II.3. La politique de lutte contre la pauvreté au
Cameroun : une volonté politique.
L'émergence et la consécration de la politique
de lutte contre la pauvreté au Cameroun ont été rendues
possibles par une volonté politique à la fois internationale et
nationale.
II.3.1. La politique de lutte contre la
pauvreté au Cameroun : une volonté politique de la
communauté internationale
Bien que les Institutions de Bretton Woods aient mis plus de
temps pour intégrer la question de la pauvreté dans leurs
politiques, la prise de conscience du problème de la pauvreté
dans les pays en développement est l'aboutissement d'un long processus
de maturation initié dès la fin des années
quatre-vingt.Les Nations Unies, et notamment le PNUD, y ont joué un
rôle précurseur. Le Comité d'aide au développement
(CAD) de l'OCDE et la Banque mondiale ont accompagné la marche vers la
prise de conscience du problème de la pauvreté, ainsi que la
consécration de la politique de lutte contre la pauvreté.
En publiant dès 1987 l'ouvrage « L'ajustement
à visage humain », l'UNICEF alertait déjà sur
les conséquences sociales néfastes des politiques d'ajustement
structurel.
Tout au long des années 1990, plusieurs
conférences internationales des Nations Unies ont contribué
à la prise de conscience du problème de la pauvreté dans
le monde. La Communauté internationale a réaffirmé sa
volonté de lutter contre la pauvreté lors de ces rencontres. Le
Sommet mondial pour le développement humain tenu à Copenhague en
1995, représente sans doute la plus importante de ces
conférences. La Déclaration et le Programme d'action
ratifiés à l'issue de ce Sommet ont fait de la réduction
de la pauvreté une priorité du développement. Les
participants ont recommandé l'éradication de la pauvreté
dans le monde par des mesures décisives au niveau national et
international.
La conférence de Copenhague n'a été qu'un
maillon d'une chaîne de conférences qui se sont
intéressées de près aux questions soulevées par la
pauvreté dans le monde. La conférence sur «
L'éducation pour tous » (Jomtien, Thaïlande : 1990), la
conférence mondiale sur les droits de l'homme (Vienne, Autriche : 1993),
la conférence mondiale sur les femmes (Beijing, Chine : 1995), la
conférence sur les établissements humains « Habitat »
(Istanbul : 1996), ont été autant d'étapes
consacrées au plus haut niveau aux questions de politiques sociales
étroitement liées à la lutte contre la pauvreté.
Dans la foulée, l'Assemblée
générale des Nations Unies a proclamé 1996 «
Année internationale de l'éradication de la pauvreté
» et la décennie 1997-2006 « Première décennie
des Nations Unies pour l'élimination de la pauvreté ». En
1996 toujours, le Comité au développement (CAD) de l'Organisation
de coopération et de développement économique (OCDE) a mis
la pauvreté au centre de ses préoccupations. Ce qui a conduit
à la définition des objectifs de développement du
millénaire par les Nations en 2000. Le premier de ces huit objectifs
propose de diviser par deux la population vivant dans une situation
d'extrême pauvreté entre 1990 et 2015.
La Banque mondiale a accompagné ce mouvement de
recentrage des politiques de développement sur la question de la
pauvreté de manière indirecte et directe. D'abord de
manière indirecte avec la mise en place du programme Dimensions sociales
de l'ajustement (DSA), en association avec le Programme des Nations Unies pour
le développement (PNUD) et la Banque Africaine de développement
(BAD), pour atténuer les effets négatifs de court terme des
réformes sur les populations vulnérables. Puis de manière
directe en consacrant en 1990 le Rapport sur le développement dans le
monde à la pauvreté. Avec la publication de ce Rapport, suivi
d'un second sur le même thème dix ans après, la Banque
mondiale a affirmé l'importance qu'elle accordait à la lutte
contre la pauvreté. La profusion des recherches sur la pauvreté
et la production régulière des documents permettant de cerner les
caractéristiques et les déterminants de la pauvreté dans
chaque pays, participent des actions déployées par la Banque
mondiale pour accompagner la politique de lutte contre la pauvreté dans
le monde.
Parmi les actions les plus récentes de la Banque
s'inscrivant dans cette même perspective, figure l'Initiative en faveur
des pays pauvres et très endettés (IPPTE). Lancée en 1999,
cette Initiative dont elle partage la paternité avec le Fonds
monétaire international (FMI) place la lutte contre la pauvreté
au coeur des politiques de développement.
Tous ces déploiements au niveau international ont
contribué à la consécration de la politique de lutte
contre la pauvreté dans les pays en développement. Mais la
consécration de cette politique au Cameroun, comme dans bien d'autres
pays en développement, n'aurait pas été possible sans une
volonté politique nationale.
II.3.2. La politique de lutte contre la
pauvreté au Cameroun : une volonté politique
nationale.
En plus des déploiements de la Communauté
internationale auxquels adhère d'ailleurs le Cameroun, la
consécration de la politique de lutte contre la pauvreté au
Cameroun a été favorisée par une volonté politique
nationale. Bien que ces déploiements au niveau international se situent
au début des années 1990, la période d'après crise
économique marque le début des déploiements qui ont
favorisé plus tard la consécration de la politique de lutte
contre la pauvreté au Cameroun.
