VI. DISCUSSION
Dans ce travail, nous avons dosé la cotinine urinaire
par une méthode immuno-enzymatique dont la limite de détection
est de l'ordre de 33 ug/ L selon le fournisseur du Kit de dosage, permettant la
détection de la cotinine même chez les fumeurs et chez les
fumeurs passifs. En pratique, nous avons retrouvé chez les
témoins non exposés des valeurs de cotininurie
inférieures à 33ug/L, faisant de cette méthode un outil
adapté au dépistage du tabagisme. Notre méthode se
caractérise par une limite de détection meilleure que celle de la
technique immuno-enzymatique utilisant le réactif
Microgénics® (45 ug/L), permettant de dépister de
façon satisfaisante les "fumeurs" mais pas les "petits fumeurs", mais
plus élevée que celle de la méthode "métabolites de
la nicotine" DPC® (10,8 ug/L), dont le principal avantage est
la précision satisfaisante pour de faibles concentrations de cotinine,
permettant le dépistage du "fumeur passif".
Le dosage de la cotinine urinaire est également
possible par une méthode colorimétrique utilisant comme
réactifs le chlorure de cyanogène et l'acide barbiturique, et
donnant un complexe coloré évalué à 500 nm. Mais
cette méthode manque de spécificité et de
sensibilité (69,70) et son principal inconvénient réside
dans le domaine de linéarité restreint qui impose d'effectuer
des dilutions des échantillons biologiques pour les fumeurs fortement
dépendants ou traités par de fortes doses de nicotine
(45,49).
Par ailleurs, concernant notre méthode, d'autres
métabolites de la nicotine et notamment la 3-Hydroxy-cotinine, dont la
forme libre représente 34% de l'ensemble des métabolites
urinaires de la cotinine,, peuvent majorer significativement les
concentrations de la cotininurie mesurée. Cette interférence se
répercutant sur toutes les mesures effectuées, elle demeure sans
incidence sur la comparaison de nos résultats
(45,49).
Cependant, la meilleure alternative préconisée
par certains auteurs est le recours à l'HPLC
précédée par une extraction en phase solide qui a
été également décrite pour le dosage de la
nicotine, de la cotinine et de la trans-3'-hydroxycotinine dans l'urine
(45,60,61). Il s'agit d'une technique rapide et fiable qui peut s'appliquer
à des échantillons provenant aussi bien de fumeurs actifs que
passifs (49,64). Avec ce type d'extraction, Oddoze et al (71) obtiennent une
limite de quantification de 0,5 ng/mL pour la cotinine et de 5 ng/mL pour la
nicotine. Tuomi et al (72) ont utilisé une technique HPLC couplée
à la spectrométrie de masse pour évaluer l'exposition
à la fumée de tabac. La limite de détection est de l'ordre
de 1ng/mL pour la cotinine et de 10 ng/mL pour la nicotine et ces seuils
peuvent être abaissés en augmentant le volume de
l'échantillon.
Avec l'adaptation de notre méthode sur automate, la
cotininurie s'avère un marqueur biologique pertinent du tabagisme avec
une valeur discriminative entre les trois sous-groupes (fumeurs, sujets non
exposés et sujets exposés), les valeurs supérieures
à 25,3 ug/umol de cotinine ayant toujours été
retrouvées chez les fumeurs passifs et supérieures à
105,18 ug/umol chez les fumeurs confirmés.
La surveillance biologique du tabagisme actif et du tabagisme
passif chez les personnes soumises à un environnement tabagique (in
utero, enfants, adultes), est une notion maintenant acquise. La cotinine libre
urinaire apparaît comme le meilleur marqueur, étant un parfait
témoin de l'imprégnation tabagique (45). Elle constitue le
marqueur le plus couramment utilisé. En effet, la cotinine est lentement
éliminée de l'organisme: sa demi-vie varie de 10 à 37
heures en fonction des sujets et son dosage reflète
l'imprégnation tabagique des deux ou trois jours
précédents. De plus, la cotinine étant une base beaucoup
plus faible que la nicotine, les concentrations urinaires sont beaucoup moins
dépendantes du pH (75, 73,74).
