Les enjeux environnementaux, économiques, sociaux et politiques de l'accès à l'eau dans l'agglomération de Lima et plus spécialement dans les quartiers dits « asentamientos humanos », quel avenir pour une ville assoifée ?( Télécharger le fichier original )par Claire Gaillardou UFR de Géographie Bordeaux III - DEA de géographie, mention développement, sociétés et cultures 2007 |
I-4 Enjeu politiquePhoto 10 : Le quartier de Lomas de Carabayllo marque ses
exigences politiques avant les Source : Auteur. Durant la décennie 90, le Pérou a appliqué un programme d'ajustement structurel basé sur la croissance macroéconomique et la compensation sociale, orientée vers la stabilité du pays. Cependant, malgré certaines améliorations ciblées, les problèmes de la pauvreté, du manque d'emplois et du chômage persistent. Avec la mise en place du nouveau régime, l'agenda du pays aborde entre autre dans ses thèmes d'attentions prioritaires la lutte contre la pauvreté, la décentralisation, la génération d'emplois de qualité et le renforcement des institutions. Dans ce cadre, les secteurs de l'accès à l'eau et à l'assainissement peuvent être des clefs de lutte contre la pauvreté et de consolidation du processus de décentralisation, avec la participation des municipalités des districts et des municipalités provinciales dans l'organisation et l'application auto soutenue de ces services. -Cadre juridique des politiques en matière d'eau et d'assainissement Dans les années 70, le secteur de l'eau et de l'assainissement était à la charge du gouvernement central, mené par le Ministère de l'Habitat dans l'aire urbaine et de la Santé dans l'aire rurale. Durant la décennie suivante, le gouvernement a réorganisé les services de l'aire urbaine, en donnant plus de pouvoir décisionnel aux entreprises tout en maintenant leur direction, leur contrôle et leur propriété dans les mains de l'Etat. Durant cette période a été crée le Service national de l'Eau Potable et des Egouts (SENAPA), propriété du gouvernement, rattaché au Ministère de l'Habitat, dont la fonction était la prise en charge de ces services dans le milieu urbain au travers d'unités d'opérations et d'entreprises filiales, propriétés du SENAPA. Le ministère de la Santé reste en charge de l'aire rurale du pays. Dans les années 90, le gouvernement a réorganisé la gérance des services d'assainissement en les transférant aux gouvernements municipaux provinciaux ; les unités d'opération et les entreprises filiales passant à la propriété des municipalités, désactivant l'organe du SENAPA. Dans l'aire rurale, le Ministère de la Santé continua de porter la responsabilité des services. Cette prise en charge par les municipalités provinciales fut entérinée par la loi 26338. A son tour, le PRES fut désigné comme institution directrice et la SUNASS comme institution régulatrice. En outre, se formèrent des institutions canalisatrices de redistribution des investissements pour l'aire urbaine (Fondo Nacional de Vivienda-FONAVI) et l'aire rurale (FONCODESS). Ainsi, se créèrent des projets d'inversion nationaux spéciaux comme le PRONAP. Le Ministère de l'Economie et des Finances établit un bureau d'inversions, responsable d'orienter les ressources issues de l'inversion pour ce secteur. Ainsi on se trouve devant trois niveaux d'organisation sectorielle autonomes : le niveau macro, en charge du Gouvernement Central ; le niveau intermédiaire, ou s'organisent les services et agissent les gouvernements locaux ; le niveau opérationnel, ou s'offrent les services et se rencontrent les entités concernées. Cependant, la décentralisation reste seulement juridique. Les entités du Gouvernement Central et les prestataires urbains formés sous l'égide du SUNASS accédèrent à un renforcement institutionnel pour le développement de leurs fonctions. Mais les services des municipalités locales et les usagers des petites villes (plus de quatre millions d'habitants) ont été étrangers aux programmes d'appui et de formation se référant à l'organisation et la maintenance de la prestation, à la fiscalisation de la qualité du service et à la culture de paiement des usagers. Les organismes sectoriels ont leur siège à Lima, avec une majoration des interventions dans la direction, le contrôle, l'inversion et le financement, mais avec une faible relation avec le développement des capacités des gouvernements locaux, qui participent comme prestataires de service. Dans la dernière décennie, depuis le siège central se sont crées un ensemble de normes directives et d'actions qui n'ont presque jamais été débattues avec les acteurs locaux, qui sont très peu connues et prises en compte. -Organisation sectorielle L'organisation du secteur présente trois