La Littérature Hypertextuelle, analyse et typologie( Télécharger le fichier original )par Aurélie CAUVIN Université de Cergy Pontoise - Maitrise de lettres Modernes 2001 |
2. Hypertexte : informatique et/ou littérature ?Il est vrai que le rapprochement est rare, mais il existe. En effet l'hypertexte est un terme vulgarisé dans le domaine de l'informatique, mais il existe également dans le domaine de la littérature. Cette double appartenance est marquée dans les dictionnaires par la « marque ». En effet l'hypertexte est un terme polysémique, équivoque pour des spécialistes de la littérature. Ainsi le seul dictionnaire de langue à établir de parallèle est le Dictionnaire Flammarion de la Langue Française (1998): « Hypertexte, n. m. : 1. Texte littéraire dérivé par rapport à un autre qui lui est antérieur et lui sert de modèle ou de source, d'ou des phénomène de réécriture possibles comme le pastiche ou la parodie. 2. Inform. Procédé qui permet une circulation entre les différents textes par l'intermédiaire de mots charnières. » Un autre auteur à mettre en relation l'informatique et la littérature est André Gervais, dans son Petit glossaire des termes en " texte "31(*). Il donne pour l'article « hypertexte, hypertextualité » les références suivantes : « - I Theodor Holm Nelson, 1967. II Gérard Genette, 1982. » Il met en garde contre les abus et explique qu'il ne faut pas confondre les deux termes. Mais il les rapproche et établit leur proximité de sens. « Cette innovation [le logiciel Hypercard] recoupe étonnamment les résultats d'une réflexion théorique, menée au même moment dans un tout autre domaine, et de manière tout à fait indépendante : le notion d'hypertexte32(*) élaborée par Gérard Genette et qui désigne une série d'oeuvres littéraires, reliées entre elles par des liens de parenté ou de filiation et reliées à un modèle commun, dont elles dérivent toutes. Le principe du logiciel Hypercard repose à son tour sur la notion d'hypertexte, qui n'est rien d'autre que la mise en réseau multiple, souple et malléable d'un certain nombre de textes. » Cette rencontre de termes mis en évidence par Alain Giffard et Georges Landow, est signifiante mais les termes ne doivent pas être confondus. Gérard Genette33(*) dans son ouvrage définit cinq catégories de liens implicites ou explicites qui unissent des textes entre eux, réuni autour de la notion de transtextualité : l'intertextualité, la paratextualité, la métatextualité, l'hypertextualité, et enfin l'architextualité . L'intertextualité est selon Gérard Genette réservée à la présence effective d'un ou de plusieurs textes dans un autre texte, qui se manifeste sous la forme de la citation qui est la forme la plus littérale et la plus explicite, du plagiat, littéral mais non avoué, l'allusion moins littérale et moins explicite. Le deuxième type de relation transtextuelle est la paratextualité : elle se définit dans la relation du texte avec le hors texte du livre lui-même. Le troisième type de relation est la métatextualité qui désigne la relation de commentaire qui unit un texte à un autre texte, dont il parle. Il s'agit de la relation critique. Avant de donner la définition de l'hypertextualité, qui est la quatrième relation, la cinquième relation est l'architextualité elle apparaît à ses yeux comme la plus implicite et la plus abstraite car elle renvoie au genre, qui est le plus difficile à définir et des plus variable. Néanmoins malgré la proximité des termes il ne faut peut-être pas confondre une théorie littéraire sur « l'hypertextualité » définie ainsi : « J'ai délibérément différé la mention du quatrième type de transtextualité parce que c'est lui et lui seul qui nous occupera directement ici. C'est donc lui que je rebaptise désormais hypertextualité. J'entends par là toute relation unissant un texte B (que j'appellerai hypertexte) à un texte antérieur A (que j'appellerai, bien sûr, hypotexte) sur lequel il se greffe d'une manière qui n'est pas celle du commentaire (...) Comme on le voit par ces exemples, l'hypertexte est plus couramment considéré comme une oeuvre « proprement littéraire » L'hypertexte est donc un texte supérieur et postérieur à un autre texte qu'il travestit, transforme, réécrit. Le néologisme créé par Gérard Genette n'a rien à voir avec l'hypertexte (du web). Il reste une théorie propre à la littérature qui si nous faisons abstraction de son contexte peut facilement dériver. En effet l'hypertexte d'un point de vue technologique permet la mise en relation des textes entre eux grâce à un lien mais Gérard Genette entendait un principe de mise en relation interne, un principe de réécriture, par exemple le mythe d'OEdipe et d'Antigone tels qu'ils ont été contés par Eschyle qui sont des hypotextes du mythe d'OEdipe repris par Anouilh dans Antigone qui lui est son hypertexte. La littérature se sert des textes de la culture antérieure pour donner sa propre interprétation. Cette confusion vient d'une confusion des termes : en effet Nelson combine l'hypertexte comme une écriture non séquentielle, l'intertextualité comme garantie de la méthode, la littérature au service de l'association. Quand à Bolter, il qualifie d'hypertexte le régime global des relations transtextuelles. Ce rapprochement doit être pris en compte d'un point de vue de la transtextualité et des catégories que Gérard Genette a mis en évidence, dans la mesure ou les théoriciens de la littérature hypertextuelle estiment que la transtextualité est une condition pour pouvoir écrire une oeuvre en hypertexte (W3). Cette jonction de terme est certes à mettre en évidence mais comporte des limites, Alain Giffard insiste tout de même sur le fait que la théorie de la convergence est présentée avec plus ou moins de retenue et qu'elle propose une série de rapprochement : elle présente l'hypertexte et l'hypermédia comme un nouveau stade technique instituant un autre régime de visibilité de l'écrit. Elle fait correspondre les traits spécifiques du nouveau médium et les thèses d'une partie de la critique littéraire (post-structuralisme, déconstruction) ainsi que la non séquentialité, l'écriture fragmentaire entre le mouvement de la littérature contemporaine et la technologie de l'hypertexte. Plus généralement, elle rapproche l'ouverture hypertextuelle et l'idée même de littérature, et de « l'ordre des livres » Cette définition soulève une question dans la mesure où le post-structuralisme et la déconstruction représentent des courants philosophiques et de la critique littéraire. Il existe certes un rapprochement entre la critique littéraire et l'hypertexte mais il est débattu et cette théorie comporte certaines limites. Il nous a néanmoins paru intéressant de le mettre en évidence afin de d'établir le parallèle mais aussi de considérer l'hypertexte comme traduisant un système de pensée différent, qui remet en cause nos modes de pensées traditionnels, car il brise la linéarité de l'écriture, et de la lecture comme herméneutique. Aussi un rapprochement est établi par Pierre Levy qui définit les propriétés de l'hypertexte en fonction de Rhizomes, de Deleuze et Guattari. Deleuze et Guattari s'inscrivent dans cette déconstruction de la pensée et du livre. * 31 André Gervais avec la collaboration de Renald Bérubé, Archives des lettres modernes, n° 269, « petit glossaire des termes en "texte" », Paris-Caen, Lettres modernes Minard, 1998 * 32 la coïncidence a été remarquée par Jean Louis Lebrave, in « de l'avant-texte à l'hypertexte : la fin du texte ? », Ecriture, Informatique, pédagogies, Paris, CNDP, 1990, pp 66-70. * 33 Gérard Genette, Palimpsestes, la littérature au second degré, Paris, Seuil, Points essais, 1982 |
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