§ II : les droits de
l'Homme après les attentats de 16 mai 2003
Après les attentats, les droit de l'Homme ou Maroc ont
subis des conséquences majeurs, (A) les constatations de
dégradations de ces droits faisaient l'objet de plusieurs rapports des
organisations nationales et internationales. (B)
A : La dégradation des droits
de l'Homme
Dans cet état des lieux de la situation des droits de
l'homme après les attentats du 16 mai, on trouve la contribution de
l'organisation : human rights watch : son rapport, fruit d'une mission de
recherche effectuée au Maroc en janvier et février 2004, analyse
tout d'abord les mesures prises par le gouvernement pour combattre le
problème de l'impunité pour les crimes perpétrés
dans le passé contre les droits humains. Il accorde une attention
spéciale au rôle de l'Instance Equité et
Réconciliation mise sur pied en janvier 2004 et aux limites
structurelles et politiques dans lesquelles elle opère. Il examine
ensuite les violations fondamentales du droit à un procès
équitable dont sont victimes les détenus qui ont
été arrêtés lors de la répression
menée par les autorités contre les personnes
soupçonnées d'activisme islamiste. Ces arrestations ont
débuté après les attentats du 11 septembre 2001 à
New York et Washington et se sont intensifiées considérablement
au cours des semaines et des mois qui ont suivi le 16 mai 2003, date à
laquelle douze kamikazes avaient causé la mort de trente-trois
personnes, en plus d'eux-mêmes, et blessé 100 autres personnes
lors d'attentats coordonnés menés à Casablanca, la plus
grande ville du pays.
Comme le montre ce rapport, les forces de
sécurité marocaines et l'appareil judiciaire du pays n'ont pas
respecté les droits des personnes arrêtées lors de la
répression menée contre les activistes présumés
suite aux attentats du 16 mai 2003. La police a effectué des
arrestations et des perquisitions massives sans permis, la plupart du temps
dans des quartiers pauvres soupçonnés d'être des bastions
islamistes. Selon les organisations de défense des droits humains, au
moins 2.000 personnes ont été appréhendées au cours
des mois qui ont suivi les attentats. Beaucoup ont dit qu'elles avaient ensuite
été transférées au centre de détention de
Temara situé en dehors de Rabat et administré par la principale
agence de services secrets nationaux, la Direction Générale de la
Surveillance du Territoire (DGST), mieux connue sous son ancien nom, Direction
de la Surveillance du Territoire (DST). Bien que les autorités
marocaines nient l'existence d'un centre de détention dirigé par
la DGST, les témoignages que nous avons recueillis confirment les
récits antérieurs d'islamistes présumés qui
disaient avoir été interrogés par la DST dans ce centre.
Ces déclarations ont été publiées par les journaux
marocains et par d'autres organisations de défense des droits humains
marocaines et internationales.
Dans les cas que nous avons examinés, la police a
maintenu en garde à vue des activistes islamistes présumés
au delà de la période autorisée par la loi avant de les
faire comparaître devant un juge. Elle a ensuite falsifié la date
d'arrestation des détenus de façon à faire croire que la
durée de la garde à vue respectait le délai fixé
par la loi.
De nombreux détenus ont déclaré
avoir été soumis à des actes de torture mentale et
physique lors de leur interrogatoire afin de leur arracher des aveux ou les
forcer à signer une déposition qu'ils n'avaient pas faite. Lors
de la garde à vue, ils n'ont pas eu accès à un avocat et
la police n'a pas révélé à leurs proches l'endroit
où ils se trouvaient. Dans certains cas, les avocats n'ont pas
bénéficié de suffisamment de temps pour étudier les
dossiers et préparer la défense de leurs clients. Bon nombre de
suspects ont été reconnus coupables et condamnés avant le
1er octobre 2003, date de l'entrée en vigueur d'un amendement
au Code de procédure pénale octroyant aux défendeurs le
droit de faire appel de leur condamnation pour les faits reprochés.
Après que la police ait obtenu les aveux
compromettants des détenus, ceux-ci se sont retrouvés devant la
justice de façon expéditive et ont ainsi été
privés de presque tous les moyens d'exercer leur droit à
organiser leur défense lors de l'instruction et du procès
proprement dit. Les défendeurs n'ont pas été
informés de leur droit à un examen médical, ou s'ils l'ont
été, ils n'ont pas été en mesure de l'exercer
réellement; ils n'ont pas bénéficié des conseils
d'un avocat tout au long de la procédure judiciaire; et les juges ont
accepté comme preuves des déclarations émanant de tiers
absents lors du procès et des aveux attribués aux accusés
alors qu'ils étaient maintenus au secret pendant des périodes
prolongées. Les juges ont en outre rejeté les demandes
introduites par la défense pour entendre des témoins qui auraient
pu disculper les accusés.
Les autorités marocaines ont répondu de
façon constructive aux critiques émises en 2004 en matière
de respect des droits humains. Elles ont déclaré avoir
l'intention de présenter un projet de loi criminalisant la torture et de
retirer les réserves qu'elles avaient exprimées lors de la
ratification de plusieurs traités internationaux relatifs aux droits
humains.
Elles ont promis de mener des enquêtes lorsque
les organisations internationales ou nationales des droits humains
présenteront des preuves d'actes de torture.
Autre évolution positive: l'Instance
Equité et Réconciliation créée par l'Etat a
commencé à recueillir des informations sur les graves atteintes
aux droits humains perpétrées au cours des dernières
décennies, notamment sur les centaines de cas non encore
élucidés de disparitions forcées. Elle a le pouvoir de
dédommager les victimes et leurs survivants, de recommander des moyens
pour les réhabiliter et les aider, ainsi que de préserver la
mémoire à propos des injustices que les victimes ont subies.
Cette commission constitue un net progrès par
rapport aux initiatives précédentes prises par le Maroc pour
combattre les violations passées des droits humains et elle surpasse
toutes les autres institutions étatiques établies jusqu'à
présent à cet effet dans d'autres pays du Moyen-Orient et
d'Afrique du Nord. Toutefois, pour pouvoir remplir pleinement sa mission qui
est de fixer le niveau et les formes de réparations pour les exactions
passées et de présenter un rapport fidèle sur la
répression menée par l'Etat dans le passé, la commission
devra relever les défis posés par plusieurs facteurs. D'abord et
surtout, son mandat l'empêche de désigner les auteurs des
violations individuellement et semble se focaliser sur certaines
catégories d'exactions au détriment d'autres graves abus.
Ensuite, la commission ne dispose d'aucun moyen de forcer les
témoignages ou la production d'informations, ce qui soulève la
question de savoir si les fonctionnaires ou anciens fonctionnaires
coopéreront avec les enquêtes qu'elle mènera.
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