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L'Initiative PPTE et la lutte contre la pauvreté au Cameroun: une analyse sociologique

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par Sosthène Hervé MOUAFO NGATOM
Université de Yaoundé 1,Cameroun - DEA 2007
  

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II.3. La politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun : une volonté politique.

L'émergence et la consécration de la politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun ont été rendues possibles par une volonté politique à la fois internationale et nationale.

II.3.1. La politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun : une volonté politique de la communauté internationale

Bien que les Institutions de Bretton Woods aient mis plus de temps pour intégrer la question de la pauvreté dans leurs politiques, la prise de conscience du problème de la pauvreté dans les pays en développement est l'aboutissement d'un long processus de maturation initié dès la fin des années quatre-vingt.Les Nations Unies, et notamment le PNUD, y ont joué un rôle précurseur. Le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE et la Banque mondiale ont accompagné la marche vers la prise de conscience du problème de la pauvreté, ainsi que la consécration de la politique de lutte contre la pauvreté.

En publiant dès 1987 l'ouvrage « L'ajustement à visage humain », l'UNICEF alertait déjà sur les conséquences sociales néfastes des politiques d'ajustement structurel.

Tout au long des années 1990, plusieurs conférences internationales des Nations Unies ont contribué à la prise de conscience du problème de la pauvreté dans le monde. La Communauté internationale a réaffirmé sa volonté de lutter contre la pauvreté lors de ces rencontres. Le Sommet mondial pour le développement humain tenu à Copenhague en 1995, représente sans doute la plus importante de ces conférences. La Déclaration et le Programme d'action ratifiés à l'issue de ce Sommet ont fait de la réduction de la pauvreté une priorité du développement. Les participants ont recommandé l'éradication de la pauvreté dans le monde par des mesures décisives au niveau national et international.

La conférence de Copenhague n'a été qu'un maillon d'une chaîne de conférences qui se sont intéressées de près aux questions soulevées par la pauvreté dans le monde. La conférence sur « L'éducation pour tous » (Jomtien, Thaïlande : 1990), la conférence mondiale sur les droits de l'homme (Vienne, Autriche : 1993), la conférence mondiale sur les femmes (Beijing, Chine : 1995), la conférence sur les établissements humains « Habitat » (Istanbul : 1996), ont été autant d'étapes consacrées au plus haut niveau aux questions de politiques sociales étroitement liées à la lutte contre la pauvreté.

Dans la foulée, l'Assemblée générale des Nations Unies a proclamé 1996 « Année internationale de l'éradication de la pauvreté » et la décennie 1997-2006 « Première décennie des Nations Unies pour l'élimination de la pauvreté ». En 1996 toujours, le Comité au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a mis la pauvreté au centre de ses préoccupations. Ce qui a conduit à la définition des objectifs de développement du millénaire par les Nations en 2000. Le premier de ces huit objectifs propose de diviser par deux la population vivant dans une situation d'extrême pauvreté entre 1990 et 2015.

La Banque mondiale a accompagné ce mouvement de recentrage des politiques de développement sur la question de la pauvreté de manière indirecte et directe. D'abord de manière indirecte avec la mise en place du programme Dimensions sociales de l'ajustement (DSA), en association avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et la Banque Africaine de développement (BAD), pour atténuer les effets négatifs de court terme des réformes sur les populations vulnérables. Puis de manière directe en consacrant en 1990 le Rapport sur le développement dans le monde à la pauvreté. Avec la publication de ce Rapport, suivi d'un second sur le même thème dix ans après, la Banque mondiale a affirmé l'importance qu'elle accordait à la lutte contre la pauvreté. La profusion des recherches sur la pauvreté et la production régulière des documents permettant de cerner les caractéristiques et les déterminants de la pauvreté dans chaque pays, participent des actions déployées par la Banque mondiale pour accompagner la politique de lutte contre la pauvreté dans le monde.

Parmi les actions les plus récentes de la Banque s'inscrivant dans cette même perspective, figure l'Initiative en faveur des pays pauvres et très endettés (IPPTE). Lancée en 1999, cette Initiative dont elle partage la paternité avec le Fonds monétaire international (FMI) place la lutte contre la pauvreté au coeur des politiques de développement.

Tous ces déploiements au niveau international ont contribué à la consécration de la politique de lutte contre la pauvreté dans les pays en développement. Mais la consécration de cette politique au Cameroun, comme dans bien d'autres pays en développement, n'aurait pas été possible sans une volonté politique nationale.

II.3.2. La politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun : une volonté politique nationale.

En plus des déploiements de la Communauté internationale auxquels adhère d'ailleurs le Cameroun, la consécration de la politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun a été favorisée par une volonté politique nationale. Bien que ces déploiements au niveau international se situent au début des années 1990, la période d'après crise économique marque le début des déploiements qui ont favorisé plus tard la consécration de la politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun.

