La Littérature Hypertextuelle, analyse et typologie( Télécharger le fichier original )par Aurélie CAUVIN Université de Cergy Pontoise - Maitrise de lettres Modernes 2001 |
IV. Le lien et l'organisation de la fiction : essai de typologieLa fiction hypertextuelle n'est en effet concevable que par le lien. Il est la condition d'existence, la quintessence de ces oeuvres sans lequel elles n'auraient qu'un statut de fiction. Le lien se conçoit de plusieurs façons. En premier il pourrait être mis en relation avec la rhétorique. Rhétorique signifie « technique de la mise en oeuvre des moyens d'expression ( par la composition, les figures ) ». Le lien hypertexte est en effet mise en oeuvre effective, il assemble les fragments. Mais il est aussi moyen d'expression, composition et figure. Mais cette rhétorique, est-elle reprise des différentes figures, ou absence de composition ? Cette partie sera consacrée au mécanisme analogique et technologique permis par l'hypertexte. L'hyperlien apparaît hétérogéne, divers, tant du point de vue des mécanismes sémantiques, que des liens hypertextuels. Certains mécanismes analogiques, certaines figures de style reviennent régulièrement : la métonymie, la métaphore. L'hypertexte permet aussi grâce à la notion d'intertextualité depuis Julia Kristeva, le groupe Tel quel (Philippe Sollers), de multiplier les voix narratives, de multiplier les points de vue, dans la mesure où il est réécriture et recréation. Quels sont donc les différents types de liens utilisés dans l'hyperfiction ? Dans un premier temps seront analysés les liens dits de navigation : ceux qui composent le site soit les liens externes et les liens internes. Pour compléter cette typologie dans un deuxième temps seront etudiés les liens internes de l'hyperfiction afin de faire apparaître leur multiplicité. Celle-ci se manifeste du point de vue de la signification et de l'organisation de la fiction ou de l'histoire. Puis le troisième chapitre sera consacré aux liens reposant sur la définition et le dictionnaire quel que soit leur statut dans la fiction. Enfin le quatrième chapitre sera consacré aux liens multimédias. Lorsque un écrivain écrit et construit son oeuvre sous la forme hypertextuelle, certaines questions peuvent l'interpeller concernant le parcours du lecteur : quelle direction le lecteur va-t-il prendre ? vers quel lieu va t-il se diriger : interne ou externe ? vers quel média, ou action va-t-il se diriger : une illustration par exemple, ou bien une adresse mail ? vers quel contenu va t-il se diriger et pourquoi : vers un argument ou un exemple ? Pour répondre à ces questions Dirk Schröder173(*) se propose de classer les liens hypertexte selon les catégories suivantes : renvoi de navigation, renvoi de type page et renvoi hypermédia. Les renvois multimédia ne seront étudiés qu'en fin de cette partie174(*). L'observation portera essentiellement sur les renvois de navigation. Dirk Schröder classe sous la catégorie des liens de type page : les liens vers une page contenant un formulaire interactif ; les liens émail, les liens de note ( vers une page explicative ) ou vers d'autres lien et enfin les liens d'aide (formulaire d'aide ou d'information). Les liens de type pages restent généralement fonctionnel, comme nous l'avons déjà explicité. Cependant le lien émail peut s'inscrire dans une esthétique autour du mail-art, comme pour Websoap. Dirk Schröder rappelle également que Randall Trigg en 1983 a recensé dans une « taxonomie »175(*) les liens hypertextuels, le classement repose sur deux tableaux176(*) dans lesquels il différencie les liens de type « normal » et ceux de « commentaire ». La typologie émise par Dirk Schröder, repose non pas sur une rhétorique admise mais sur les liens en cours sur le World Wide Web. Ainsi les liens de navigation apparaissent avec les liens hypermédia comme les plus fréquents dans l'hyperfiction. A. Les renvois de navigation :Le renvoi de navigation contient les liens externes (vers un autre site) et les liens internes (vers un autre endroit du site). Parmi les liens internes se distinguent dans l'hyperfiction : les liens appartenant au paratexte : titre, sous-titre, chapitre, sous catégorie, généralement appelés liens métonymiques et les liens qui appartiennent à l'hyperfiction même.177(*) 1. les liens externesLes renvois de navigation externe nous intéressent dans la mesure où, bien que les liens sont principalement interne au site, il peut survenir que les auteurs incluent des liens externes et invitent le lecteur à se rendre sur un autre site. Ils peuvent alors être apparentés au système