En effet, en réaction contre la crise économique
qui a frappé le Cameroun à la fin de la première
moitié de la décennie 80, les autorités camerounaises ont
formalisé dans le cadre d'un outil documentaire de lutte contre la
crise, la Déclaration de stratégies de relance économique
(DSRE) (MINFI, 1989). Ce document traduisait aussi bien la prise de conscience
de la gravité de la crise que l'impérieuse
nécessité de mettre en oeuvre des politiques alternatives devant
permettre d'en sortir. Il contenait ce qui a été appelé
politique d'ajustement d'origine interne et prenait appui sur trois principes
fondamentaux devant commander les différents volets des mesures à
mettre en oeuvre à savoir la réduction progressive des
contraintes qui entravent l'ouverture générale
d'opportunités économiques (mécanismes concurrentiels et
efficaces du marché) ; la réorientation du rôle de l'Etat
pour en faire un intermédiaire facilitant les opérations du
secteur privé et notamment les petites et moyennes entreprises (PME),
tout en minimisant son emprise directe sur l'appareil de production et de
distribution ; la réorientation des services publics vers des programmes
qui améliorent le bien-être et la productivité tout en
tenant compte de la dimension sociale de l'ajustement. Sur ce dernier point en
effet, les conséquences sociales de la crise avaient enfin rendu
nécessaire la mise en place d'une dimension sociale de l'ajustement pour
soutenir le secteur social de l'économie, notamment en protégeant
les couches de la population les plus vulnérables et en promouvant la
participation des plus pauvres au processus de relance économique. Les
pouvoirs publics, pour y arriver, ont élaboré et mis en oeuvre
cinq programmes d'actions complémentaires dans les secteurs population
et santé, éducation et formation, emploi, rôle de la femme
et enfin cadre institutionnel.
La volonté politique nationale en ce qui concerne la
consécration de la politique de lutte contre la pauvreté s'est
également traduite par la quête par les autorités
camerounaises des moyens pour combattre la pauvreté. Cette quête
effectuée auprès de la Communauté internationale,
notamment des Institutions financières internationales (IFI), a eu pour
premier aboutissement la politique d'ajustement structurel. Cette politique va
recouvrir les Programmes d'ajustement structurel mis en oeuvre par le pays
depuis 1988 et concrétisés par les Accords de confirmation
signés avec lesdites Institutions. Ainsi, le premier Accord de
confirmation d'une durée de 18 mois et d'un montant de 47 milliards de
francs CFA est jugé inopérant dès janvier 1990. Le 31 mars
1990, l'Accord est prorogé de 3 mois, mais toujours sans succès.
Le second Accord de confirmation d'une durée de 10 mois et d'un montant
de 10,2 milliards de francs CFA connaît le même résultat que
les précédents. Le troisième Accord de confirmation d'une
durée de 16 mois et d'un montant de 66 milliards de francs CFA qui
tablait sur les effets positifs de la dévaluation du franc CFA est aussi
déclaré inopérant dès juillet 1994. Le
quatrième Accord d'une durée de 11 mois et d'un montant de 52,6
milliards de francs CFA est également jugé inopérant en
janvier 1996. Mais la révision à la baisse des objectifs de ce
programme en juin1996 et la poursuite du programme revu et corrigé ont
conditionné la signature avec les IFI d'une Facilité d'ajustement
structurel renforcée (FASR), sollicitée par le Cameroun en appui
à son programme triennal 1997/1998-1999/2000. La réussite de ce
programme adopté en juin 1996 par les pouvoirs publics, sans assistance
financière extérieure, leur a valu la signature le 20 août
1997 de ladite FASR d'un montant de l'ordre de 120 milliards
décaissés immédiatement.
L'exécution satisfaisante de ce premier programme
triennal, suivi de l'élaboration par les autorités camerounaises
du Document intérimaire de stratégies de réduction de la
pauvreté (DSRP-I), a permis au Cameroun d'atteindre le point de
décision de l'Initiative en faveur des pays pauvres et très
endettés (IPPTE), le 11 octobre 2000. La mise en oeuvre des actions
contenues dans le DSRP-I s'est poursuivie avec un accent particulier sur les
mesures d'urgence concernant la réduction de la pauvreté,
l'éducation, la santé et la lutte contre le VIH, le renforcement
de l'entretien routier et l'appui aux petites et moyennes entreprises (PME),
l'audit et l'exécution de l'apurement de la dette intérieure,
l'amélioration de la gouvernance et la lutte contre la corruption. Ces
initiatives se sont poursuivies dans les autres secteurs et les
expériences qui en ont été tirées ont permis
l'élaboration par le gouvernement du DSRP final. Depuis lors, les
efforts ont été dégagés pour l'élaboration
des stratégies sectorielles. A ce titre, des documents sont
élaborés respectivement dans les secteurs de l'éducation
nationale, de la santé et du développement rural.
Tous ces déploiements au niveau national, notamment de
la part des autorités camerounaises, traduisent la volonté
politique nationale en ce qui concerne la consécration de la politique
de lutte contre la pauvreté au Cameroun.
La lutte contre la pauvreté est ainsi devenue un fait
de société au Cameroun. Elle pose en même temps un
problème de changement social.
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