Etude linguistique et sociolinguistique de l'argot contenu dans les textes de rap au Sénégal, l' Exemple Du DAar Jpar Mamadou Dramé Université Cheikh Anta Diop de Dakar - DEA 2000 |
I - 3 Définition du rapPhénomène presque récent qui intéresse principalement les jeunes, le mouvement hip-hop est un mode de vie dont la partie émergée , donc la plus visible est le rap. Il inclut la musique et les paroles qui sont l'oeuvre des D.J. mais aussi d'autres disciplines comme la danse (break-dance, smurf, funk...), la peinture (tags, graffitis,...) et enfin une certaine tenue vestimentaire. Le rap est alors considéré comme l'expression d'une révolte, la dénonciation d'un système et des normes sociales jugées trop injustes. Par là, les rappeurs entendent refuser l'étouffement et le bâillonnement et veulent se faire écouter et entendre. Ainsi Ndiouga Adrien Benga explique que cette forme d'art a pour nom hip-hop, deux mots issus du slang signifiant « se défier par la parole, le geste et la peinture »28(*). Maïmouna Diakhaté et Amadou Makhtar Samb,dans une étude à visée pédagogique sur le rap estiment que pour expliquer le mot « rap », il faut remonter à son origine. Ainsi écrivent-ils : « l'étymologie du mot découvre une grande analogie avec l'origine du phénomène ». En effet, « to rap » signifie en anglais américain « frapper à coups rapides et secs » et dans l'acceptation argotique américaine du terme « bavarder sur un support musical rythmique ». Il n'y a pas à trop chercher pour y voir une certaine révolution dans la conception du langage. : « de la communication humaine qui n'est plus une claire communication, mais devient comme le conçoit une certaine poésie un moyen de dire un message en l'enveloppant dans un hermétisme qui, pour être décodé, exige quelque effort du lecteur, du moins de l'auditeur » 29(*) . A ce propos, on peut estimer que « rapper » revient à « débiter, cogner, remettre à sa place » comme le souligne Alioune Badara Dièye qui continue en expliquant que « ce parler répétitif, saccadé est issu de la longue tradition verbale des Africains-Américains, qui, elle, est un héritage des griots Africains »30(*). On voit ainsi comment le rap surgit et s'exprime à travers une « déconstruction-reconstruction » du langage pour exprimer le ras-le bol face à certaines situations vécues dans les ghettos noirs de New York « où le jeune noir vit dans un laisser aller vestimentaire avec une certaine désinvolture dans la démarche, les signes d'une identité qu'il ne cesse de chercher dans une société multiraciale et raciste » 31(*). Déjà, en remontant aux origines et en faisant référence aux pères proclamés du rap que sont les Last Poets, on se rend compte que le fondement de leur discours était celui de l'identité culturelle. Ainsi Alioune Badara Dièye estime que la rage de dire et la dimension sociale et politique que revêt le rap actuellement doivent beaucoup à ces poètes méconnus, les Last Poets. Le lexique et les thèmes des Last poets axés sur la vie du ghetto ont été repris par les premiers rappeurs Américains32(*). Surtout qu'il est possible de souligner que les ghettos américains n'ont jamais été un paradis pour les Noirs, les Chinois, les Irlandais et les Portoricains qui y ont toujours habité. D'où l'amertume et la révolte qui inspirèrent le mouvement hip-hop. C'est ainsi que tout naturellement le rap s'ancre et se développe très facilement dans les pays gagnés par les problèmes économiques et sociaux tels que le chômage, la précarité, la violence urbaine, l'iniquité du système éducatif caractérisé par un échec scolaire massif, le Sida, la drogue, etc. De ce fait, quittant l'Amérique et passant par l'Europe, le rap aboutit en Afrique où il semble être le « credo de la jeunesse, mais d'une jeunesse mécontente et lésée par des régimes politiques, économiques, sociaux, et peut-être littéraires »33(*). Il faut souligner que malgré les influences américaines et françaises, le rap sénégalais a pris le temps de mûrir et de s'émanciper. Ainsi il se différencie de son modèle sur plusieurs points et a fait émerger ce que l'on pourrait appeler le « Senegalese Touch ». * 28 Benga Ndiouga Adrien (1998) :op.cit.p.10-11. * 29 Diakhaté Maïmouna & Samb Amadou Makhtar (1999) : Thématique et stylistique du rap ; Classe de troisième ; Dakar, Ecole Normale supérieure, Mémoire de spécialité. * 30 Dieye Alioune Badara :op.cit.p.9. * 31 Diakhaté Maïmouna & Samb Amadou Makhtar (1999) : op.cit. p 4. * 32 Dieye Alioune Badara :op.cit. p 10. * 33 Diakhaté Maïmouna & Samb Amadou Makhtar (1999) : op.cit. p.5. |
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