Protection Juridique du personel Humanitaire en Situation de conflit armépar Nicole TCHOMTCHOUA TAGNE Université Catholique d'Afrique Centrale - Master 2004 |
Paragraphe II- L'émergence de nouveaux acteurs aux conflitsLe schéma classique que l'on a toujours eu des parties à un conflit est généralement une guerre mettant aux prises des armées régulières de deux ou plusieurs Etats. Mais de plus en plus avec la nouvelle donne des conflits tels que ceux observables en Afrique, le tableau est tout autre. Les acteurs au conflit aujourd'hui sont des factions armées aux logiques d'actions assez étranges et bien différentes des pratiques ordinaires de combat. De manière générale ces factions ont très souvent des objectifs autres que ceux des gouvernants. Ne visant pas forcement la conquête du pouvoir, leur but est soit de se faire entendre ou, alors de mettre fin à une situation qu'ils jugent anormale. A- Le défaut de sensibilisation au DIH et aux DH Le phénomène milicien met en présence des groupes de personnes qui ignorent les principes fondamentaux d'un conflit armé à savoir le fait que les populations civiles ne doivent en aucun cas faire l'objet d'une attaque. Les réalités du Sud Soudan et du Rwanda sont en même de nous donner un aperçu du profil de ces acteurs. Ce sont des jeunes gens qui ont été enlevés de leurs familles pour servir de « chair à canon118(*) ». Ceux ci avant de rentrer dans les milices ont été violentés, violés, drogués, victimes de sévisses sexuels et poussés à la haine et au désir de vengeance. En 1998 en RDC, le Président KABILA avait jeté son dévolu sur des jeunes enfants désoeuvrés qu'on appelait kadogo (petits enfants). Manipulés par les coéquipiers de la rébellion de ce dernier, ces pauvres enfants sont rentrés dans des milices. Ces délinquants avaient des pratiques assez traumatisantes consistant à « effacer » tous ceux qu'on leur présentait comme étant des ennemis, détruisant ainsi tout sur leur passage. La cruauté de ces miliciens se manifeste à travers la perversité avec laquelle ils traitent les corps des victimes qu'ils tuent. Dépeçages, retranchements des organes génitaux, et autres pratiques sadiques. C'est des guerriers sans foi ni loi qui se livrent à des actes de barbarie déstabilisants résultant souvent de certains rites d'initiation car selon le CICR : « certaines tribus en Afrique seraient purement guerrières et considèreraient que tuer est une forme de bravoure. »119(*) Le respect de la personne humaine n'est aucunement un souci pour ces derniers et pire encore le respect de ceux-là mêmes qui viennent soulager les souffrances qu'ils causent. Ils violent, kidnappent les agents des organisations humanitaires, détournent l'aide humanitaire, ils sont plus des malfaiteurs que des parties à un combat. Ces jeunes enfants compte tenu des circonstances dans lesquelles ils sont recrutés, n'ont aucune connaissance des notions de droits de l'homme et droit international humanitaire cette méconnaissance est d'autant plus vrai qu'il a été constaté que : « (...) de nombreux belligérants dans le monde de l'après guerre froide n'ont jamais entendu parler des conventions de Genève, ne connaissent pas le CICR ni les emblèmes de la croix rouge et du croissant rouge, ou considèrent la mort et la souffrance des civils comme des moyens d'atteindre leurs objectifs personnels et politiques »120(*). Pour ces derniers la guerre consiste à tuer tous ceux qui à priori ont une divergence ethnique, religieuse ou alors raciale. Le fait qu'ils n'aient reçu de formation sur les règles devant régir un conflit armé les amène à criminaliser la guerre. Ces groupes armés sans idéologie ont leurs propres logiques de guerre qui ne s'apparentent aucunement aux logiques et règles de guerre telles qu'enseignées aux membres des armées régulières. B- Les conditions de vie misérable Ces jeunes enfants recrutés dans la rue sont généralement issus de familles très pauvres. Ce sont des personnes qui cohabitent au quotidien avec la misère et dès lors sont près à tout pour sortir de ces conditions de vie. Alors, pour le moindre sou, ils se livrent à toutes sortes d'opérations criminelles. Dès lors, les populations civiles en général et le personnel humanitaire en particulier en paie les frais. Pillages, grand banditisme, kidnapping, viol et tout autres pratiques illicites sont pour eux des moyens légitimes de combat pour pouvoir atteindre leur but. En outre, la logistique des missions d'aides humanitaires fait de ces derniers des cibles légitimes121(*) aux yeux des milices. Roulant dans de grosses voitures et équipés de matériels sophistiqués de communication (radio émetteur et autres), les agents humanitaires sont perçus par les miliciens africains comme des riches. Tout ce tableau fait en sorte que ces groupes armés, vivant dans des conditions précaires, ne peuvent pas manquer de s'en prendre à eux (humanitaires) pour s'accaparer de leurs biens. De fait, ces milices identifient de plus en plus les humanitaires au monde occidental riche ; ce qui contribue à la multiplication des enlèvements de ces derniers. En effet, les miliciens organisent des kidnappings de ces agents humanitaires parce qu'ils espèrent obtenir en contrepartie des rançons leur permettant de s'équiper en armement pour poursuivre les combats. Faute de moyens, ces derniers se transforment en véritables prédateurs afin de s'approvisionner car ils ne disposent pas souvent des moyens (alimentaires) nécessaires pour mener à bien le conflit, sauf exceptionnellement lorsque ces milices sont soutenues par une puissance étrangère, et comme l'a si bien dit François BUIGNON : «l'économie de guerre devient l'économie de prédation »122(*)en ce sens que les objectifs politiques de la lutte cèdent la place aux crimes et pillages. Mais de manière générale, le constat dans la pratique montre que ces individus sont issus des couches sociales aux conditions de vie très précaires, Ce qui justifie en partie cet acharnement sur la personne des agents humanitaires. Mais il faut relever que ces missions humanitaires ont une part de responsabilité sur le délabrement de leurs conditions sécuritaires ; responsabilité découlant très souvent des attitudes suspectes qu'ils peuvent avoir sur le terrain. * 118 M. A. PEROUSSE DE MONTCLOS. L'aide humanitaire, aide à la guerre ?édition complexe paris, 2001, p.125 * 119 M.J. DOMESTICI-MET, « Cent ans après la Haye, cinquante ans après Genève : le droit international humanitaire au temps de la guerre civile », in RICR n°834, juin 1999, pp.277-301. * 120 D. P. FORSYTHE, « Le comité international de la croix rouge et l'assistance humanitaire : analyse d'une politique », in RICR n°821, septembre octobre 1996, pp. 553-554. * 121P. DE MONTCLOS op. Cit. , p.127. * 122 F.BOUIGNON, « Le droit international humanitaire à l'épreuve des conflits de notre temps », in RICR n°835, septembre 1999, pp.487-498. |
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