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Les enjeux environnementaux, économiques, sociaux et politiques de l'accès à l'eau dans l'agglomération de Lima et plus spécialement dans les quartiers dits « asentamientos humanos », quel avenir pour une ville assoifée ?

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par Claire Gaillardou
UFR de Géographie Bordeaux III - DEA de géographie, mention développement, sociétés et cultures 2007
  

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Il- A l'échelle locale, étude de projets de réduction des

coûts et de la consommation inscrits dans une démarche participative

II-1 Huachipa et Carabayllo, deux « asentamientos humanos » distincts

Deux quartiers marginalisés, face à des contraintes et des caractéristiques différentes. - Contraintes géographiques

-Lomas de Carabayllo :

Lomas de Carabayllo appartient au district de Carabayllo. Comme son nom l'indique (Lomas signifiant collines), ce village se situe sur les hauteurs du district, dans un bosquet sec et aride. Le district de Carabayllo appartient à la province de Lima. Il fait partie du cône Nord d'urbanisation de la ville, et son expansion est récente. Carabayllo se situe à une altitude de 238 mètres au-dessus du niveau de la mer et s'étend approximativement sur 345 88 km2.

Lomas de Carabayllo est un secteur très aride, situé sur un sol sablonneux et à flanc de cerros, dans une zone à risque de tremblement de terres et d'éboulement de terrain.

Il existe des ressources souterraines en eau potable mais les plus accessibles se trouvent dans d'autres quartiers de Carabayllo, la situation de Lomas sur les hauteurs, rendant la nappe phréatique bien trop profonde à cet endroit pour le forage de puits à moindre coût.

Photo 24 : Lomas de Carabayllo :

Source : Auteur.

-Huachipa :

La municipalité de Huachipa se situe dans le cône Est d'urbanisation de la capitale, dans le district de Ate-Vitarte. A une altitude variant autour des milles mètres, cet « asentamientos humanos» bénéficie d'un climat un peu différent de celui du centre de Lima. En effet, contrairement au reste de la ville, il dispose d'un ciel découvert et d'un climat légèrement plus frais en raison de l'altitude. De plus, ce secteur peut être considéré comme semi-urbain car on y retrouve de nombreux jardins et d'immenses ladrillas (fabriques de briques en terre). Dans ces ladrillas, sont souvent employés des enfants en dessous de la limite légale d'âge pour travailler, en raison de leur poids léger qui leur permet de se déplacer sur les briques encore molles sans les abîmer. Ce travail juvénile illégal a initialement entraîné le choix de ce quartier pour lancer un programme d'éducation et de formation par l'ONG CESAL.

Photo 25 : Quartier de San Francisco à Huachipa :

Source : Auteur.

Dans la recherche de solutions pour l'accès à l'eau potable, ce qui différencie grandement ces deux quartiers, c'est la ressource aquifère sous-terraine. En effet, à Huachipa, les ressources se

trouvent environ en moyenne de 50 à 80 mètres sous la surface du sol, alors qu'à Lomas de Carabayllo la profondeur atteint parfois 150 mètres.

- Du quartier spontané à la planification, deux « asentamientos humanos » historiques :

Le schéma le plus classique de la création des « asentamientos humanos » est celui des invasions massives autour de Lima à la fin des années 40 et au début des années 50 et c'est celui de la constitution de Huachipa et Lomas de Carabayllo. Ces invasions étaient soigneusement préparées, presque planifiées, avec parfois la complicité d'étudiants et ingénieurs pour établir la taille des parcelles, l'alignement des rues et l'esquisse sommaire d'un plan masse. Une zone particulière était choisie à l'avance parmi les terrains publics puis l'invasion se produisait durant la nuit puisque le jour les forces de l'ordre s'y seraient opposées. Le lendemain, les autorités ne peuvent que constater le fait accompli, l'éviction ne pouvant se faire que dans un bain de sang.

