LA
KAFALA OU RECUEIL LEGAL EN DROIT MUSULMAN
SECTION 1 :
LA
KAFALA CONTEXTE HISTORIQUE ET DEFINITION DU TERME
Qui dit adoption dit enfant abandonné. L'abandon a de
tous temps existé, nos mythes fondateurs participent de personnages
solitaires, ceci n'a pas empêché l'humanité - en l'absence
de maîtrise de la procréation - de s'accommoder du sort
réservé aux enfants malvenus, handicapés, fruits
d'inceste, de viol ou d'adultère.
La valeur affective de l'enfant n'a pas toujours
été ce qu'elle est aujourd'hui, un rapide survol historique des
conditions faites à l'enfant illustre de façon éloquente
ce fait.
Paragraphe 1 : la kafala a travers l'histoire des
sociétés pré- islamique
L'enfant malvenu était enterré vivant en Perse,
immolé en offrande à Carthagène, en Grèce le
père pouvait d'un simple signe devant témoins signifier l'abandon
de son nouveau-né, à Rome ce droit était dévolu au
paterfamilias jusqu'à ce que l'Etat romain en quête de soldats
pour ses conquêtes substitua l'esclavage avec possibilité de
libération à l'élimination physique (cf. le cas
d'Octave adopté par César (101 - 44 av. n.e.) et futur empereur
Auguste).
Il a fallu attendre le 6ème siècle (et le code
Justinien (528 - 534) et la loi de 553 pour que l'infanticide et les
transactions sur les enfants esclaves soient sévèrement
punis et l'avènement de l'Islam au 8ème siècle pour
que ces pratiques soient interdites à tout musulman ( le cas de
Zaïed offert comme esclave au prophète qui l'adopta après
l'avoir libéré).
Les premiers hospices pour enfants abandonnés virent le
jour en Europe à partir du 14 ème siècle et c'est
grâce à l'action sans relâche de Saint Vincent de Paul (1581
- 1660) qu'un peu d'humanisme se fit jour dans la société
européenne.
C'est après la seconde guerre mondiale et la
maîtrise progressive de la procréation que la valeur affective de
l'enfant prend un sens. Un projet sur les Droits de l'enfant proposé en
1953, fût mis de côté, la CIDE ne vit le jour qu'en 1989
après des années de débats et de multiples réserves
pour tenir compte de la philosophie des états (qui ne l'ont d'ailleurs
pas tous ratifiée).
L'engagement quasi général de la
communauté mondiale à défendre les Droits de l'enfant et
la promulgation d'une législation pour garantir sa protection où
qu'il se trouve, témoigne de la prise de conscience par les Etats
signataires, des besoins fondamentaux incontestables de l'Enfant.
Après des siècles de stagnation (on a pu parler
de période de glaciation) en matière de sauvegarde de l'enfant
abandonné, la société occidentale s'est progressivement
dégagée de l'inhibition religieuse rétrograde qui frappait
d'opprobre toute naissance hors mariage et a pu ainsi envisager des solutions
au profit de la mère et de l'enfant.
L'action pour promouvoir un véritable humanisme au
profit des plus démunis, a grandement contribué -pour ce qui
concerne l'adoption- à la définition d'une réglementation
qui tient compte des progrès sociaux, des exigences de la
modernité et du respect de la liberté des femmes.
Le dernier demi siècle, a enregistré les plus
belles pages de l'émancipation de la femme et de l'adoption dans la
société occidentale.
Pour ce qui est de la vie familiale pouvant exister entre un
enfant et un adulte, il s'agit de se demander quelle doit être la nature
de ce lien et notamment si des relations personnelles qui ne sont pas
fondées sur un lien juridique sont susceptibles de constituer une vie
familiale. La place accordée aux relations affectives et sociales,
indépendamment de leur considération par le droit, que la Cour
européenne des droits de l'homme a qualifié de vie familiale dans
certaines hypothèses, est à l'évidence plus ou moins
grande selon les cultures et les sociétés.
La parenté par le sang ne se voit en outre pas accorder
la même importance selon les degrés dans les différents
pays. On peut ainsi penser notamment que les collatéraux (oncles) jouent
dans certains pays un rôle plus grand auprès de l'enfant que dans
d'autres.
Il faudra également rechercher dans quelle mesure la
reconnaissance d'une vie familiale est possible en l'absence de lien de sang.
Cette question se pose particulièrement à propos de l'adoption ou
des autres institutions et notamment la Kafala islamique, qui permettent
d'établir un lien entre un ou des adultes et un enfant qui n'a pas de
lien de sang avec eux. La comparaison des différentes conceptions de ce
type de lien selon les pays paraît particulièrement opportune au
regard du développement de l'adoption internationale et de la mise en
oeuvre des nouvelles dispositions française en la matière.
Il en va tout autrement pour la société
musulmane où le Code de Statut Personnel puise ses règles dans
les interprétations des écritures sacrées des 1ers
siècles de l'Islam.
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