Selon Larramendy et al (76), la cotinine est un marqueur de
l'abstinence tabagique avec une sensibilité de 96-97 % et une
spécificité de 99-100 % pour la distinction fumeur / non-fumeur
(45,76).
Dans ce travail, nous retrouvons une différence
significative entre les valeurs moyennes de la cotinine urinaire chez les
fumeurs, les fumeurs passifs et les non fumeurs, permettant le
dépistage du tabagisme passif. Cependant, en tenant compte des vrais
intervalles des taux de cotinine urinaire, il semble difficile de faire la
différence entre les fumeurs passifs et les non fumeurs non
exposés. Les résultats obtenus concordent avec ceux de Berny et
al. (77,78) sur les marqueurs spécifiques du tabagisme.
Dans notre étude, les non fumeurs apparemment non
exposés éliminent en moyenne 10,31 ug/umol de cotinine, contre
31, 07 ug/umol chez les fumeurs passifs et 225,10 ug/umol chez les fumeurs
actifs.
Il faut cependant reconnaître qu'il s'agit là de
valeurs moyennes qui n'excluent pas la possibilité de rencontrer chez
certains individus des éliminations apparemment non proportionnelles au
degré d'intoxication supposé comme en témoignent quelques
valeurs relativement basses (33,42 ug/umol et 90,35 ug/umol) observées
chez 2 fumeurs sur 47 et à l'opposé, des valeurs
exceptionnellement élevées (100,63 ug/umol) chez un non fumeur
exposé sur 40. La cotininurie pourrait ainsi permettre de mieux exprimer
le degré d'absorption tabagique que les renseignements fournis par
questionnaire. Les valeurs précédentes doivent faire l'objet
d'une interprétation critique, car il existe toute une série de
facteurs devant être pris en compte.
Chez les fumeurs, l'âge du début de consommation
se situe aux alentours de 17 ans dans notre étude, alors que d'autres
études faites en Tunisie en 2002 situent l'âge moyen auquel une
personne commence à fumer entre 19 et 20 ans (79,80). Pour d'autres
auteurs, l'âge des premières expériences se situe autour de
14 ans (81). De plus, on remarque que le taux de cotinine urinaire est plus
élevé chez les fumeurs âgés de plus de 40 ans par
rapport aux groupes des 15 à 19 ans et des 20 à 40 ans. On
peut corréler cette différence à d'autres
paramètres tels que la prévalence du tabagisme dans chaque
groupe, l'intensité de consommation du tabac, les opinions de chaque
sujet fumeur et l'ancienneté d'exposition. Dans notre étude, nous
remarquons que la prévalence du tabagisme est plus
élevée dans la tranche d'âge > 40 ans, alors qu'elle
est plus importante dans la tranche d'âge 25-39 ans d'après Libbey
(78). De plus, nous avons noté qu'il existe à
la fois des similitudes et des différences entre le tabagisme des jeunes
(15-19 ans) et celui des adultes (20-40 ans).
Les jeunes, principalement au stade de
l'expérimentation, fument rarement quotidiennement ou de manière
régulière. Ils fument notamment pour les effets pharmacologiques
immédiats ressentis, parfois pour maîtriser leur poids et pour
répondre aux stimuli environnementaux. De plus, on peut corréler
l'augmentation de la cotininurie chez les fumeurs de plus de 40 ans à
la nature du tabac consommé. En effet, chez les jeunes, le tabagisme se
limite presque exclusivement à la consommation de cigarettes, les
personnes plus âgées préférant le tabac à
priser. De plus, chez le sujet prisant ou mâchant, la nicotine passe
facilement et plus rapidement à travers les muqueuses à
l'état de sels de base (82).