Le lot commun de toutes les zones d'habitats spontanés est la pauvreté, le manque d'hygiène, un toit fragile, une surpopulation, bref des conditions de vie extrêmement difficiles. Néanmoins il me semble que l'on peut distinguer deux types de regroupement d'habitats précaires. Le premier que l'on nommera taudis est un lieu de décrépitude où les désoeuvrés s'entassent sans une réelle conscience de groupe et sans beaucoup d'espoir. La misère y est d'autant plus grande qu'un laisser-aller règne partout.

Le deuxième type d'habitat précaire est habité par une population qui a une conscience de groupe, qui a la volonté de vivre et d'améliorer son quotidien. L'homme du bidonville s'insère dans une certaine dynamique sociale, avec la conscience d'appartenir à une culture, à un mouvement. Il sera par conséquent bien plus facile d'intervenir dans un bidonville plutôt que dans un taudis car la population peut fournir un engagement bien plus important.

Ce qui différencie beaucoup les quartiers d'habitat spontané de la ville, c'est qu'ils ne sont pas, ou peu, dotés d'équipements et services urbains qui permettent à la ville d'être un lieu confortable. Pas d'égout, pas de raccordement à l'eau, pas d'électricité, pas de voie carrossable, pas de ramassage d'ordures, pas de police, pas d'équipements sanitaires, pas d'équipement éducatif, etc.... Ce sont pourtant des équipements élémentaires.

L'eau est un des éléments les plus importants et est évoqué dans tous les bidonvilles du monde. L'eau,
c'est la corvée de tous, femmes, hommes, enfants. Il faut souvent aller la chercher à plusieurs

centaines de mètres à une fontaine où il faut ensuite faire la queue. Ou bien dans certains endroits les habitants des bidonvilles doivent payer leur eau et elle revient parfois deux fois plus chère que pour les gens habitants les quartiers riches.

D'autre part, l'absence de mobilier urbain peut paraître un détail mais c'est un signe très marquant du statut de non-ville.

Ces carences font du bidonville un lieu inconfortable au quotidien, et le rendent de jour en jour, de plus en plus insalubre. Les barrières qui séparent le bidonville de la ville sont de plusieurs types mais toutes participent à l'isolement des habitants des bidonvilles.

On trouve tout d'abord des limites physiques telles qu'une autoroute, une voie ferrée, une rivière ou même un mur. Elles sont rendues d'autant plus pénalisantes par le fait qu'il n'existe pas d'infrastructure permettant de les franchir. Il n'y a pas de ponts ni de passerelles suffisamment nombreux pour permettre un lien entre bidonville et ville. En fait, réseaux et infrastructures ne desservent pas le bidonville, ce qui isole ce dernier de son environnement.

Les habitants des bidonvilles, qui doivent se rendre en ville pour le travail, souffrent aussi d'un manque de transports en commun. En effet, les zones d'habitat spontané sont toujours peu ou très mal desservies, éloignant encore plus le bidonville des centres d'activités. D'autre part, le bidonville est psychologiquement écarté de la ville dans la mesure où il n'a pas du tout le même langage qu'elle. Même s'il se situe contre la ville, il n'est pas construit avec la même logique, le tissu urbain est extrêmement différent, les équipements et le mobilier urbain sont inexistants, il y a peu d'éclairage la nuit, etc. Le bidonville se démarque visuellement, on sait immédiatement lorsqu'on s'y trouve et ses frontières sont très nettes. La société qui y vit ne peut donc que se sentir marginalisée, le bidonville étant à la fois placé "loin" de la ville et stigmatisé.

