II. DIFFERENTES APPROCHES
DES TROUBLES DE L'ATTENTION
Nous ne chercherons pas ici à être exhaustifs sur
la question, bien trop de livres et d'articles ont été
publiés sur le trouble de déficit de l'attention. Aussi nous
contenterons nous de présenter les concepts qui nous ont
été utiles pour notre étude tout en mentionnant rapidement
les divers points de vue existants afin d'enrichir notre propos.
1. L'approche
neurobiologique
Les recherches en biologie moléculaire concernent
actuellement surtout des gènes candidats du système
dopaminergique. Sur le plan biochimique, la notion d'un dysfonctionnement
dopaminergique et noradrénergique est reconnue depuis de nombreuses
années et l'on sait que les traitements médicamenteux actifs
interviennent en stimulant la libération et en inhibant la recapture de
l'une ou l'autre de ces catécholamines. Les hypothèses actuelles
suggèrent l'existence, pour la dopamine, d'une hypoactivité
corticale qui sous-tend les perturbations cognitives et d'une
hyperactivité sous-corticale responsable de l'hyperactivité
motrice. Pour la noradrénaline, une hypoactivité corticale serait
impliquée dans le déficit de mémoire de travail et une
hyperactivité sous-corticale serait responsable de
l'excitabilité.
Au niveau génétique, les études
d'agrégations familiales montrent de manière convergente un
excès d'atteinte chez les apparentés : diagnostic de TDAH
chez 25 % des apparentés du premier degré contre 5 %
dans la population témoin. Les études familiales d'adoption
suggèrent une large part génétique dans la variance
phénotypique du TDAH et font apparaître une
héritabilité de 70 %. Les études de jumeaux
confirment la plus grande concordance chez les monozygotes (66 %) que chez
les dizygotes (28 %).
Elizabeth Sowell et coll (2003) se sont servis de l'IRM
à haute résolution et d'une technique sophistiquée
d'analyse numérique de l'image pour faire une cartographie plus
précise des anomalies de la surface corticale. Les résultats
montrent des anomalies morphologiques au niveau du cortex frontal des patients
TDAH. Des deux côtés, les parties inférieures du cortex
dorso-préfrontal apparaissent de taille réduite. Ce qui veut dire
que les régions contrôlant l'attention sont impliquées dans
le TDAH, mais aussi celles qui organisent le contrôle de l'impulsion.
L'imagerie retrouve l'observation clinique. Chez ces enfants,
l'impulsivité non contrôlée est souvent le symptôme
le plus pénalisant sur le plan clinique.
On peut définir l'attention comme étant un
état du sujet où la sensibilité aux stimuli
déclencheurs des comportements n'est pas analogue. En d'autres termes,
certains stimuli incitent plus facilement une réponse alors que
d'autres ne provoquent que difficilement ou pas du tout de réponses
(Fröhlich, 1987).
Les états d'attention et de concentration sont toujours
accompagnés d'une série de modifications neurophysiologiques
(Colqhoun, 1971). Les déficiences qui s'ensuivent sont des troubles
observés suite à des lésions cérébrales
(Chédru & Geschwind, 1972). Ils apparaissent, tout comme d'autres
déficiences du système nerveux central, suite à une
attaque d'apoplexie, un traumatisme crânien, un abus d'alcool ou une
intoxication chez 80% des patients.
Braun (2000) distingue dans l'attention une hiérarchie
de fonctions. Pour lui, la forme la plus simple et primitive de l'attention est
la vigilance, c'est-à-dire l'attitude qu'a l'organisme de se
réveiller et de le rester, dans un état d'esprit apte à
favoriser la réminiscence d'incidents fortuits. Le deuxième
niveau des fonctions attentionnelles est nommé attention
sélective. Ce type d'activité mentale inclut tout ce que
l'organisme fait pour sélectionner et manipuler activement dans l'esprit
les stimuli environnants (incluant ceux générés
par l'esprit du sujet lui-même).
Finalement, Braun distingue un domaine attentionnel de haut
niveau qu'il dénomme la concentration. La neuropsychologie du syndrome
d'hyperactivité avec déficit attentionnel s'aligne principalement
sur trois hypothèses : une atteinte de l'axe fronto-strié, une
dysfonction plus marquée de l'hémisphère droit que du
gauche et un déficit noradrénergique.
L'attention partagée est définie comme
étant la capacité cognitive de traiter conjointement des sources
multiples d'informations. Elle impose donc un traitement parallèle de
plusieurs types d'informations. Il semble qu'il soit difficile d'établir
les relations qui existent entre les mécanismes impliqués dans
l'attention et l'architecture cérébrale (Corbetta & al,
1990). Toutefois, nous arrivons à distinguer plusieurs
sous-systèmes interconnectés. Un des premiers
sous-systèmes ferait intervenir la formation réticulée
ainsi que ses prolongements dans les noyaux thalamiques et les projections
corticales frontales de l'hémisphère droit. Un deuxième
ferait participer les colliculi, le thalamus ainsi que le lobe
pariétal postérieur (Caramazza & Hillis, 1990). Les
lésions de ces aires entraîneraient des troubles attentionnels
plus au moins graves selon l'étendue de la lésion.
Les troubles de l'attention partagée peuvent survenir
aussi bien suite à des lésions cérébrales diffuses
en raison par exemple d'une intoxication, ou d'un abus d'alcool,
qu'après des lésions focales au niveau des lobes frontal et
pariétal de l'hémisphère droit.
Le développement de l'attention dirigée et
sélective, c'est-à-dire les capacités de focalisation et
d'inhibition attentionnelle (Camus, 1996) faisant partie des fonctions
exécutives, progresse avec le développement des lobes frontaux
qui les sous-tend. Ce développement s'effectue de manière
continue mais avec des phases d'accélération intervenant à
cinq tranches tâches différentes : de la naissance à
cinq ans, de sept à neuf ans, de 11 à 13 ans, de 14 à 16
ans et de 18 à 20 ans (Hudspeth, 1985). Ces phases de croissance
résultent d'une augmentation soudaine de la capacité neuronale
d'un sous-ensemble de connexions du lobe frontal.
Utilisant les anormalités biochimiques concernant la
dopamine, de récentes recherches (Barkley & Lanser, 2001) laissent
espérer pour bientôt un test médical permettant de
diagnostiquer la maladie. En comparaison avec des personnes qui ne sont pas
atteintes, celles souffrant du TDA ont un surplus d'une protéine qui
transporte la dopamine. Le test utiliserait Altropane, un agent radioactif qui
se lie aux protéines qui transportent la dopamine et les rend visibles
en imagerie.
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