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La diversité et sa gestion dans un comité local d'ATTAC.

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par Jean Engel
Université Paris 1 - Sorbonne - Dea Sociologie Politique 2004
  

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La recherche d'autonomie par rapport au mouvement

Une des caractéristiques qui nous paraissent bien représenter les logiques d'engagement dans les mouvements altermondialistes est que ces militants ne se laissent pas définir par une organisation politique à laquelle ils participent. Les logiques de sur-engagement, caractéristiques de nombreux militants de ces organisations illustrent bien ce fait. Ces militants construisent leur engagement à travers des participations multiples, affaiblissant leur identification par rapport à une organisation bien définie. La comparaison entre les organisations auxquelles ils participent leur offre un recul accru par rapport au fonctionnement de celles-ci. De plus, de nombreux militants pratiquent des actions autonomes hors-mouvements politiques avant de s'engager ou en parallèle avec leur engagement dans des structures plus définies. En règle générale, les militants ont donc un rapport relativement distant par rapport aux organisations politiques :

« de toutes façons, pour moi, ATTAC c'est un moyen, si ATTAC-strasbourg ça ne me convient plus, je trouverai autre chose. [...] il y a suffisamment de moyens de s'investir et de militer »98(*)

On voit que pour ces militants, le fait de militer n'est pas nécessairement en rapport avec l'appartenance à une organisation fixe ou durable. Le militantisme englobe pour eux toute action politique plus ou moins régulière dans le cadre de luttes sectorielles ou mouvements sociaux éphémères. La force des réseaux interpersonnels dont nous parlions dans la sous-partie précédente est également de nature à « autonomiser » le militant par rapports aux groupements. C'est de plus en plus le militant qui crée son réseau d'appartenance ou de connaissances politiques. La transitivité croissante du militant fait qu'il n'est plus limité par les réseaux de groupements.

De plus, nous constatons qu'un grand nombre de militants ont une vision de leur engagement à long terme et considèrent leurs engagements non comme un aboutissement mais comme des étapes de leur évolution militante. Alors que l'engagement dans les structures politiques traditionnelles pouvaient apparaître comme une fin en soi, un summum, un horizon indépassable de l'action politique, l'engagement actuel est plus critique. Surtout, les militants s'intègrent dans leur analyse politique. Dans l'esprit des militants, à côté de la cause qui est défendue, le souci de leur bien-être dans l'action politique est omniprésent. Ainsi, les militants en viennent à considérer (in situ ou a posteriori) que leurs engagements sont des étapes qui leur permettent d'évoluer en tant qu'homo politicus :

« C'est un carrefour, enfin moi, j'ai toujours vu ça comme un carrefour, c'est-à-dire qu'on vient, on apprend et on repart. On ne reste jamais là-dedans. Ceux qui restent, il y en a quelques-uns, je ne dis pas le contraire,... c'est qu'ils s'y trouvent bien, mais je sais que pour moi, c'est qu'un passage comme pour beaucoup de gens. »

« Mais c'est pas volontaire, tu t'en rends compte après en fait, tu vois après... Voilà, moi, je suis sûr que c'est la même chose pour ceux qui ont fait récemment à Evian... J'ai vu un reportage récemment sur M6, je crois, donc des jeunes etc... mais ces mecs-là, je me dis, dans deux ans, je sais qu'ils ne seront plus. Ca se voit, ça se sent, parce qu'ils auront appris quelque chose, ils auront appris à faire un gros rassemblement etc... mais ça ne les intéressera plus parce qu'ils auront besoin d'autre chose, comme moi j'ai eu besoin de faire autre chose par la suite. » 99(*)

Les militants adoptent donc une vision de l'engagement qui dépasse le cadre de leur engagement dans un mouvement.

L'étude des militants de ce type de mouvements amène donc à remettre en question une définition classique du militantisme, basée sur un engagement aveugle à un mouvement spécifique, engagement total dans son intensité et sa durée. La description d'un engagement « distancié » par Jacques Ion100(*), correspond assez à l'analyse que nous faisons de ce mouvement. En effet, le caractère partiel, non-exclusif et limité dans le temps de l'engagement des militants dans ces mouvements traduit une certaine distance vis-à-vis des organisations.

Cette sous-partie nous a permis de mettre en lumière quelques caractéristiques des militants d'ATTAC-Strasbourg en ce qui concerne leurs attentes vis-à-vis de l'activité militante. Portés sur l'éducation et donc la réflexion ou l'action proprement dite, recherchant un engagement régulier ou, plus fréquemment, un engagement épisodique et adaptable, les militants ont des attentes très différentes de l'activité militante. Le type d'action privilégié varie également beaucoup en fonction de la génération. Seule l'autonomie affichée vis-à-vis du mouvement semble fédérer les membres. On peut alors se demander comment l'association arrive à satisfaire des attentes si différentes.

* 98 Entretien 15.

* 99 Entretien 12.

* 100 Jacques Ion, Op. Cit.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry