L'UN comme principe reproducteur
Un matérialiste fera naître le supérieur
de l'inférieur et l'un du multiple, de la matière. Plotin prend
le contraire, de ce qui est absolument un, découle tout le
reste, la multiplicité. Le multiple ne vient pas du
multiple, mais du non multiple et si celui-ci est encore multiple, c'est n'est
pas lui qui est principe mais autre chose avant lui. De même
l'être qui a produit le monde sensible n'est pas lui-même un monde
sensible mais une intelligence ou un monde intelligible. Ce qui a
engendré ce dernier n'est pas une intelligence ni un monde intelligible
mais une chose plus simple que l'une et l'autre. Il faut donc chercher l'UN
ineffable, étranger à toute multiplicité.
Il y a une sorte de hiérarchie où l'on
découvre un principe de tout, en tête, un Un. On aura à
comprendre pour expliquer cette production que dès qu'un être
arrive à son point de perfection, il doit engendre. En tant qu'il est
parfait, l'un surabonde. Cette surabondance ne signifie aucunement qu'il se
tourne vers l'être extérieur à lui, mais qu'il se tient en
lui-même, et que le fait de se tenir en lui-même produit le
développement des puissances qu'il contient. Cette surabondance
productrice a deux caractéristiques : d'une part elle est
passage de l'informe à la succession des formes ; d'autre part,
elle est illumination, c'est-à-dire projection d'une image, ou d'une
suite ordonnée d'image de l'Un jusqu'aux confins de la matière.
C'est ce phénomène qui fait que l'Un soit compris comme
principe producteur.
La production de l'intelligence
En surabondant, l'un produit une intelligence, un
indéterminée. La première qu'il engendre est
appelée matière intelligible. S'étant écarter de
son producteur et vu son désir vague, elle s'arrête et tourne vers
l'Un, celui-ci l'achève et en fait une intelligence. L'intelligence
produite reste une et multiple. C'est cette multiplicité des
idées intelligibles qui fait penser l'intelligible.
La production de l'âme
L'âme est produite par l'intelligence. Venant juste
après l'Un, l'intelligence est semblable à lui. Elle produit
comme lui avec sa puissance. Cette « grande
âme », qu'on nomme âme universelle renferme une
multiplicité d'âmes particulières. Mais l'âme,
à son tour ne produira pas comme le fait son générateur
l'intelligence. Celui-ci, pour produire demeure immobile et fixe son
regard sur l'Un. « Mais l'âme se meut, en tournant vers
l'être d'où elle vient, elle est fécondée, et en
avançant d'un mouvement différent et de sens inverse, elle
engendre une image d'elle-même.» Son mouvement est comme une
altérité perpétuelle qui consiste à cesser son
devenir pour un autre état.
Cette âme à un double aspect : elle est la
dernière de raison intelligible dans le monde intelligible, mais la
première de celle qui sont dans l'univers sensible. Elle est
placée aux extrémités des êtres intelligibles et aux
confins de nature sensible.
En plus, l'âme est définie comme une puissance
médiane, dont la fonction est d'informer la matière :
« comme la parole exprimée est l'image du verbe
intérieur à l'âme, ainsi elle est le verbe de
l'intelligence et l'activité selon laquelle l'Intelligence émet
la vie pour faire subsister les autres êtres ». Elle a
pour rôle de raisonner : « raisonner est la
fonction non pas de l'Intelligence, mais de l'âme dont l'acte se divise
dans une nature divisible ». Raisonner signifie arraisonner le
réel, dirait Heidegger.
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