II-3 L'utilisation de la démarche participative
dans les projets de développement
-Qu'est ce que la démarche participative ?
La démocratie participative se définit comme
l'implication des habitants dans les processus de préparation, de
conception et de réalisation d'un projet urbain. Cependant,
intégrer un nouvel acteur dans les prises de décision
nécessite une réflexion sur l'articulation entre les
idées, les avis et les actions des différents protagonistes, afin
de garantir la cohérence des actions. Cette notion concerne donc
à la fois la participation des habitants mais également la
coordination des acteurs. Actuellement, la gestion des projets urbains est
impensable sans une démarche participative alliant organisations
privées, publiques et population. Selon, Guy BESSETTE1, la
communication participative est un outil de travail efficace qui peut faciliter
les processus de développement communautaire et de recherche pour le
développement. Elle vise à faciliter la participation de la
communauté à leu propres initiatives de développement
grâce à l'utilisation de diverses stratégies de
communication.
Elle permet aux habitants de se sensibiliser aux
problèmes urbains, d'acquérir des compétences et aux
acteurs - initiateurs du projet de communiquer avec les autres acteurs et de
coordonner leurs actions.
Elle se compose d'une multitude d'enjeux qu'il est utile de
présenter avant de poursuivre la recherche :
-Enjeux de la démocratie participative :
> Démocratie participative et gestion des conflits :
impliquer les habitants dans
l'aménagement du territoire permet souvent de
gérer des conflits pouvant exister entre divers groupes, associations,
habitants. L'utilisation de la démarche participative a contribué
à la diminution les tensions entre les individus.
Cependant, elle peut également créer d'autres
désaccords jusque là inexistants qu'il s'agit de
régler.
1 BESSETTE, Guy, 2004, Communication et participation
communautaire, Guide pratique de communication participative pour le
développement, Laval : Les Presses de l'Université Laval, centre
de recherche pour le développement international, 131 pages.
> Démocratie participative et coordination des
actions : la démocratie participative suppose la coordination des
interventions entre une multitude d'acteurs. Parfois, les actions et les
compétences se superposent et s'enchevêtrent. Une bonne
définition des compétences est donc nécessaire pour mener
à bien le projet.
> Démocratie participative et implication des
citoyens : L'implication des citoyens est le point clef de la démocratie
participative. Le citoyen n'est plus considéré comme un agent,
déterminé par des structures supérieures mais comme acteur
de la ville, de son propre développement. Il faut savoir comment
l'impliquer et quel degré donner à son intervention. En effet,
dans un projet, on peut choisir seulement d'informer la population, la
sensibiliser, la consulter ou encore de la faire participer pleinement.
Photo 35 : Comité d'oeuvre de Las Flores à
Huachipa, lors d'une séance de formation à la gestion :
Source : Auteur.
> Démocratie participative et capital social : La
démocratie participative permet souvent d'augmenter
considérablement le capital social de chacun des acteurs. Le «
capital social » s'appuie sur l'existence de relations sociales qui
permettent d'obtenir, individuellement ou collectivement des
bénéfices importants. L'interaction d'un grand nombre d'acteurs
lors des projets urbains permet à chaque acteur d'accroître son
volume de connaissances relationnelles.
> Démocratie participative et élus: La
démocratie participative devient un enjeu
primordial pour les élus car elle leur permet
d'accroître leur visibilité auprès des citoyens. Elle
participe fortement au rapprochement des élus avec les citoyens. Elle
accompagne toutes les actions des collectivités locales et a pour but
d'améliorer les relations entre ces 2 acteurs. Cependant, elle se
traduit généralement, et comme on va le voir plus loin par une
perte de légitimité des représentants d'institutions
publiques.
> Démocratie participative et ONG: Les ONG se montrent
souvent beaucoup
plus compétentes pour mettre en marche une
démarche participative dans les projets de développement. Cela
est un avantage des ONG par rapport aux institutions publiques. En outre, ces 2
acteurs n'ont pas les mêmes enjeux territoriaux, la position neutre des
ONG facilite la communication avec la population contrairement aux élus
qui se heurtent à des problématiques plus politisées.
