CADRE DU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SECURITE EN
AFRIQUE
.
L'expérience de ces dernières années a
poussé les Nations Unies à se focaliser sur la
construction de la paix et de la sécurité en
Afrique55. Cependant les menaces de paix sur ce continent par leurs
caractéristiques, font que le maintien de la paix dans le sens
d'éviter le conflit militaire n'est pas suffisant pour
l'établissement de la sécurité et de la paix durable. Mais
une telle sécurité ne peut se réaliser que par
un relèvement socio-économique et l'épanouissement des
peuples africains. Ainsi, sachant que les activités du conseil de
sécurité
couvrent principalement les domaines de prévention
de la Paix56, et vu que ces types d'engagements doivent pour
être efficaces, prendre place simultanément ou se chevaucher,
il
54 Le rapport relève qu'en 1996 seulement, 14
des 53 pays d'Afrique ont connu des conflits armés, Rapport de Kofi
Annan, 25
septembre 1997.
55 Voir l'introduction de ce chapitre I.
56 Maintien de la paix: peace making;
Rétablissement de la paix: peace keeping ; Renforcement de la
paix : renforcement et
Construction de la paix: peace bulding
est tout à fait souhaitable que les trois organes
centraux du système onusien57, oeuvrent par synergie afin de
pouvoir faire face à un tel problème58. Aussi il n'est
pas à négliger non plus, l'intervention des autres organes en
particuliers le conseil économique et social et la cour internationale
de justice, étant donnée qu'ils sont eux aussi et souvent
sollicités par le conseil
de sécurité dans le cadre du maintien de la paix
sur ce continent.
De ce fait, ce cadre du maintien de la paix et de
la sécurité en Afrique s'apprécie d'une part sur la
définition même des conflits africains, et d'autre part sur le
regard qu'a le conseil de sécurité sur ces derniers. C'est pour
cela qu'il convient de voir les particularités
des conflits africains des années 90 [A], avant de
s'intéresser à l'attitude du conseil de
sécurité face à ces conflits [B].
A : PARTICULARITES DES CONFLITS AFRICAINS DES ANNEES 90.
Dés le début des années 90, pour causes
de fin de guerre froide, la communauté internationale a cessé
de s'intéresser à un continent africain en grande
difficulté59. Cependant, il apparaît qu'au centre de
ces dernières figurent les conflits qui ne cessent de s'amplifier de
part et d'autre sur l'étendue du continent. La particularité
première commune
à ces conflits, réside dans le fait que
pas moins de 90% d'entre eux prennent place à l'intérieur
plutôt qu'entre des Etats souverains60. Toutefois, ce
caractère interne est souvent sujet à discussion et ceux à
cause du fait que l'une des parties peut considérée le
différend comme étant interne tandis que l'autre l'assimile
comme un différend d'ordre externe; c'est
à dire qui oppose deux entités qui en principes
devraient être souverains61. Plus regrettable encore est le
cas des conflits dits sécessionnistes, qui prenant prétexte
de l'absence de démocratie ou de tout autre motif pseudo-
juridique, menacent l'unité nationale voir l'existence même
d'un Etat62. Dans ce sens relevons un premier cas aujourd'hui
théoriquement réglé, qui est celui de l'Erythrée,
et qui grâce à une lutte armée de vingt ans a finalement
réussi à se détacher de l'Ethiopie et devenir un Etat
indépendant.
A ce propos, dans son ouvrage intitulé RELATIONS
INTERNATIONALES AFRICAINS, Pierre François Gonidec traitant
sur ce problème, distingue les conflits liés
à la décolonisation et ceux non liés
à cette dernière. Et par conflit de
décolonisation, l'auteur entend les conflits «qui n'opposent
pas des africains entre eux, mais la puissance coloniale
et des mouvements de
libération63». Toutefois, depuis fort longtemps ce
genre de conflits ne
représentent qu'un intérêt historique. Et
lorsque la décolonisation s'est effectuée dans des
57 Conseil de sécurité,
Assemblée générale et Secrétariat
général
58 Ibid. Basic facts about the United Nations, P
67.