de renvoi/sortie. Au regard des différentes oeuvres, il est manifeste que ces derniers ne concernent que les formats dit « on-line », les supports fermés tel que le cédérom ou le format Acrobat Reader (pdf) ne contiennent a fortiori pas de liens externes178(*). Les sites externes sont généralement appelés des sites miroir ou réflecteur, car les deux sites se revoient mutuellement l'un à l'autre et sont liés par les mêmes intentions. Deux types se distinguent : ce peut-être un site indiquant la source ou un site qui s'intègre à l'oeuvre. L'exemple d'un site source se trouve dans Apparitions Inquiétantes, où elle utilise une image179(*) qui n'est pas de son cru intitulée « rien qu'un baiser avant de mourir », l'image nous renvoie sur le site180(*) de l'artiste Alex Grey et de ses oeuvres « transfigurations ». En ce qui concerne le second type il faut se référer à Websoap181(*). Premièrement l'oeuvre est construite autour de deux sites miroirs, l'un consacré au Websoap, le second au Bluemailer, qui donne accès au boites au lettres personnelles. Le site Websoap se compose de plusieurs sections : l'accès au bluemailer (liens externes) alors que « la galaxie », « l'inventaire des sites », « l'annuaire des personnages », « la chronologie », « abonnez-vous » et « le mode d'emploi » sont des sites internes au websoap. Ce site apparaît comme un portail, c'est à dire une ouverture sur d'autres sites. De plus chaque personnage a respectivement un site personnel : · Mona Bliss [http://www.mona-b.net], · Sadie Nassau [http://www.superfever.com], · Luc Dietricht [http://www.cannibales-sonores.com/luc], · Madeleine Feuille [http://www.face-cachee.net], · Massimo della Fontana [http://www.45tours.net], · Antonin Matéo [http://www.mailerscope.net] · Pierre-Anne Moravec [http://www.mona-b.net/pam]. Il existe également deux autres sites en relation avec l'oeuvre : celui de l'entreprise de Mona Bliss, Skymax [http://www.skymax-corporation.com], et celui du Blue Room : [http://www.theblueroom.com]. Les sites externes ont pour fonction de présenter les personnages, leurs centres d'intérêt, leurs passions, le site concernant Antonin Matéo est une analyse théorique du bluemailer : il offre une réflexion sur Internet et sur les effets du bluemailer, sur la création et les aspects socio-culturels du médium, et l'impact des nouveaux modes de communication interpersonnelle. Le site de Mona Bliss apparaît sous plusieurs angles : d'une part sa passion pour les insectes, la publication de son livre. Le site est un entre-deux entre site commercial et site d'information. Plus personnel le site de Madeleine Feuille est présenté comme « Lieu de confessions et d'échanges, "la face cachée de la lune de miel", site consacré au mariage et au bonheur, explore le domaine de l'intime. Un univers feutré, féminin, dont les facettes multiples sont dévoilées dans un effort de totale transparence. » Ainsi les sites offrent un autre un autre point de vue sur les personnages à l'opposé des mails, qui s'inscrivent dans un point de vue personnel et quotidien. Ils complètent les portraits, offre des réflexions relative à leur personnalité. La page consacrée à l'annuaire renvoie pour chaque personnage à sa boite aux lettres sur le bluemailer. Cette oeuvre est emblématique des liens externes, en effet la plupart des hyperfictions fonctionne sur un « mode » interne. L'oeuvre est en effet restreinte au site, voici donc un contre exemple, qui apparaît comme le reflet de l'internaute et de ses pratiques. Ainsi la dialectique interne/externe s'estompe au profit d'une réalité autre celle des internautes. * 173 Dirk Scröder, «Der Link als Herme und Seitensprung. Überlegungen zur Komposition von Webfiction« in Beat Suter, Michael Böhler, Hyperfiction, Hyperliterarisches Lesebuch : Internet und Literatur mit CD-ROM, Basel ; Frankfurt am Main : Stroemfeld, 1999. pp 54-55 * 174 cf. III. E. * 175 Randall H. Trigg, «A taxonomy of Link Types» (Chapitre 4) : http://www.parc.xerox.com/spl/members/trigg/thesis/thesis-chap4.html. [en ligne] * 176 cf. Annexe * 177 Les liens organisant la fiction seront abordés dans le B * 178 Ne sont ici analysé que les renvoi contenus dans l'oeuvre et non pas les support fermés, qui certes peuvent contenir des liens Internet mais leur fonction n'est sensiblement pas la même. Ces derniers sont en effet des catalogues, ou des annuaires. * 179 www.anacoluthe.com\bulles\apparitions\inquietantes\saphira.html * 180 http://www.motley-focus.com/~timber/alexpaint.html * 181 http://www.thewebsoap.net |
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