> Démocratie participative et la notion de temps:
Mettre en place une démarche
participative demande du temps. Elle nécessite une
certaine disponibilité des habitants et des acteurs, ce qui n'est pas
toujours facile. Le succès de ce genre de projet est du en partie
à la grande disponibilité de la population, en particulier des
femmes.
En outre, il est plus aisé d'impliquer les populations
dans les projets à court terme où le résultat est
rapidement et concrètement observable que sur des projets à long
terme dont les effets sont diffus et complexes.
> Démocratie participative et échelle
territoriale: Il existe une corrélation entre les
échelles spatiales et temporelles. De manière
générale, le niveau d'implication du public dans les projets,
programmes ou politiques dépend de l'échelle territoriale
à laquelle ils se situent. Sur les projets régionaux, les
pratiques dépassent rarement l'information du public, tandis qu'au
niveau de leur quartier, la participation active des habitants n'est pas si
rare.
> Démocratie participative et « bonne gouvernance
»: La démocratie
participative est le fondement même de la « bonne
gouvernance » des villes. Cette notion se base sur l'idée centrale
que la ville ne doit plus être gérée par une
communauté d'experts mais par l'interaction de ces experts avec la
société civile. En effet, l'implication des habitants et
l'intervention d'une multitude d'acteurs permettent un plus grand
contrôle des décisions politiques. Elle limite les abus politique
et la gestion clientéliste de beaucoup des
gouvernements locaux. La société civile devient
alors un nouveau partenaire de développement. En réalité,
la « bonne gouvernance » des villes est difficilement applicable au
concret. Elle doit être considérée comme un idéal
autour duquel toutes les actions et décisions doivent converger. Elle
assure la durabilité d'une action et/ou d'un projet.
-Etude de l'impact de la stratégie participative dans
l'élaboration d'un projet:
Elle concerne les quartiers de Los Topacios, Los Jardines et
La Huerta, sur la commune de Nieveria et a débuté en 2001. Ce
projet a été financé par la communauté de Madrid,
en étroit partenariat avec le CESAL. Il a consisté à la
construction d'un puit tubulaire de 70 mètres de profondeur et d'un
réservoir élevé de 50 mètres cubes. L'encadrement
de toute la partie technique a été réalisé avec
l'aide d'ingénieurs de l'ONG CENCA, et les travaux ont été
réalisés par les habitants. « Toute la main-d'oeuvre venait
de la communauté », témoigne Sara Flores, coordinatrice du
projet au CESAL. Afin d'assurer la pérennité du projet par la
population, un Comité d'Ouvre (Comité de Obra), a
été nommé, comprenant une dizaine de membres volontaires
de la communauté. Ces membres ont été formés sur
l'aspect technique par le CENCA pour toutes les questions de maintenance, et
par le CESAL sur les mesures de gestion et de fonctionnement du
comité.
-Démocratie participative au service du
développement durable :
La durabilité est une composante importante de la
définition de développement participatif. Une gestion
concertée et transparente d'une ville et/ou d'un projet urbain permet la
pérennisation de l'équipement mis en en place et la
reproductibilité du projet.
Dans le contexte du développement participatif, la
durabilité n'implique pas qu'une activité donnée puisse
être poursuivie indéfiniment sans changement. Au contraire, elle
signifie que des populations (individus ou groupes) atteignent un stade
d'indépendance qui leur permet de poursuivre leurs activités
courantes et d'affronter les changements avec une autonomie relativement
grande.
La durabilité nécessite donc des ressources, du
savoir-faire, des qualifications, une certaine façon d'envisager
l'avenir, de la confiance en soi et la possibilité de favoriser des
relations sociopolitiques et économiques.
Ces objectifs sont au coeur du travail de terrain à la
fois du CIDAP à Lomas de Carabayllo et du CESAL à Huachipa, et
c'est en cela que l'on peut dire que leur démarche d'action est au
service d'un
développement durable, dans le sens ou les projets ont
été totalement appropriés par les habitants, de la prise
de décision à la maintenance, dans un respect de leur
environnement et de leurs culture.
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