseil ont été difficiles et se
sont heurtées à plusieurs obstacles. (2.)
1. La règle posée par la convention
d'entraide judiciaire du 29 mai 2000
La convention de coopération judiciaire du Conseil de
l'Europe du 20 avril 1959 prévoit que les parties contractantes «
s'engagent à s'accorder mutuellement, selon les dispositions de la
présente convention, l'aide judiciaire la plus large possible.»
Cette disposition concerne tous les types de demandes, y compris les
commissions rogatoires visant une demande d'interception de
télécommunications. L'expérience a montré cependant
que cette forme d'entraide a connu des difficultés d'exécution
dans la pratique. C'est la raison pour laquelle, les rédacteurs de la
convention d'entraide judiciaire du 29 mai 2000 ont inséré des
dispositions spécifiques destinées à créer un cadre
juridique concernant les demandes relatives à l'interception des
télécommunications.
La convention couvre toute une série
d'hypothèses, en particulier :
§ les demandes d'interception avec l'assistance de
l'État requis : il s'agit du cas de figure le plus simple où un
État A demande à un État B d'intercepter la communication
d'une personne se trouvant sur le territoire de l'État B ;
§ les demandes d'interception sans assistance, qui
concernent l'hypothèse où l'État A intercepte la
communication d'une personne se trouvant sur le territoire de l'État B
sans avoir à faire appel aux moyens de l'État B ;
§ les demandes d'interception à distance. Un
État A demande à un État B d'intercepter la communication
d'une personne se trouvant soit sur le territoire de l'État
requérant, (État A) soit sur le territoire d'un État
tiers. (État C)
Les règles contenues dans la convention sont les
suivantes : toute interception doit être conforme à la fois
à la loi nationale de l'État qui la demande et à celle de
celui qui l'exécute. La convention du 29 mai 2000 contient des
avancées importantes en permettant à tout État membre
d'obtenir la retransmission immédiate d'une interception. Il s'agit d'un
progrès notable en matière d'entraide dans la mesure où
elle offre le choix au juge de demander soit un enregistrement de la
communication, soit une écoute en temps réel. Il réserve
un sort plus favorable à cette dernière puisque les motifs de
refus opposables sont moins nombreux que ceux concernant les demandes
destinées à la transmission ultérieure d'une
interception.de sorte à couvrir un éventail le plus large
possible de situations telles que les données techniques concernant
chaque télécommunication ou le lieu où elle a
été émise ou reçue.
2. Les difficultés rencontrées lors des
négociations de la convention
Les discussions se sont heurtées à deux
problèmes :
Le premier concernait les écoutes à distance. Un
État souhaitant intercepter une cible à l'aide d'un réseau
satellite, doit-il avertir l'État hébergeant la station terrestre
alors que l'écoute n'a pas lieu effectivement sur son sol ? Les moyens
techniques permettent de passer par l'intermédiaire d'un fournisseur
national de service d'un réseau de télécommunications par
satellite dont la station terrestre est située dans un autre État
membre, sans nécessiter l'assistance technique de ce dernier.
L'exploitant du réseau satellitaire met à disposition de
l'État membre une « télécommande » permettant de
procéder aux écoutes. Finalement, la solution retenue par le
Conseil est qu'un État n'a besoin ni d'obtenir une autorisation ni
d'avertir l'État sur le territoire duquel se trouve la station
terrestre.
§ Le second problème concernait les
dérogations générales qui consistent à informer
l'État membre sur le territoire duquel est effectuée une
interception ne nécessitant pas son assistance. Ce cas de figure suppose
que l'État désirant effectuer une écoute a les moyens
techniques nécessaires pour le faire, c'est-à-dire qu'il
possède par exemple des stations terrestres : contrairement au cas de
l'écoute à distance cité ci-dessus, l'État qui
souhaite faire procéder à l'interception est celui qui dispose de
la station. La question a prêté à controverse, car il n'y a
pas véritablement de coopération judiciaire en la matière.
Certains États estiment qu'à ce titre il n'y a pas lieu de
créer des règles particulières sur ce sujet. D'autres
jugent cette situation intolérable puisque des communications ayant lieu
sur leur territoire peuvent être écoutées à leur
insu.
Un consensus s'est dégagé sur le fait que
l'État interceptant a l'obligation d'informer l'État sur le
territoire duquel se trouve la cible. Cette notification a lieu en principe
avant l'interception. L'État notifié doit normalement
répondre à l'État requérant sans délai et au
plus tard quatre jours après la notification pour donner ou non son
accord. En cas de silence de celui-ci, la solution retenue est que
l'écoute peut se poursuivre, mais que le matériel
intercepté ne peut pas en principe être utilisé dans une
procédure. Le Royaume-Uni s'est toutefois opposé à ce
compromis au motif que son droit ne fait aucune distinction entre les
interceptions aux fins de renseignement et celles réalisées dans
le cadre d'une entraide pénale. Cette situation l'aurait contraint
à informer de l'ensemble des interceptions de sécurité
pratiquées sur le territoire d'autres États membres, en
particulier dans le cadre du réseau Echelon ,Son refus a conduit le
Conseil à introduire une mention particulière dans la convention
afin de limiter les cas où l'État qui pratique l'interception a
l'obligation de le notifier. Cette obligation doit être respectée
seulement si les conditions de l'interception présentent « les
caractéristiques d'une enquête menée dans le cadre d'une
infraction pénale déterminée ».
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