Il convient de révéler la constance de certains
comportements propres à la société tunisienne, tels que
l'usage de narguilé ou de substances traditionnelles comme le tabac
à priser, apanage des anciens, en particulier des femmes habitant les
zones rurales. De plus, nous avons relevé dans ce travail que la
majorité des sujets âgés de plus de 40 ans ont un niveau
d'instruction bas, méconnaissent la nocivité du tabac et fument
plus que les deux autres groupes (20 à 40 ans et 15 à 19 ans), ce
qui explique la valeur élevée de la cotinine urinaire chez ces
sujets. Dans la littérature, la population des fumeurs réguliers
et le nombre de cigarettes fumées augmentent rapidement avec l'âge
et sont maximales autour de 40 à 50 ans (79,80).
Ce travail montre aussi que le tabagisme passif touche toutes
les tranches d'âge avec des valeurs de la cotininurie qui ne
dépassent pas en moyenne 40 ug/ umol. Les travaux de Schulte-Hobein et
al (83) ont montré que pour une même exposition au tabagisme
passif, les taux de cotinine urinaire observés chez les enfants (1
à 15 ans) sont généralement plus élevés que
ceux observés chez les adultes, ce qui s'explique non pas par une
différence de métabolisme mais par une plus forte exposition due
à leur incapacité à s'extraire volontairement d'une
atmosphère enfumée (83).
De plus, il existe une corrélation fortement positive
entre le taux de cotinine urinaire mesuré chez les enfants et les
habitudes tabagiques de leurs parents (84).
Par ailleurs, notre étude révèle
l'absence d'une différence statistiquement significative de la valeur de
la cotininurie entre les femmes et les hommes, alors que la valeur de la
cotininurie est nettement plus élevée chez les femmes.
L'augmentation de la valeur de la cotininurie trouvée chez les femmes
peut s'expliquer par le fait que les deux femmes testées utilisent le
tabac sous formes traditionnelles (tabac à priser ou à chiquer),
ceci concorde avec les résultats trouvés par El Gharbi (82)
concernant le comportement propre à la société tunisienne,
tel que l'usage de substances traditionnelles comme le tabac à priser,
en particulier chez les femmes habitant les zones rurales. En accord avec nos
résultats, Tessier (85) rapporte une prévalence tabagique plus
élevée chez l'homme que chez la femme. D'autres auteurs estiment
que chez les femmes, la quantité de cigarettes fumées au cours
d'une vie est proche de celle des hommes, même si elles commencent
à fumer plus tard (79). Théoriquement, en présence d'un
taux de cotinine urinaire élevé, alors que la femme affirme
qu'elle ne fume pas, il peut s'agir :
Ø d'une femme fumeuse qui cache son tabagisme;
Ø d'un tabagisme passif (les taux de cotinine urinaire
sont alors faibles) (65);
Ø de l'absorption de cotinine d'origine non pas
tabagique mais alimentaire, certains aliments étant riches en
cotinine : tomate, thé, aubergine, café,... (86,78);
Ø d'un relargage de cotinine glucuroconjugée en
cotinine libre du fait de mauvaises conditions de stockage à
température trop élevée (87).
Nous avons également noté que le taux de
cotinine urinaire est plus élevé chez les femmes exposées
que chez les hommes exposés, cette augmentation peut s'expliquer par le
fait que la majorité des femmes enquêtées et admettant
fumer vit avec un mari fumeur et/ou bien des enfants fumeurs. Nos
résultats concordent avec ceux de Burguet (84).