En effet, en réaction contre la crise économique qui a frappé le Cameroun à la fin de la première moitié de la décennie 80, les autorités camerounaises ont formalisé dans le cadre d'un outil documentaire de lutte contre la crise, la Déclaration de stratégies de relance économique (DSRE) (MINFI, 1989). Ce document traduisait aussi bien la prise de conscience de la gravité de la crise que l'impérieuse nécessité de mettre en oeuvre des politiques alternatives devant permettre d'en sortir. Il contenait ce qui a été appelé politique d'ajustement d'origine interne et prenait appui sur trois principes fondamentaux devant commander les différents volets des mesures à mettre en oeuvre à savoir la réduction progressive des contraintes qui entravent l'ouverture générale d'opportunités économiques (mécanismes concurrentiels et efficaces du marché) ; la réorientation du rôle de l'Etat pour en faire un intermédiaire facilitant les opérations du secteur privé et notamment les petites et moyennes entreprises (PME), tout en minimisant son emprise directe sur l'appareil de production et de distribution ; la réorientation des services publics vers des programmes qui améliorent le bien-être et la productivité tout en tenant compte de la dimension sociale de l'ajustement. Sur ce dernier point en effet, les conséquences sociales de la crise avaient enfin rendu nécessaire la mise en place d'une dimension sociale de l'ajustement pour soutenir le secteur social de l'économie, notamment en protégeant les couches de la population les plus vulnérables et en promouvant la participation des plus pauvres au processus de relance économique. Les pouvoirs publics, pour y arriver, ont élaboré et mis en oeuvre cinq programmes d'actions complémentaires dans les secteurs population et santé, éducation et formation, emploi, rôle de la femme et enfin cadre institutionnel.

La volonté politique nationale en ce qui concerne la consécration de la politique de lutte contre la pauvreté s'est également traduite par la quête par les autorités camerounaises des moyens pour combattre la pauvreté. Cette quête effectuée auprès de la Communauté internationale, notamment des Institutions financières internationales (IFI), a eu pour premier aboutissement la politique d'ajustement structurel. Cette politique va recouvrir les Programmes d'ajustement structurel mis en oeuvre par le pays depuis 1988 et concrétisés par les Accords de confirmation signés avec lesdites Institutions. Ainsi, le premier Accord de confirmation d'une durée de 18 mois et d'un montant de 47 milliards de francs CFA est jugé inopérant dès janvier 1990. Le 31 mars 1990, l'Accord est prorogé de 3 mois, mais toujours sans succès. Le second Accord de confirmation d'une durée de 10 mois et d'un montant de 10,2 milliards de francs CFA connaît le même résultat que les précédents. Le troisième Accord de confirmation d'une durée de 16 mois et d'un montant de 66 milliards de francs CFA qui tablait sur les effets positifs de la dévaluation du franc CFA est aussi déclaré inopérant dès juillet 1994. Le quatrième Accord d'une durée de 11 mois et d'un montant de 52,6 milliards de francs CFA est également jugé inopérant en janvier 1996. Mais la révision à la baisse des objectifs de ce programme en juin1996 et la poursuite du programme revu et corrigé ont conditionné la signature avec les IFI d'une Facilité d'ajustement structurel renforcée (FASR), sollicitée par le Cameroun en appui à son programme triennal 1997/1998-1999/2000. La réussite de ce programme adopté en juin 1996 par les pouvoirs publics, sans assistance financière extérieure, leur a valu la signature le 20 août 1997 de ladite FASR d'un montant de l'ordre de 120 milliards décaissés immédiatement.

L'exécution satisfaisante de ce premier programme triennal, suivi de l'élaboration par les autorités camerounaises du Document intérimaire de stratégies de réduction de la pauvreté (DSRP-I), a permis au Cameroun d'atteindre le point de décision de l'Initiative en faveur des pays pauvres et très endettés (IPPTE), le 11 octobre 2000. La mise en oeuvre des actions contenues dans le DSRP-I s'est poursuivie avec un accent particulier sur les mesures d'urgence concernant la réduction de la pauvreté, l'éducation, la santé et la lutte contre le VIH, le renforcement de l'entretien routier et l'appui aux petites et moyennes entreprises (PME), l'audit et l'exécution de l'apurement de la dette intérieure, l'amélioration de la gouvernance et la lutte contre la corruption. Ces initiatives se sont poursuivies dans les autres secteurs et les expériences qui en ont été tirées ont permis l'élaboration par le gouvernement du DSRP final. Depuis lors, les efforts ont été dégagés pour l'élaboration des stratégies sectorielles. A ce titre, des documents sont élaborés respectivement dans les secteurs de l'éducation nationale, de la santé et du développement rural.

Tous ces déploiements au niveau national, notamment de la part des autorités camerounaises, traduisent la volonté politique nationale en ce qui concerne la consécration de la politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun.

La lutte contre la pauvreté est ainsi devenue un fait de société au Cameroun. Elle pose en même temps un problème de changement social.

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