niveaux avec les acteurs suivants : Le niveau macro sectoriel ; depuis lequel se conduit le secteur, s'établissent les politiques, s'effectue le contrôle, le suivi et la formation et s'orientent et se financent les inversions, avec l'intervention des entités suivantes : Le PRES, au travers de la Direction Générale de l'Assainissement (DGS), est l'entité directrice de l'Etat dans les services d'eau et d'assainissement. Elle établit les politiques et les objectifs stratégiques pour le développement et la maintenance des services. Ainsi, elle donne la priorité aux projets d'inversion et l'assignation des ressources pour le secteur en accord avec la loi 27293. Cette loi est la Loi du Système National d'Inversion Publique, elle autorise la conformation et établit les règles de fonctionnement des organismes opérateurs des services, quelles soient entreprises prêteuses, unités de gestion ou ensemble d'administrateurs. Schéma 1 : Fonctionnement de l'intervention : Source : Pronasar. - La SUNASS est l'entité de régulation et de contrôle de la prestation des services à l'échelle nationale, et il a pour mission que ceux-ci soient offerts dans des conditions adéquates de qualité, de couverture et de tarif pour contribuer à préserver la santé de la population et de l'atmosphère. Le cadre de la SUNASS est celui des EPS1 publiques, privées ou mixtes dédiées à la prestation des services d'assainissement. Dans la pratique, il intervient dans les entreprises qui administrent les services dans le cadre urbain. -La COPRI est chargée de la promotion de l'inversion privée dans les entreprises et les projets de l'Etat et dans les oeuvres publiques d'infrastructure et de services. -Le MINSA est lui compétent en matière d'assainissement environnemental. Il doit formuler les politiques et les normes de qualité sanitaire de l'eau et de protection de l'environnement. 1 EPS : Empresas Prestadoras de Servicios : Entreprises Prestataires de Services. -Le PRONAP est un organisme déconcentré du PRES. Il a pour finalité l'exécution du programme d'appui au secteur de l'eau et de l'assainissement, pour l'aire urbaine et les petites et moyennes localités. -Le FONCODES, qui oriente ses activités dans le secteur de l'eau et de l'assainissement vers le financement de l'aire rurale au travers des « Noyaux Exécuteurs » (NE). - Le FONAVI, crée en 1979 au moyen du Décret de Loi 22591, a pour finalité de satisfaire de manière progressive à la nécessité de logement des travailleurs. Ses fonctions se sont étendues postérieurement au financement d'oeuvres dans les domaines de l'eau, l'écoulement et l'énergie électrique administrés par l'ex UTE FONAVI. Cette fonction est en désamorçage et son administration est restée actuellement à charge d'une commission liquidatrice appelée COL-FONAVI, qui continue à financer des projets eau et assainissement. -Les CTAR et autres institutions ( ALA-PP.JJ. et PRONAMACHCS) visent à fournir de l'eau et de l'assainissement dans des zones frontières et des zones touchées par le terrorisme.
-Le Programme « Agua para todos » Le programme « Agua para Todos» -Eau pour Tous-, est un projet de lutte contre la pauvreté par l'accès à l'eau et à l'assainissement dans les bidonvilles de Lima, initié en 2006 par le Ministère de l'Habitat, de la Construction et de l'Assainissement. Photo 11 : Logo du Programme « Agua para todos » : Source : Pronasar. Ce programme vise à respecter la déclaration de l'ONU au Sommet du Millénaire1 ainsi que le compromis promis par la politique de l'Etat en la matière, qui vise à étendre l'accès à l'eau potable et à l'assainissement de base, accordant sa priorité à l'infrastructure d'assainissement. Pour atteindre ces objectifs, l'Etat propose une inversion de plus de 4 millions de dollars américains, répartie entre 3 domaines : l'eau potable, l'assainissement et le traitement, comme nous le montre le tableau (insérer). Pour se faire, les experts se basent sur une viabilité financière assurée par la récupération de la dette du FONAVI, la récupération de la valeur réelle du tarif et les précisions fiscales. La rapidité et la transparence dans l'atteinte de ces objectifs sont soulignées (ceci forme la base de la loi d'optimisation). Le programme « Agua para Todos» sera ainsi régi par trois grands ensembles : un plan national d'assainissement, un plan financier et un fond d'inversion sociale d'assainissement (INVERSAN) ainsi que par une réforme juridique du secteur (loi d'optimisation, loi INVERSAN). Le ministère a dressé pour l'année 2006 des mesures d'urgences afin de dynamiser le lancement du programme, cependant devant de timides premiers résultats, ces mesures sont toujours actuellement à l'ordre du jour : -Une participation