La garantie des droits fondamentaux au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Zbigniew Paul DIME LI NLEP Université Abomey-Calavi, Bénin - DEA en Droit international des Droits de l'Homme 2004 |
B.- Les contraintes structurelles et conjoncturelles à l'action des organisations de la société civile camerounaiseCes contraintes s'entendent pour l'essentiel du manque de ressources en matériel et en personnel dont se plaignent bon nombre d'organisations de la société civile camerounaise, et des contraintes nées sur le terrain de la protection des droits dans l'Etat. Les ONG et associations de la société civile accusent souvent une carence relativement au nombre de personnes utiles aux opérations de promotion et de protection des droits fondamentaux et à la formation même de ces personnes. Le manque de ressources financières est généralement visible, surtout pour les organisations qui ne sont pas des structures représentant des ONG ayant un rayonnement international. Or, comme le souligne à juste titre Mme NDINE MPESSA, « aucune action efficace ne peut être menée sans partenaires et sans moyens financiers »373(*). L'argent est effectivement le nerf de la guerre, surtout sur un terrain aussi sensible que celui de la promotion et de la protection des droits humains. En effet, avec des ressources financières appropriées, les organisations de la société civile peuvent mener des campagnes de sensibilisation et d'éducation des citoyens aux droits fondamentaux et à la démocratie. Elles peuvent de plus mener bon nombre de descentes sur le terrain, dans les campagnes et pas seulement se confiner aux centres urbains de l'Etat camerounais. Un autre aspect important est celui de la formation des membres des organisations aux droits fondamentaux qui peut être prise en compte, car ceux-ci « doivent se former eux-mêmes et acquérir leurs expériences pratiques sur le terrain », ainsi que le constate Mme MOTO ZEH374(*). En effet, les formations de ce type se font généralement hors des Etats africains et ont un coût onéreux qui n'est pas à la portée de tous. « Bénéficier d'une bourse n'est pas toujours évident, que ce soit des bailleurs des fonds internationaux ou des administrations publiques de tutelles », écrit en conclusion cette militante pour la protection des droits humains375(*). Il est alors possible de penser que ce manque de formation d'un personnel déjà insuffisant puisse constituer un véritable obstacle à la promotion et à la protection des droits par les organisations de la société civile. Comment sensibiliser d'autres individus à des aspects de droit que l'on ne maîtrise pas soi-même ? Tel est le problème qui se pose aux membres des organisations de la société civile camerounaise. Pour ce qui est des contraintes rencontrées par les organisations sur le terrain pratique de la protection des droits, elles surviennent surtout du fait des résistances socioculturelles générées par les comportements et usages au sein de la société camerounaise. C'est ainsi, par exemple, que les organisations pour la protection des droits des femmes se heurtent souvent « au poids des systèmes socioculturels qui encouragent le mariage précoce des filles impubères (...) ; les mutilations génitales féminines (...) ; le patriarcat... »376(*). Ces attitudes sont autant de freins à l'activité des ONG en ce sens qu'elles contribuent à entretenir un statu quo dans la société et partant de là, cultivent un esprit réfractaire à l'émancipation et à l'ouverture aux droits fondamentaux. En sus de ce genre d'obstacles, les organisations de la société civile se heurtent aussi à une certaine apathie des citoyens. Ces derniers qui devraient au premier abord être concernés par la problématique de la garantie des droits qui leur sont reconnus, font souvent montre d'un total désintéressement pour les initiatives en rapport avec lesdits droits. Ce qui met en exergue la problématique de leur représentation par les organisations de la société civile camerounaise. C'est ainsi que dans une étude sur ``la connaissance du processus électoral par la population camerounaise'' menée dans les villes de Douala et Bamenda au Cameroun377(*), Mme MENGUE arrive à la conclusion qu'un tel processus est totalement ignoré par une grande partie de la population de ces deux villes. Les initiatives menées, aussi bien par l'Etat que par les organisations de la société civile, pour les sensibiliser ne rencontrent pas un écho particulier dans ces franges de la population. Il en résulte un enracinement de certaines croyances378(*) qui rendent compte du découragement qui envahit le citoyen camerounais face à la situation politique et économique que connaît l'Etat. Au total, l'activité des organisations de la société civile camerounaise tend pour l'essentiel à apporter aux citoyens une véritable culture et une ouverture aux valeurs de la démocratie et de l'Etat de droit. Mais, elle prête le flanc à un vaste ensemble de limites qui rendent compte de l'absence d'un rôle véritable de protection des droits par ces mécanismes. On en vient alors à reprendre à notre compte une interrogation de M. Janvier ONANA relativement à la société civile camerounaise, qui consiste à se demander si celle-ci ne constitue tout simplement pas une « pure illusion structurelle »379(*). En effet, bien que passablement structurée, l'insuffisance d'actions tangibles peut contribuer à rendre inopérationnelles et inconnues les organisations qui la composent. La société civile ne sera pas, en conséquence, perçue dans l'ordre juridique camerounais comme un véritable mécanisme mis à la disposition du citoyen pour garantir ses droits. Une plus grande implication de ses organisations dans le domaine de la protection des droits fondamentaux serait primordiale, afin que les luttes commencées au début des années 1990 puissent produire les résultats bénéfiques que l'on espérait déjà à cette époque. L'instauration d'un véritable Etat de droit au Cameroun au sein duquel les droits reconnus sont garantis tant par les protecteurs juridictionnels que par ceux non juridictionnels, au rang desquels les mécanismes de la société civile est à ce prix. * 373 D. NDINE MPESSA, ibid., p. 163. * 374 C. MOTO ZEH, ibid., p. 179. * 375 Ibid., p. 179. * 376 D. NDINE MPESSA, ibid., p. 160. * 377 Pour l'ensemble des hypothèses et résultats obtenus relativement à cette étude, se rapporter utilement à M. T. MENGUE, ``La connaissance du processus électoral par la population électorale'', in Cahier africain des droits de l'homme, n° 9, op. cit., pp. 305-341. * 378 Comme celle de penser que ``les forces de l'ordre en période électorale ne servent à rien'', ou que ``le président du bureau de vote sert à assurer la victoire du parti au pouvoir'', ou ``il ne sert à rien de contester les résultats d'une élection, la régularité n'étant jamais rétablie »..., ibid., p. 331. * 379 J. ONANA, ``La déviance politique comme catégorie discursive de construction de la réalité politique en Afrique'', in Cahier africain des droits de l'homme, n° 9, op. cit., p. 97. |
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