Le projet de constitution européenne à l'épreuve de la ratification( Télécharger le fichier original )par Youssef AMRANI Université Sidi Mohamed Ben Abdallah - Licence en droit public 2005 |
Les Carences de la Constitution Européenneet la Menace du RejetEn principe , une constitution organise les pouvoirs et énumère les droits et devoirs des citoyens.Parfois , elle consacre l'existence de droits individuels et collectifs , dont elle confère aux pouvoirs publics l'obligation de garantir le plein exercice. Avec le traité établissant une constitution pour l'Europe , on est confronté à un texte d'une autre nature. En fait , ce traité est un véritable fourre-tout , on y trouve des tas de choses qui n'ont strictement rien à voir avec une constitution digne de ce nom. Entre autres , on y trouve , en quelque sorte sacralisés, des choix idéologiques très clairs qui doivent pouvoir être à tout moment remis en cause par les citoyens dans le cadre du débat politique et n'ont , donc, pas à être coulés dans le bronze 10(*) d'un texte qui devrait être «au dessus de la mêlée » ( puisque à vocation constitutionnelle ) et qui est le plus souvent présenté comme tel. Aussi , l'intitulé même du traité (traité établissant une constitution pour l'Europe ) est une tromperie11(*) ! il n'en demeure pas moins que ce texte est lourd d'une Berezina démocratique , sociale et environnementale. A plusieurs reprises , ces inconvénients sont détectés par des leaders en matière de Non et font l'objet d'immenses reproches , il convient à présent de les articuler autour de trois axes fondamentaux (chapitre 1) , avant de procéder à une étude de cas se rapportant au rejet français de la constitution européenne (chapitre 2) , un rejet à travers lequel s'est fusionnée toute la pensée Noniste. Chapitre 1 : Le projet de constitution européenneappréhendé par ses opposants.Parallèlement aux campagnes menées en faveur de son approbation , le projet de constitution européenne , dont le principal écueil est le stade de la ratification , subit le développement d'un large mouvement continental en vue de contribuer à son rejet. Les propos avancés dans ce sens sont totalement organisés autour du caractère irréversible de la constitution ( section 1 ) , la régression qu'elle apporte à certains droits fondamentaux ( section 2) et l'ultra libéralisme qu'elle sacralise à travers ses dispositions ou encore son allégeance voulue à l'OTAN (section 3) Section 1:le caractère irréversible de la constitution .Il faut tout d'abord savoir que toute révision du texte constitutionnel est en pratique impossible , puisqu'elle passe par sept filtres institutionnels , dont trois nécessitent l'unanimité ( convention des représentants nationaux , conférence des représentants des gouvernements , ratification par tous les Etats ). « Le gouvernement de tout Etat membre , le parlement européen ou la commission peut soumettre au conseil des projets tendant à la révision du présent traité ... les modifications entrent en vigueur après été ratifiées par tous les Etats membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives » Art IV-443. Le traité constitutionnel , et en particulier la partie III, est bien la synthèse des traités antérieurs , mais la différence fondamentale est qu'il s'agit d'une constitution et qu'elle s'impose définitivement et systématiquement aux constitutions et législations des Etats membres. Ils ne pourront pas aller à l'encontre de la politique commune : « les Etats membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l'exécution des obligations découlant de la constitution ou résultant des actes des institutions de l'union »Art I-5,2. S'ils passent outre , les lois qui pourraient en résulter seront déclarées nulles : « la constitution et le droit adopté par les institutions de l'union , dans l'exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des Etats membres »Art I-6 . La commission , ou tout autre Etat membre, pourra saisir la cour de justice qui imposera alors les rectifications , qu'il faudra appliquer à la lettre sous peine de sanctions financières : « Si la commission estime qu'un Etat membre a manqué à l'une des obligations qui lui incombent en vertu de la constitution , elle émet un avis motivé à ce sujet ... celle-ci peut saisir la cour de justice de l'union européenne. Si la commission estime que l'Etat membre concerné n'a pas pris les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt visé au paragraphe 1, elle peut saisir la cour de justice ....Elle indique le montant de la somme forfaitaire ou de l'astreinte à payer par l'Etat membre concerné qu'elle estime adapté aux circonstances » Art III-360,361 et 362 . Certains croient résoudre la problématique de révision en indiquant que , si la constitution ne peut être révisée qu'à l'unanimité , c'était déjà le cas avant. Le raisonnement est largement spécieux car il ne tient pas compte de l'évolution de l'Europe. Les révisions précédentes ont été acquises entre des Etats moins nombreux , plus homogènes , unis par des affinités qui facilitaient le consensus . Les difficultés seront plus à 25 ou à 30. En outre , si le texte constitutionnel est adopté , et dans plusieurs pays par référendum, sa légitimité politique serait beaucoup plus forte qu'avec le traité de Nice. D'autre part , le traité constitutionnel est accusé par ses opposants de ne pas reconnaître certains droits sociaux fondamentaux ( droit au travail , droit aux revenus de remplacement , au minimum d'existence...etc.) comme des droits effectifs dont l'union européenne doit assurer le respect , mais comme des simples objectifs à atteindre. Mieux encore , certains estiment que l'inscription de la charte des droits fondamentaux constitue un recul social , et d'autres prétendent que la notion de service public se voit condamnée à disparaître. * 10 Lionel Jospin : « pour moi , c'est oui » in le Nouvel Observateur , semaine du 23 au 29 septembre 2004 * 11 Dés lorsqu'il faudra l'unanimité des 25 Etats signataires pour modifier le texte ( partie IV , art 443 à 445 ) |
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