59 Voir Ecofinance N° 37, rubrique
éclairage, novembre 2003,
60 Ibid. basic Facts about the united nations P 67,
: voir aussi Pierre François Gonidec, relations Internationales
Africains, Tome
5, P 6, Bibliothèque africaine et Malgache
61 Ibid. Pierre François Gonidec, relations
Internationales Africains, P 147-148 et 149.
62Tel est le cas du Conflit qui a abouti
à l'indépendance de l'Erythrée le 24 mai 1993, de
celui de l'ex république Fédérale islamique des
Comores qui suite à un mouvement sécessionniste qui
débuta le 14 juillet 1997 a fini par la transformation du
régime fédérale en union des îles
Comores au mois de décembre 2001( voir jeune Afrique l'intelligent, N
° 2251, du 29 février
au 6 mars 2004) ; Ou aussi celui qui perdure sous le nom du
Conflit du Sahara occidental qui depuis le 6 septembre 1991 un cessez-le feu
est entrée en vigueur, mettant ainsi fin à 16 années de
conflit armée. Source: (respectivement) prises de vue
générale
et actualité politique de 1990 à 2001,
Encyclopaedia Universalis 8 ( Sur Cd Room ).
63 Ibid., Pierre François Gonidec , relations
Internationales Africains, P 148.
conditions telles qu'elle conduit une partie de la population
à contester la solution retenue
par l'Etat colonial ou par une instance internationale, Tran
Van Minh quant à lui, qualifie ce genre de conflit de conflit de
décolonisation de type nouveau64. Selon lui, la
caractéristique essentielle de ces conflits, est qu'ils opposent
non pas un Etat colonial non africain à un mouvement de
libération dont l'objectif est l'indépendance, mais un peuple
face à un Etat africain dont l'existence est parfois ancienne.
C'est tout particulièrement le cas de l'Erythrée qu'on vient
de mentionner ou aussi le cas du soudan qui depuis le 23 avril 1990,
après avoir déjoué un putsch organisé par de jeunes
militaires et des officiers à la retraite, le général
Omar Hassan El - Béchir a exécuté pas moins de 28
officiers qui contribua aux motifs du soulèvement sur la
capitale65.
Et dans un tout autre registre, on retrouve les
internationalistes qui parlent, quant à eux
de conflits juridiques et de conflits politiques.
Entendant par conflit juridique, le conflit relatif à
l'application ou à l'interprétation d'un droit existant. Et
par opposition, le conflit politique veut dire tout conflit qui n'est pas
juridique66.
Dans cette étude consacrée aux conflits,
Tran Van Minh souligne aussi que «la pratique africaine de
règlement de conflits n'a pas reprit cette distinction de
litiges juridiques et de litiges politiques67». En fait,
cette pratique a montré une certaine préférence
à recourir à l'intervention devenue de plus en
plus systématique, des anciennes puissances coloniales en cas de
règlement de conflit. Cela dit, de nos jours les conflits africains dans
leur vaste majorité sont liés d'une façon ou d'une autre
à la décolonisation. Ainsi force est
de reconnaître l'influence néfaste de la non
prise en compte, ni des diverses origines ethniques, ni des origines
historico-géographiques voir culturels des peuples africains, lors
de la délimitation des frontières de ces
Etats africains68. A titre d'exemple, citons le génocide
perpétré au Rwanda en 1994 ; Ou aussi le conflit du
Sahara occidentale, qui
d'ailleurs la cour internationale de justice a reconnu
par avis consultatif, l'appartenance historique du Sahara à
l'ensemble du Grand Royaume du Maroc, et ce bien avant
l'indépendance69. Cependant en l'espèce le conflit
Rwandais, comme l'a qualifié Pierre François Gonidec, est
«Un conflit Typiquement lié à la question
ethnique70». Autrement dit, c'est un conflit issu en
quelque sorte d'un manque de politique d'intérêt
général commun et effectif. Cela dit, comme
particularité, il n'est pas non plu à
négliger le caractère individualiste de facto qui
s'attache à la grande majorité des Etats africains, quant
au détenteur de la souveraineté. En d'autre terme, face à
des gouvernants soucieux en priorité
de se maintenir au pouvoir, souvent au grand dam de
l'intérêt général et par conséquent de la
64 Tran Van Minh, Encyclopédie juridique de
l'Afrique, P 103 à 105,. Volume I -1979.