qui se veut importante dans le choc d'inversion consistant au financement de 185 projets viables priorisés, grâce au crédit supplémentaire 2006 (loi 28880) ; 1 Objectif numéro dix de la Charte du Millénaire exposée par l'ONU au Sommet du Millénaire en 2000 à New York : « Réduire de moitié pour l'année 2015 (année de base :1990), le pourcentage de personnes qui manquent d'un accès soutenable à l'eau et à l'assainissement ». -9 schémas de développement dressés par l'entreprise d'eau et d'assainissement de Lima, la SEDAPAL (2 déjà lancés et 6 en processus) ; -La création d'un processus de sélection simplifié des projets (décrets : 024-2006-VIVIENDA et 024-2006) ; - La préparation de nouvelles opérations avec les institutions suivantes : BID, BM, KfW, JBIC, CAF et OBA ; -Création d'une nouvelle politique financière pour le projet ; -Création de l'INVERSAN. De manière concrète, depuis la création de ce programme, deux convocations publiques ont été réalisées par le chef d'État, Alan Garcia, pour doter des habitants de faibles ressources d'eau potable et d'égouts. La première convocation date du 2 septembre 2006 et concernait le district de Carabayllo, où le programme « Agua para todos » profitera à 160 000 habitants de ce secteur. L'investissement total des oeuvres monte à 44 millions de nouveaux sols et comprend la construction et l'équipement de quatre puits tubulaires, de réservoirs et du collecteur l'Espoir, ainsi que l'amélioration de réservoirs existants, l'installation de réseaux de distribution et d'un collecteur principal et installation de réseaux secondaires et d'égouts, entre autres oeuvres qui permettront d'améliorer la qualité de vie de plus de 37 000 habitants de faibles ressources. Cependant, il est trop tôt aujourd'hui pour pouvoir mesurer les avancées de ce programme. De plus, depuis décembre 2006, aucun autre plan d'action n'a encore vu le jour et les premiers résultats sont encore attendus dans les premières zones touchées. -Les autres acteurs et la problématique du manque de concertation intra sectorielle Face à la lenteur et à l'ingérence du système politique, d'autres acteurs tentent aujourd'hui d'apporter des solutions au problème de l'eau et de l'assainissement liméen. Il s'agit sur le terrain des Organisations Non Gouvernementales, quelles soient nationales ou internationales, ainsi que de l'action de certaines municipalités locales qui devant l'ingérence étatique décident de prendre les devants de l'action de développement, et enfin, à une échelle encore plus grande, de l'action de comités de quartiers, rassemblant des riverains des quartiers spontanés dans une démarche d'aménagement participatif du territoire. Notre travail de terrain nous a très vite permis de comprendre qu'il était difficile de concilier les attentes et les modes d'opération de chacun de ces acteurs. Ces mésententes sont souvent liées du coté des ONG à un refus en bloc de toute action étatique car celle-ci serait assimilée à l'acceptation du gouvernement d'Alan Garcia, toujours responsable dans les esprits de la grave crise économique qui a touché le Pérou à la fin des années 80. D'autre part, les municipalités locales et les comités de quartiers à l'origine de projets de développement appartiennent majoritairement à une population de migrants, responsable historiquement des invasions des années 70 et 80, et par la même ne recevant à la base aucune légitimité de la part de la Municipalité liméenne. Dans cette optique, ces groupes ont lancés des projets extrêmement locaux de développement, comme ce fut le cas à Villa El Salvador, dans le cône sud de Lima, qui ont souvent connus de très bons résultats puisque réalisés en concertation et avec l'aide de la population. Enfin, il faut relever que toutes les concurrences ne sont pas originaires des oppositions formulées à l'encontre de l'Etat ou de sa politiques. Il existe aussi de manière pernicieuse et sous forme de non-dit, un certain rapport concurrentiel avec les techniques de développement sur le terrain entre les différentes ONG ou au travers des entreprises privées lors des offres de projets, afin de gagner les subventions qui leur seront nécessaires. Ce rapport est évidement légitime dans le cadre d'un effort de rentabilité et de fonctionnalité technique, cependant il est souvent ici faussé à cause de la corruption du système décisionnel péruvien, encore bien trop souvent à la main de quelques puissants et des entreprises dont ils sont actionnaires. Un effort de concertation et d'échange des connaissances et des données techniques est aujourd'hui nécessaire à la réalisation des projets de développement sur le terrain. |
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