La diversité et sa gestion dans un comité local d'ATTAC.( Télécharger le fichier original )par Jean Engel Université Paris 1 - Sorbonne - Dea Sociologie Politique 2004 |
Initiative des militantsUn des facteurs les plus intéressants car les plus originaux d'une association comme ATTAC et, tout spécialement de ses comités locaux, est l'initiative centrale du militant. En effet, ATTAC attend beaucoup de ses militants. Puisqu'elle refuse de se doter d'instances centralisées ou limitent leurs prérogatives, et que celles-ci ont davantage un rôle régulateur qu'un rôle d'initiative dans l'association, c'est des membres que doivent venir les propositions d'actions. ATTAC n'apparaît alors pas comme une organisation dont la politique et les priorités seraient définies par des instances dirigeantes et où le rôle du militant serait d'appliquer, mais comme un lieu de coopération d'individus divers cherchant un cadre pour se mobiliser. A ATTAC-Strasbourg, les actions sont effectivement impulsées par les militants. Ceci permet aux militants d'agir selon leurs envies, leurs intérêts particuliers, les thèmes qui leur tiennent à coeur et de choisir la façon de s'engager qui leur correspond le mieux. Si un ou plusieurs d'entre eux ont une idée et souhaitent la mettre en pratique, ils la proposent en AG et la mettent en oeuvre. Il est très rare qu'une proposition d'action soit refusée, cela n'étant arrivé qu'une fois. La soumission au groupe est plus une étape de principe, bien qu'elle soit inscrite dans le règlement intérieur : « Et puis l'opportunité effectivement de création d'un groupe, ben ouais, c'est discuté par tout le monde, quoi. Parce que sinon, on peut faire un groupe sur la couleur du ciel ou je sais pas... C'est important que tout le monde puisse décider même si les choses à priori, on les a discutées entre nous, comme ça avant. Je crois pas que ce soit arrivé qu'une création de groupe soit refusée, quoi. Puisqu'on ne fonctionne pas de manière pyramidale, on essaye de pas fonctionner de manière pyramidale. Les adhérents, s'ils ont envie de faire quelque chose, ils le font. »151(*) Si l'action proposée correspond à la philosophie générale de l'association et est légale, son adoption par l'AG est quasiment acquise. Il est alors possible pour d'autres membres de rejoindre le groupe dont le fonctionnement sera défini ensuite. Un trop fort contrôle des initiatives et des activités de chacun aboutirait à une forte insatisfaction des militants. Le cas s'est d'ailleurs produit et a menacé l'existence de l'association car cela aboutissait à décourager les membres : « Oui, mais ça je trouve que c'est bien ce côté un peu tous azimut comme ça. Et c'est justement ça qu'on a depuis deux-trois mois, depuis que X est plus là pour tout le temps dire « non, ça c'est nul, ça c'est nul, ça c'est pas construit, ça c'est pas dans la ligne du parti ». Parce que du coup, chaque fois que quelqu'un lançait une idée, il était sabré donc au bout d'un moment les gens s'en vont. Si chaque fois qu'ils disent « tiens, on pourrait faire ça », on répond « non, c'est nul, casse-toi », ben ils ont vite compris et ils ne reviennent plus. »152(*) La grande initiative des militants nous paraît clairement lié au caractère local de l'engagement et à l'autonomie des comités locaux : « ... c'est ça qui est intéressant aussi, c'est aussi ça qui m'attire dans ATTAC, c'est qu'en tant que comité local, on a quand même une autonomie, une indépendance certaine. Forcément nos positions sont proches du national, on peut difficilement contredire complètement ce qui est dit par le national, mais par contre au niveau du choix des actions, du choix des thèmes qu'on aborde, on a la liberté totale. Et ça, je trouve ça extrêmement positif et ça fait que les comités locaux ont chacun leur vie propre et chacun leurs thèmes de prédilection et c'est important, quoi. »153(*) Le caractère local de l'engagement permet donc d'augmenter sensiblement le poids du militant. C'est certainement un des plus gros avantages du « penser global, agir local » de l'association. Avant d'aller plus loin, il faut ouvrir une parenthèse pour relativiser nos propos. On pourrait avoir l'impression que tous les militants d'ATTAC sont doués d'une forte initiative et entreprennent des actions de manière autonome. Il faut malheureusement nuancer ce tableau. S'il existe effectivement un certain nombre de militants qui ont des idées et les mettent en oeuvre, une bonne partie des membres de l'association ne fait que suivre, comme dans toute organisation : « J'ai appris que malgré les beaux discours sur la démocratie, « tous égaux », il y aura toujours forcément besoin d'un leader. Ca, on y peut rien. Que le leader aura toujours forcément besoin de cadres sur lesquels s'appuyer. Et qu'il y aura toujours forcément des fidèles qui auront besoin qu'on leur dise quoi faire. Après, ce sont des gens super sympas à côté, qui ont un excellent humour et qui sont adorables. Mais ils sont incapables malgré qu'ils aient 60 ans et 40 ans de militantisme derrière eux, et il y en a à ATTAC, ils seront incapables de prendre des décisions eux-mêmes. »154(*) Le poids des habitudes héritées des engagements passés et la variabilité d'investissement des militants engendrent donc une situation un peu plus contrastée. Tous les militants ne saisissent pas la chance de produire leurs actions. Ils restent cependant libres de participer aux actions de leur choix et de rejoindre un groupe déjà constitué. Ces groupes fonctionnent d'ailleurs de manière autonome.
* 151 Entretien 16. * 152 Entretien 20. * 153 Entretien 15. * 154 Entretien 12. |
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