De l'Etre au sensible
Dans la division de Plotin, chaque être produit une
image de lui-même, donnant forme à l'être de rang
immédiatement inférieure à lui. L'un produit en
l'intelligence une image morcelée de sa puissance. L'intelligence est
à la fois déploiement de l'être et fondement de ce
déploiement. Toutefois, le flux procédant de l'Un ne
s'arrête pas aux intelligibles, les intelligibles existent, et les choses
s'ensuivent nécessairement, parce qu'il n'est pas possible de
s'arrêter seulement aux intelligibles. Le passage de l'Un au multiple de
l'être nécessite une méditation, celle de l'Intelligence
déployante et unifiante. Néanmoins le passage aux êtres
sensibles nécessite l'âme, comme principe de jonction de la
nécessité et la contingence, c'est-à-dire principe capable
de faire advenir la différence entre l'être et l'essence.
L'intelligence en effet ne procède pas, elle ne se
tourne pas hors d'elle-même; elle contemple simplement, parcourant d'un
mouvement éternel le système complet de ses essences internes.
Certes, le tout intelligible qu'elle constitue contient des êtres de tous
les rangs ; ainsi contient-elle par exemple l'idée de l'homme,
c'est-à-dire l'idée d'un animal raisonnable doté de
sensations, ou l'idée de monstre marin à la sensation à
peine éveillée. Mais elle n'assure pas, par exemple
elle-même, l'information de la matière et la participation du
sensible à l'intelligible.
La production du monde matériel
La troisième hypostase produit l'âme universelle,
surabondante. Mais son produit n'est pas un être autonome et ne peut se
tourner vers le générateur pour être fécondé.
Son produit n'est que la partie inférieure, ou la nature. Celle-ci se
remplit de « raison séminale, » sortes
de programmes d'évolution biologique. Une fois dans la matière,
elles deviennent corps vivants. Dans la matière sensible les formes
passent, elle est dépourvue de limite. Et ne possédant pas de
dimension en elle-même, la matière est sans qualité.
Toutes grandeurs comme qualités lui sont surajoutées. La
matière produit le corps en s'unissant aux formes. Ces corps, tandis
que les idées coexistent sans s'exclure, eux, lorsqu'ils se
développent, se combattent, les unes chassent les autres. La nature, en
s'extériorisant, s'éloigne du Bien, de l'intelligence, des formes
et deviennent l'illimité en soi, l'informe en soi, le terme dernier. Et
comme dans la série des choses qui sortent du bien il y a un terme
dernier après lequel rien ne peut être engendré, le mal, la
nature devient ainsi ce terme dernier. A son niveau il n'y a plus de
conversion retournée vers le générateur.
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