Dans notre étude, la valeur de la cotinine urinaire est
plus importante chez les fumeurs analphabètes (321, 89 ug/umol) par
rapport aux autres sous-groupes, ainsi que pour les fumeurs passifs. Ceci peut
s'expliquer par le fait que ces derniers groupes sont inconscients des effets
nocifs du tabac, négligeant le fait que ce dernier puisse être un
facteur favorisant la survenue de nombreuses pathologies. Nos résultats
concordent avec ceux de l'ONFP (Office National de la Famille et de la
Population) (79,80). Selon cet organisme, le niveau de consommation de tabac
chez l'homme est inversement proportionnel à son niveau d'instruction:
une personne ayant une formation universitaire fume moins que celle dont le
niveau d'instruction est bas. Par ailleurs, les cadres supérieurs fument
moins que les manutentionnaires. Dans la plupart des pays à revenu
élevé, la prévalence du tabagisme entre les
différents groupes socioéconomiques varie sensiblement: les
individus dont le niveau socio-économique et le niveau d'instruction
sont faibles fument davantage que les individus instruits de niveau
socio-économique élevé (88). Cela est
particulièrement vrai chez les hommes.
Concernant la durée de l'exposition au tabac, notre
étude révèle une forte corrélation entre la valeur
de la cotinine urinaire et l'ancienneté de l'exposition ; cette
relation cesse d'être linéaire à partir de 15 ans. D'un
autre côté, nous retrouvons une forte corrélation entre la
concentration de la cotinine urinaire et le nombre de cigarettes fumées
par jour; la différence de concentration est significative entre le
groupe fumant 1 à 10 cigarettes par jour et ceux fumant 40 cigarettes
par jour (p<0.05). Par contre, Bruckert et al (89) retrouvent une
corrélation faible entre les concentrations de cotinine urinaire et le
nombre de cigarettes par jour même si d'autres auteurs montrent que la
relation entre le nombre de cigarettes fumées et la concentration de la
cotinine urinaire cesse d'être linéaire pour tendre vers un
plateau à partir de 25 cigarettes par jour (90). Phung et al (51) ont
montré que la corrélation entre le taux de la cotinine urinaire
et la quantité de nicotine consommée, évaluée par
le nombre de cigarettes indiqué par le fumeur, n'est pas très
étroite. Le degré réel de l'intoxication au tabac
dépend du rendement de cigarettes en nicotine, mais aussi et surtout du
mode de consommation du tabac (pipe, cigare ou cigarette), du fait d'inhaler ou
non et de la profondeur et la fréquence de cette inhalation (51,91).
En pratique, les droites de corrélation obtenues dans
notre étude permettent une estimation de la consommation tabagique chez
les sujets fumeurs. La consommation d'environ 1 à 10 cigarettes par jour
correspond à un taux de cotinine urinaire moyen de 145,90 ug/umol chez
le fumeur. La consommation d'environ 20 cigarettes par jour correspond en
moyenne à un taux de cotinine urinaire de 218, 7 ug/umol. La
consommation d'environ 30 cigarettes par jour correspond à un taux
urinaire de 256,35ug/umol et la consommation d'environ 40 cigarettes par jour
correspond à un taux de cotinine urinaire de 305,462 ug/umol.
Ce travail ne constitue pas une étude
pharmacocinétique cherchant à établir la concentration de
cotinine urinaire des fumeurs après la consommation
vérifiée d'une certaine quantité de cigarettes. Il s'agit
plutôt d'étudier la faisabilité et l'intérêt
du dosage, et les différents mécanismes expliquant les variations
du taux de cotinine urinaire. Dans ces conditions et au vu des données
pharmacodynamiques de la cotinine et des délais assez larges du recueil
des urines des fumeurs de notre étude, il est intéressant de
constater une corrélation aussi forte entre les valeurs de la
consommation tabagique et les valeurs de la cotinine urinaire.
Les autres paramètres pouvant expliquer la variation
des concentrations de la cotinine, mais qui n'ont pas été
analysés, sont l'importance de l'inhalation tabagique, le polymorphisme
génétique des cytochromes P 450, le délai entre la
dernière cigarette fumée et le prélèvement
urinaire. Il semble donc nécessaire de quantifier
précisément le nombre de cigarettes consommées par jour
car le risque lié à la consommation du tabac est proportionnel
à la fois à la durée du tabagisme et à la
quantité de tabac consommé (51, 84, 90,91).
Dans notre série, nous retrouvons aussi une
corrélation entre le taux de la cotinine urinaire et la durée
d'exposition (heures/jour). La différence est significative entre le
groupe exposé pendant 1 à 2 h/j et ceux exposés pendant
plus de 3h/j (p<0.05). Nos résultats concordent avec ceux de
Schneider et al (92) qui démontrent que lorsque le taux de cotinine
urinaire est significativement augmenté, cela peut traduire une
exposition passive plus importante. D'un autre côté, la forte
corrélation entre cotinine urinaire et ancienneté d'exposition
semble prévisible connaissant les propriétés cumulatives
de la cotinine. Des résultats similaires sont rapportés par
Roussel et al (91).
L'analyse de nos résultats chez les fumeurs montre
aussi que la valeur moyenne de la cotininurie est significativement plus
élevée chez les fumeurs consommateurs d'alcool par rapport aux
fumeurs non consommateurs d'alcool et ceux sevrés (p < 0.05). On peut
corréler ce phénomène au nombre de cigarettes
consommées car les fumeurs alcooliques consomment
généralement un nombre de cigarettes plus important par rapport
aux deux autres sous-groupes. Ces résultats concordent avec les
données de la littérature concernant les sujets
alcoolo-dépendants. Il existe une corrélation positive entre la
consommation d'alcool et de tabac (45). Chez les patients
alcoolo-dépendants, la prévalence du tabagisme dépasse 80%
et le degré de dépendance est particulièrement
élevé, avec des difficultés d'arrêt importantes. Par
ailleurs, l'augmentation du taux urinaire de la cotinine peut être en
rapport avec d'autres facteurs tels que l'âge. Ainsi, dans notre,
étude, la plupart des fumeurs alcooliques sont des adolescents. Sachant
que le tabagisme est souvent la première dépendance
observée chez les adolescents, il est associé significativement
avec l'augmentation du risque de dépendance à l'alcool au
début de l'âge adulte (45, 92,93).
Notre étude montre également que le tabac est un
facteur déclenchant de plusieurs signes pathologiques tels que toux,
expectoration et autres pathologies respiratoires, avec une corrélation
significative entre la présence d'une pathologie liée à la
consommation de tabac et l'augmentation de la cotininurie (p< 0.05).
Toutes les études épidémiologiques
s'accordent sur le fait que le tabac favorise à la fois les infections
des voies aériennes supérieures et inférieures(94,60).
D'après Larramendy et al (45), le risque est proportionnel à la
fois à la durée du tabagisme et à la quantité de
tabac consommée et par conséquent à la quantité de
cotinine.
Bien que les principales pathologies liées au tabagisme
apparaissent chez l'adulte, elles trouvent souvent leurs fondements dans le
développement de la dépendance au tabac au cours de la
période juvénile, particulièrement pendant
l'adolescence.
Il convient cependant de se souvenir que le dosage de la
cotinine ne traduit que l'intoxication tabagique récente. Pour
déduire que la constatation de valeurs élevées de cotinine
peut comporter ou non des risques pour la santé, il faut s'assurer que
la situation où a lieu l'observation se répète
régulièrement depuis plusieurs années et ne constitue pas
un phénomène accidentel qui n'aurait pas alors la même
signification.
La cotinine urinaire s'avère suffisamment sensible pour
l'évaluation du statut tabagique et pour distinguer clairement entre
fumeurs actifs (225,10 ug/umol) et sujets exposés (31,07 ug/umol). Notre
travail révèle également l'existence d'une
corrélation avec la durée d'exposition chez les fumeurs passifs.
Il montre une augmentation de la cotininurie en fonction de la
durée d'exposition traduisant une augmentation notable de la cotininurie
lorsque la durée d'exposition par jour dépasse les trois heures
(43,16 ug/umol). Une corrélation existe également avec le nombre
de cigarettes fumées, et avec l'ancienneté de l'exposition chez
les fumeurs confirmés. Nous retrouvons également une
corrélation significative entre la présence d'une pathologie
liée à la consommation de tabac et l'augmentation de la
cotininurie. La cotininurie est plus élevée chez les fumeurs qui
présentent des signes pathologiques (244,03ug/umol) que chez les fumeurs
qui ne présentent aucun signe (155,04ug/umol).
Le dosage de la cotinine urinaire permet donc de prouver et
de quantifier cette exposition, et aussi de dégager des
corrélations souvent instructives chez la femme enceinte, le
nouveau-né, le nourrisson, le jeune enfant et l'adolescent (92).
En résumé, l'intérêt de la
cotininurie est de permettre la quantification des apports réels en
nicotine chez le sujet fumeur, ou exposé au tabac, et de l'utiliser
comme marqueur du tabagisme dans le cadre d'études
épidémiologiques, en complément des questionnaires. Il y a
alors nécessité de s'appuyer sur un questionnaire fournissant
des renseignements complets sur l'intoxication tabagique et surtout sur la
connaissance des sujets de la nocivité du tabac. Le choix de la
méthode de dosage de ce marqueur est d'une grande importance dans la
mesure où il faut opter pour une technique permettant de traiter un
grand nombre d'échantillons dans un délai relativement court,
avec un coût raisonnable. L'échantillonnage constitue une
étape déterminante dans le sens oú les concentrations de
cotinine dépendent du moment du prélèvement et surtout du
délai qui sépare ce prélèvement de la
dernière consommation de cigarette (71). De plus, il convient
d'être vigilant et de se renseigner d'une part sur les prises
médicamenteuses qui peuvent induire des résultats faussement
positifs par suite d'une coélution avec la cotinine, et d'autre part,
sur le régime alimentaire puisque la cotinine peut être
présente dans certains légumes (tomate, aubergine ....) ou
breuvages (thé, café ...) (78,86).
L'application la plus évidente est l'évaluation
du statut tabagique. En effet, dans les études
épidémiologiques générales, il est important de
différencier fumeurs, non fumeurs et fumeurs passifs, et de
contrôler la fiabilité des données rapportées par
les sujets d'étude. Cependant, se pose alors le problème des
seuils à établir et de la référence à
choisir, car on ne peut pas se fonder sur la consommation
alléguée par les sujets puisque c'est cela même que l'on
veut vérifier.
Le dosage de la cotinine urinaire est utile à pratiquer
lors de la 1ère consultation d'un fumeur désireux
d'arrêter de fumer et au terme d'une semaine de traitement, mais n'est
pas indispensable. Il est plus utile a posteriori pour comprendre certaines
erreurs de dosage initial, sachant qu'un taux de substitution > 60 % semble
nécessaire pour supprimer le syndrome de sevrage (pulsion à
fumer, irritabilité,...).
En chirurgie vasculaire, le dosage de la cotinine urinaire a
un intérêt lors des consultations de suivi pour authentifier la
réalité d'un arrêt du tabac et le contrôle d'un
sevrage total avant des gestes d'endartériectomie ou de plastie
vasculaire.
En gynécologie obstétrique, le dosage de la
cotinine urinaire chez les femmes enceintes fumeuses a un double
intérêt : il peut constituer un argument favorisant la motivation
à l'arrêt du tabac et à l'arrêt d'un conjoint fumeur
d'une femme enceinte non-fumeuse, reflétant ainsi la
réalité d'un tabagisme passif certain.
En pédiatrie, le dosage de la cotinine urinaire chez
des enfants asthmatiques peut être un élément de motivation
des parents (2).
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