1 : Exécution
Pour lui, il semble fort vraisemblable que les cinq
opérations ayant ensanglanté la ville de Casablanca aient
été commanditées par Al Qaida. En tout cas, affirme le
général Laanigri, les attentats dans la capitale
économique du Royaume furent commis par «des membres marocains d'Al
Qaida qui ont rencontré Oussama Ben Laden, l'idéologue, Ayman
Zawahiri, et le chef opérationnel, Abou Mossab Zarqaoui", avant
l'exécution des opérations kamikazes en plein centre de la
métropole marocaine.
Dans le vieux continent, on ne l'entend pas totalement
de cette oreille. Les services européens sont, certes, satisfaits du
travail accompli par les Marocains depuis le 16 mai en matière de lutte
antiterroriste. Travail illustré par l'inculpation, depuis cette date,
de 2.112 islamistes et la condamnation définitive de 903 d'entre eux,
dont 17 à des peines de mort. Ils reconnaissent, notamment les
Espagnols, que le manque de coordination entre leurs services et ceux du Maroc,
avant le 11 mars, était une erreur monumentale. Mais, à leurs
yeux, le GICM a désormais une autonomie réelle, ce que les
officiels marocains contestent.
Des cellules comme celle de Jamal Zougam et Mohamed Chaoui
n'ont besoin, en rien, selon les Européens, des caciques de l'Al Qaida,
pour asséner des coups durs aux Européens.
2 : Condamnation
Les services européens sont d'autant plus
alarmés qu'ils n'arrivent pas à déchiffrer tout le langage
codé employé par les membres des cellules dormantes du GICM dans
leurs pays. Ces terroristes potentiels désignent, par exemple, les
mortels explosifs sous l'appellation savoureuse de «miel», ou anodine
de «chaussures». Hôpital signifie prison et le passeport est
appelé «livre», et parfois «jallaba».
Dans leurs trouvailles linguistiques, les services
européens ont découvert des formules fatidiques. Ainsi quand un
terroriste marocain annonce à un autre compère, au détour
d'une conversation téléphonique, que «l'équipe de
football est prête au match", cela veut dire immanquablement qu'une
opération terroriste était sur le point d'être
perpétrée ici ou là dans les quatre coins du globe. Pris
de court dans une certaine mesure par cette nouvelle, les Français et
les Espagnols ont d'ores et déjà entamé une
réorientation du travail de leurs services vers les communautés
marocaines.
3 : Apparence
Les Belges, qui abritent une forte concentration
d'immigrés marocains, sont également obligés de renforcer
leur dispositif policier, qui regroupe actuellement moins de quarante experts
en matière de lutte antiterroriste. Selon des sources fiables, des
centaines d'agents et d'interprètes, dont des Maghrébins et des
Arabes, seront recrutés, dans tous ces pays, pour infiltrer les milieux
marocains dans l'espoir de «débusquer " les cellules dormantes du
GICM. Le travail sera ardu et surtout aléatoire. «La nouvelle
génération des terroristes marocains post 16 mai, n'a rien qui
ressemble au portrait de l'intégriste islamiste fanatique et
illuminé", affirme un sociologue marocain installé Espagne depuis
plus d'une décennie. «Au contraire, enchaîne-t-il, ce sont
des gens à l'apparence trompeuse : ils s'habillent à
l'occidentale et mènent une vie typique d'un immigré dont
l'intégration a bien réussie ; ils ne boudent pas les gens et
dans certains cas, ils ont même une vie mondaine." Mais, d'après
ce chercheur, également spécialiste des mouvements islamistes au
Maghreb, la menace du GICM pèse également sur l'autre rive de la
Méditerranée.
Ce qui implique une coopération, à tous
égards, novatrice et accrue entre les services des pays de l'Europe
occidentale et leurs homologues marocains. Le GICM n'est pas seulement la plus
dangereuse menace terroriste pour l'Europe. Il l'est également, et
peut-être surtout, pour le Maroc.
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