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Protection Juridique du personel Humanitaire en Situation de conflit armé


par Nicole TCHOMTCHOUA TAGNE
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master 2004
  

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Paragraphe I- La sanctuarisation des théâtres d'opérations humanitaires

Les humanitaires sur le terrain accomplissent à l'égard des populations un travail remarquable qui coûte la vie à beaucoup d'entre eux. La sanctuarisation des théâtres d'opérations humanitaires consiste en la création des espaces encore appelés « zones ou couloirs humanitaires » qui permettent aux acteurs d'agir avec un minimum de sécurité et dans le respect des principes humanitaires (A). Cependant ces couloirs humanitaires ne garantissent pas toujours la sécurité des humanitaires (B).

A-La créations des zones humanitaires

Considérés comme une modalité de protection, ces couloirs humanitaires ont été crées par l'Assemblée Générale de l'ONU par la Résolution 45/100 adoptée le 14 décembre 1990, repris par la suite par de nombreuses Résolution du Conseil de Sécurité54(*). Ces couloirs sont en principe à l'abri de tout objectif militaire. De manière pratique, ils sont mis sur pied en vue de soustraire les populations civiles des dangers liés à la guerre. Ils garantissent un surcroît de sécurité au personnel humanitaire dans la mesure où ceux ci y exercent leurs missions humanitaires en principe à l'abri de toute attaque armée. Ces espaces délimités et protégés par des forces militaires en vue de permettre aux missions d'aide humanitaire d'être à l'abri de ciblage, de pillage ou de viol sont de véritables « zones franches humanitaires ».

Cependant, il faut relever que les couloirs humanitaires soulèvent paradoxalement dans la pratique un certain nombre de problèmes liés aux questions d'ordre sécuritaire.

B - Le paradoxe des zones humanitaires

Les zones humanitaires au lieu de servir de couloirs de sécurité sont de plus en plus considérées aujourd'hui comme des couloirs de morts. Cela a été constaté à GOMA, au KIVU. Ces zones ne garantissent pas toujours la sécurité escomptée des humanitaires. En effet, il a été constaté que l'assistance humanitaire apportée dans ces camps permettait aux différents belligérants de pouvoir se reconstruire et de renforcer l'emprise de leur pouvoir sur les civils. Ce fut le cas au Rwanda où, les militaires ont harcelé humanitaires et populations à l'intérieur de ces zones55(*). Il a été reproché aux ONG humanitaires de porter une part de responsabilité dans le génocide rwandais en ce sens qu'au nom de l'assistance humanitaire elles ont contribué directement à alimenter un appareil criminel offensif56(*).

Les réalités sur le terrain ont montré que les zones humanitaires abritaient à la fois les victimes de la guerre et leurs bourreaux. Les cas de la RDC et du RWANDA suscités sont des exemples assez illustratifs de la question. Au Rwanda en 1994, parmi les civils qui vivaient dans les camps humanitaires se trouvaient à la fois les instigateurs du génocide, les différents groupes armés, les milices, la gendarmerie et la garde présidentielle qui avaient perpétré des tueries. Alors, au nom du principe de non- la discrimination et d'humanité, le personnel humanitaire apportait de l'aide aussi bien à ces criminels de guerre qu'aux victimes du conflit. Aussi paradoxal et choquant que cela puisse paraître, les humanitaires se sont retrouvés en train de participer finalement au conflit. Les zones humanitaires au Rwanda étaient devenues des zones stratégiques où s'organisaient représailles et trafics de divers ordres par des factions armées. Ce fut également le cas de l'opération « turquoise » qui a précédé à la création des zones dites « zones humanitaires sûres » au sein desquelles se sont poursuivis les massacres des tutsis57(*).

De part sa nature et ses principes, l'assistance humanitaire certes se doit d'être impartiale et non discriminante. Mais il serait tout à fait compréhensible de transcender ces principes lorsque cette assistance est apportée aux milices qui commettent des tueries.

En effet, le coté pervers de ces zones humanitaires c'est bien le fait que, ces espaces soient accessibles à tout le monde. Les populations en détresse y ont accès ainsi que ceux là même qui leur causent du tort. Ce qui constitue un grand risque pour les agents humanitaires qui quelques fois y trouvent la mort et sont dès lors obligés d'avoir recours aux forces armées pour assurer la sécurité dans ces lieux.

Les zones humanitaires ont servi grandement au Rwanda de lieu de repos pour les milices ainsi que pour les organisateurs du génocide. Ces derniers se réfugiaient dans les zones en question afin de mieux préparer leurs stratégies de combat. Il était difficile d'établir une distinction entre les réfugiés et les populations civiles que les humanitaires étaient sensés aider.

Sur un plan purement textuel, il est urgent pour la communauté internationale de repenser une forte réglementation en ce qui concerne l'accès à ces zones dites humanitaires, surtout dans un contexte de conflit armé interne. A cet effet, les agents humanitaires à leur tour doivent pouvoir faire la part des choses afin de mettre fin à cette manière indirecte de participer au conflit sous le simple prétexte du principe de non-discrimination qui guide leur mission. Il va falloir user de moyens pouvant permettre de distinguer les civils des porteurs d'armes afin de proscrire l'accès aux zones humanitaires à ces derniers ainsi qu'à tous ceux qui peuvent avoir des liens avec le conflit. La communauté internationale doit tirer de bonnes leçons des cas de Goma et du Bukavu en RDC et au Rwanda où de sérieux trafics se sont déroulés dans les couloirs humanitaires ainsi que des tueries.

Dès lors, il y a nécessité d'initier une réglementation appropriée sur l'accès et la gestion de ces zones humanitaires qui constituent une modalité pratique de protection au même titre que l'accompagnement militaro humanitaire.

Paragraphe -II L'accompagnement militaire de l'assistance humanitaire

La question qu'on peut de prime à bord se poser quand on évoque cette fusion du militaire et de l'humanitaire est de savoir si des professionnels entraînés et formés aux actions de guerre que sont les militaires peuvent être à mesure de mener une action humanitaire ; Ceci dans la mesure où, ces deux logiques sont fondamentalement opposées58(*). Nul ne saurait cependant contester les effets positifs de la fusion militaro humanitaire au service de la préservation de nombreuses vies. Les exemples de l'ex Yougoslavie, du Rwanda et de la Somalie sont assez illustratifs à ce propos. Certaines ONG, lorsqu'elles sont impuissantes devant les violations massives et répétées des droits de l'Homme pendant un conflit, quand le contexte est devenu très dangereux rendant toute action impossible ont souvent fait recours à une telle intervention.

* 54 A l'instar de la Résolution 688 du Conseil de Sécurité adoptée le 05 avril 1994 dans laquelle le C.S demande instamment à l'Irak de permettre un accès des organisations humanitaires à tous ceux qui ont besoin d'assistance dans tout l'Irak.

* 55 R. BRAUMAN  « Les dilemmes de l'action humanitaire dans les camps de réfugiés et les transferts de population » in des choix difficiles op. Cit. , pp 233-256.

* 56 R. BRAUMAN op.cit., p.254.

* 57P.RYFMAN op. cit., p.162.

* 58 M. STUDER, « Le CICR et les relations entre intervention militaire et action humanitaire en situation de conflit armé », in RICR n° 842juin 2001, pp. 367-391.

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