La naissance des corps
La nature, extériorisée en matière,
s'intériorise en elle-même pour contempler la raison
séminale qu'elle contienne, et la contemplation étant
toujours créatrice, elle engendre le corps de l'univers. Ces corps sont
sujet aux changements venus de l'extérieur, leur
génération, leur écoulement, leur corruption étant
composée d'une forme imposée à la matière. Il faut
que la nature contemple pour engendrer le corps. Cette contemplation est
vague, elle est dirigée vers l'âme supérieure mais reste
à son propre niveau. Et aussi produit-elle l'univers sensible avec
l'immensité des mers, de ses forêts, de ses prairies et toute la
faune qui le peuple. C'est dans le silence que se fait sa contemplation ainsi
que sa création.
Descente des âmes dans le corps.
En plus des âmes qui nous viennent de l'univers, nous
avons alors une autre âme directement issue de la partie
supérieure de l'âme de l'univers. Elle apporte forme et vie dans
la matière, qu'elle constitue comme monde sensible, c'est-à-dire
belle image de l'intelligible, et ultime scintillement de l'Un dans ses images
les plus lointaines, les plus affaiblies. Autrement dit, par elle nous sommes,
nous même. Elle est cause du bien qui est en nous, elle est le peu de
raison qui est en nous et contribue à notre existence. Elle survient
quand le corps est déjà formé. Cette âme divine
s'unit plus étroitement à son corps que l'âme universelle
à l'univers qu'elle a créé. Les âmes
particulières, ne créant pas le corps, descendent dans les
demeures préparés par l'âme universelle, les gouvernent et
doivent les parfaire. L'âme a besoin des corps correspondant à
ses puissances et le corps pour préciser sa forme a besoin de
l'âme.
De toute évidence, le corps est au sens strict le
principe d'isolement de l'âme, c'est-à-dire « une
certaine territorialité matérielle, qui provoque l'âme, la
séduit, et suscite son arrachement à l'intelligible, comme une
territorialité vacante peut s'offrir en silence aux appétits de
pouvoir d'un mercenaire.» Comme tout procède de l'Un, dans
tous les êtres il y a potentiellement tout l'univers, c'est à dire
l'ensemble des déterminations intelligibles. Mais les segments
territoriaux qui constituent la facticité du corps ne permettent
à l'âme d'actualiser qu'une partie arbitrairement
sélectionnée.
Mais une question se pose : pourquoi le multiple a pu
un jour sortit du non multiple et pourquoi la procession a commencé,
les âmes se sont séparées de l'âme unie, et les
intelligibles de l'intelligence, et l'intelligence de l'Un ?
Mystère insondable !
Ce qu'on affirme, ce qu'on peut bien parler de la chute des
âmes. L'âme individuelle une fois asservie du corps, fait siens
les appétits du sensible, n'imite plus l'âme universelle, perd de
vue et s'isole en sympathisant avec les parties inférieures. Elle est
dénaturée et peut s'arrêter d'être humble dans la
pauvreté et orgueilleuse dans la richesse. Alors de cette façon,
elle s'éloigne de plus en plus de l'âme universelle qui est
toujours dans la région supérieure.
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