Selon Albert Camus, "la pauvreté devient une forteresse sans pont-levis". Le bidonville, foyer de misère, est un exemple frappant de cette forteresse repliée sur elle-même. Aux urbanistes et architectes de savoir l'ouvrir en créant des ponts vers la ville, au sens propre et au sens figuré. Comme beaucoup, il s'est tout d'abord installé aux franges de la ville, sur des terrains vagues. Puis, il s'est développé en suivant sa propre logique, c'est-à-dire autour d'une voie piétonne centrale. De son côté la ville a aussi grandi, elle a rejoint la zone d'habitat spontané et elle l'a totalement cernée en

suivant elle aussi sa propre trame urbaine. Ni le bidonville, ni la ville n'a tenu compte de l'autre. On a assisté à un développement parallèle mais totalement séparé.

Les conséquences urbaines sont très nettes. Le bidonville est devenu un îlot dans la ville et pourtant il semble complètement hors de la ville. Le tissu urbain et le tissu du bidonville se font face mais ne communiquent pas. La limite entre les deux est très franche sur la photo et elle est totalement palpable sur le terrain. Le bidonville est à l'image d'une île au coeur de la ville. Il ne peut plus s'accroître, il est comme enkysté dans le tissu urbain.

Le développement de cette ville est une caricature d'une non intégration des zones d'habitats spontanés. Plutôt que de tenter de faire participer les habitants des bidonvilles à la ville et de leur faire profiter des équipements urbains, la ville a grandi en niant le bidonville. Ce qui aurait pu être une richesse urbaine, un quartier qui anime la ville (ainsi que sa trame), est resté un ghetto de misère ostensiblement délaissé.

- Situation socio-économique actuelle

Ces deux quartiers souffrent de nombreuses difficultés d'accès aux services d'eau et d'assainissement, de manque d'infrastructures routières, de santé et d'éducation. Leur position périphérique, parfois à plus de deux heures du centre ville en combi, les isole de tout pôle de développement. Sur le plan socio-économique, la population est en majorité sans emploi et/ou exerce des emplois précaires et/ou informels. Cette situation de sous-emploi et de chômage est cependant atténuée à Huachipa grâce à l'existence de l'exercice du maraîchage et de la fabrique des briques.

Le parc de logements est très dégradé, situé sur des zones à haut risque (tsunamis, tremblement de terre...). Les logements sont de type précaire, construits en bois et en tôle.

Cette zone très défavorisée concentre une grande part des problèmes que connaît l'agglomération de Lima :

-Un manque cruel des services urbains de base :

Aucun accès aux services d'eau et d'assainissement, les habitants ont recours au camion-citerne, service coûteux, limité et de basse qualité. Il existe un commerce illégal d'eau : les habitants achètent des bidons d'eau aux habitants de l' « asentamiento humano » voisin doté de fontaines publiques.

Environnement:

-Manque d'attention aux problèmes de ramassage des déchets (service de nettoyage déficitaire, manque de moyens financiers de la population pour financer le service, faiblesse des stratégies d'organisation et de participation sociale dans la gestion des déchets, déficience dans la législation nationale, provinciale, et du district au niveau opératoire comme de la gestion)

-Formation de points critiques d'amoncellement des ordures

-Manque de contrôle des établissements industriels pour l'élimination des gaz toxiques -Absence de programmes massifs d'éducation sanitaire

-Pollution de l'eau, l'air et du sol

Infrastructures:

-Déficience du réseau viaire: absence de routes goudronnées, manque de contrôle dans l'usage du sol, peu de transports publics

-Manque d'infrastructures concernant la santé: il n'existe qu'un seul centre de santé dans tout le quartier.

-Manque d'infrastructures concernant l'éducation : peu d'écoles

-Manque d'aires récréatives

-Manque d'infrastructures sportives

-Pas d'espaces verts

Logements:

-Déficience des normes de sécurité (zone sismique) -Logements de type précaire: construction en bois et en tôle -Occupation non-planifiée

-Absence de programmes de réhabilitation urbaine

Secteur économique:

-Manque de commerce

-Insalubrité du marché

-Manque d'activités économiques et de pôles de développement -Fort taux de chômage

-Forte présence du secteur informel

Secteur social:

-Existence d'une grande pauvreté -Fort taux de délinquance

-Présence de violence familiale

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius