· Avec les « siens d'origine »
Comment les rapports aux siens sont-ils objets de
négociations, de compromis ou d'arrangements selon les individus du
groupe concerné, selon le types de liens entretenus avec chacun d'eux et
selon la nécessité individuelle de partager sa croyance
nouvelle ? Les figures du père et la mère respectivement,
sont différemment mises en jeu. Elle sont les figures
emblématiques du groupe d'origine, quelque soit la
prééminence que leur accordent les individus, tout au moins dans
leur récit de « conversion ».
Le rôle de la maman, chez C2, d'une part, conserve
l'importance nourricière et la dimension de respect à une femme
qui a élevé, seule, huit enfants. Mais, une sorte de
« mépris » à l'égard de sa
capacité à comprendre l'expérience religieuse de son fils,
transparaît dans l'expression de la décision de ne pas lui confier
la conversion à l'islam. L'âge et la bonne volonté de
l'individu maternel sont appelés comme les arguments clefs au silence.
Le cas de ce converti est, d'autre part, exceptionnel, car en effet, il
était marié et père de deux enfants avant de se convertir
à l'islam. Il s'agit donc pour lui d'être aux prises avec ses
ascendants et frères et soeurs, certes, mais avec son épouse et
ses descendants. L'événement est très brutal dans sa vie
d'homme, puisqu'il sait d'avance le type de problèmes, concernant la
notion de prédestination, en particulier, qu'il va affronter en
annonçant à son épouse, qu'il est devenu musulman. Il dit
lui-même qu'un adultère avoué aurait été
moins pénible à accepter par son épouse. Etonnante
comparaison ! La conversion : un adultère ? Oui, la
conversion à l'islam est souvent perçu comme un acte de
tromperie, de traîtrise et emprunt de mensonges. La conviction de C2 est
si forte, son besoin religieux est prédominant sur tous les autres
besoins existentiels. Est-ce d'autant plus fort qu'il était
dépourvu d'une éducation religieuse quelconque et issu d'un monde
ouvrier communiste ?
Pour C3, la figure de la mère apparaît dans le
récit comme l'interlocuteur intermédiaire avec le père.
Pour sa part, les relations avec sa famille se sont dégradées,
à cause du parcours socioculturel et à cause de l'intervention
d'une de ses belles-soeurs et de son frère.
Pour C7, aucun problème ne se pose avec la famille,
d'autant plus qu'aux yeux des musulmans sociologiques il aurait accompli un
« retour » à l'islam plus qu'une
« conversion ».
b. L'intersubjectivité relativement à la
croyance
Autant le « moment » de l'émergence
de la croyance en termes islamique implique une forme de prise de conscience de
soi, distincte de ce qu'elle était avant la conversion, autant ce
« moment » marque également
l'intersubjectivité de l'individu converti à l'islam. Ces
nouveaux rapports au collectif s'établissent sur trois niveaux, ceux
qui s'élaborent de facto et effectivement, avec la
communauté des musulmans tant du point de vue de la proximité que
du transnationalisme de cette communauté, ceux qui s'élaborent
implicitement et concrètement avec les autres croyants, et enfin, ceux
que l'individu tendrait à l'élaborer avec l'humanité toute
entière, d'un point de vue spirituel et d'un point de vue plus
séculier. Les rapports avec le groupe d'origine peuvent -ils être
considérés comme impliquant toutes les interrogations et toutes
les certitudes du converti, comme « terrain »
intermédiaire et de la croisée de toutes les
préoccupations du nouveau croyant en islam ? Cette nouvelle
configuration relationnelle , à ce stade, est plus philosophique et de
l'ordre de l'expérience individuelle et intime du religieux islamique.
Les convertis du corpus ont en commun le moment de l'expression de leur foi
islamique et ils se distinguent les uns des autres quant au fait de s'affilier
ou non à un guide spirituel musulman.
|