65 Le 30 juin de la même année,
plusieurs centaines de milliers de manifestants qui réclamaient la mise
en application immédiate
de la charia, ont fait qu'à partir du 25 juillet 1993,
les combats s'intensifient entre les troupes gouvernementales et les forces
rebelles de l'Armée populaire de libération du Soudan
(A.P.L.S), provoquant l'évacuation de plus de 100 000 civils,
et ce jusqu'à
la mise à l'écart d'Hassan El - Tourabi, en 2000
(Après avoir nommé Omar Hassan El - Béchir à la
haute magistrature du pays,
El - Tourabi revient pour incarner l'homme fort du régime
le 1er avril 1999) : Source : Actualité politique du soudan
depuis 1990
à 2001,
Encyclopaedia Universalis 8 ( Sur Cd Room ) 2002.
66 Ibid. Relations internationales africains.
67 Ibid Tran Van Minh, P 103 .
68 Rapport de Affolabi Moussa Okanla, Afrique,
Désarmement et sécurité, P 12, Alger 24-25 mars
1990, UNIDIR 90/109, Nations Unies 1991.
69 Ibid. Relations Internationales africains, P 149
à 150.
70 Ibid.
masse populaire, il est systématiquement question
de conflit soit pour l'accession au pouvoir, soit de rébellion
revendiquant des droits de participations aux affaires étatiques, ou
aussi de sécession voir d'irrédentisme71.
Et d'un point de vue socio-économique, la
singularité des conflits africains peut aussi s'illustrer d'une part,
par la lutte pour la défense ou contre l'appropriation des
ressources naturelles d'un Etat par une minorité; et d'autre
part, par un grand refus contre la marginalisation
socio-économique d'une minorité du peuple ou de la masse
populaire dans
sa globalité. C'est en tout cas dans ce sens que dans son
rapport en date du 02 septembre
2003, le secrétaire général de l'O.N.U,
s'exprimait en disant que «Toutefois, la pénurie de certaines
ressources naturelles, leurs mauvaises gestions ou leur épuisement et
l'inégalité d'accès à ces ressources, doivent aussi
être considérées comme des causes potentielles de
conflits72 ».
Ainsi, de revendication sectorielle sous le bouclier
juridique du fameux droit des peuples à disposer d'eux-mêmes
à la lutte contre l'oppression et le favoritisme, tous rendent compte du
caractère intra-étatique des la plupart des conflits africains.
Cela étant aussi qu'à coté de ces conflits ils subsistent
des questions qui rentrent à juste titre dans le domaine de
compétence du conseil de sécurité. Autrement dit, des
litiges qui mettent en opposition des Etats indépendants et
souverains.
Tel est le cas de ce même conflit du Sahara qui
«par interposition», oppose également
le Maroc et l'Algérie73. Mais compte tenu de
leur caractère plus diplomatique que militaire, sinon de leur
rareté notamment à partir dans ces dernières
décennies, force est de souligner
que dans l'ensemble, qu'ils soient internes ou entre Etats
souverains, les conflits africains dans la plupart des cas accentuent
l'instabilité politique des ces derniers, voir de toute la
région concernée; d'où le problème de
plus en plus fréquent des personnes dites déplacés
et
des réfugiés.
D'ailleurs, en plus du cas extrême de
Génocide ou tout simplement de crime contre
l'humanité comme ce fut le cas au Rwanda et au Burundi,
ce phénomène des personnes déplacés et de
réfugiés constitue l'un des facteurs qui a mit le conseil de
sécurité sur le qui- vive face à ces questions africaines
depuis 1990.
C'est pourquoi il importe de voir quelle est la position sinon
l'attitude du conseil de sécurité face à ses conflits
africaines.
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