L'identité et le spectacle vivant à La Réunion( Télécharger le fichier original )par Virginie Verbaere Université Aix-Marseille III - Administration des Institutions Culturelles 2004 |
(c) La créationLes modèles mis en place avec les musiques traditionnelles et les métissages musicaux vont servir à innover. Le séga : de la tradition aux variétésLa période succédant à la Grande Guerre aura des conséquences multiples et profondes sur le domaine musical. Par leur mise en contact direct avec les métropolitains, les musiciens créoles partis pour la France vont moderniser leur répertoire et revenir le jouer localement. L'importation des gramophones influence ensuite la musique traditionnelle locale en introduisant massivement des modèles musicaux extérieurs. Les vieilles danses disparaîtront peu à peu. Dans les milieux urbain, l'heure est aux innovations : tango, java etc. Le quadrille va commencer à décliner dans la faveur populaire et le terme « séga », jusqu'alors synonyme de danse lascive, désignera de plus en plus la « danse des Noirs »91(*). Autre changement important, la composition des orchestres de ce nouveau séga se modifie. Les instruments modernes supplantent peu à peu ceux des groupes traditionnels. L'accordéon diatonique est abandonné au profit du chromatique, aux possibilités mélodiques plus étendues et par conséquent plus appropriées à l'interprétation des musiques de variétés. Le jazz fait son entrée sur la scène. La musique qui n'est plus soumise au diatonisme devient à la fois plus recherchée et plus sensible aux influences extérieures. Les paroles perdent leur caractère habituel de grivoiserie et, dans un créole de plus en plus francisé, les ségas sont plus accessibles. C'est Georges Fourcade qui marque les débuts des variétés créoles et son influence sera profonde. Fourcade est l'auteur de la chanson réunionnaise la plus populaire : « petite fleur aimée » qui est devenue le second hymne national de La Réunion. Les autres compositeurs continueront à écrire sur son modèle et à composer des ségas sur les mêmes principes. Son oeuvre a donc une place à part, puisqu'elle s'est répandue par le biais de la tradition orale. La Seconde Guerre mondiale isole de nouveau La Réunion. On verra un retour vers les traditions antérieures. A partir des années 50 l'apparition du 45 tours, la création d'une station de radio locale vont donner naissance à une véritable petite industrie du disque local. Le séga va se transformer de plus en plus tout en étant reconnu comme expression populaire réunionnaise. Il subira l'influence des lois du show business avec l'apparition de vedettes locales, l'emploi généralisé des instruments électriques, l'emprunt d'autres rythmes (disco, slow...). On peut pourtant toujours parler de séga traditionnel dans certains cas. Des ensembles de musiciens continuent à interpréter un répertoire de polkas et de ségas anciens, entrecoupés de compositions modernes ou extérieures apprises par la radio. De façon générale, de nombreux musiciens traditionnels s'expriment encore, mais uniquement dans un cadre restreint de fêtes de famille, particulièrement en milieu rural. Ce type de musique n'a pas accès aux médias. Pratiquement aucun enregistrement n'en est fait ou, en tout cas, diffusé. La situation est donc inquiétante car ce patrimoine important est ignoré du grand public, et en particulier du public composé des jeunes, ce qui semble le condamner. * 91 LA SELVE J-P., 1995 : Musiques traditionnelles de la Réunion, Azalées Ed, 271p. |
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