WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Etude linguistique et sociolinguistique de l'argot contenu dans les textes de rap au Sénégal, l' Exemple Du DAar J


par Mamadou Dramé
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - DEA 2000
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

I-3 Le « Senegalese Touch »

L'une des premières touches particulières apportées par les rappeurs Sénégalais a été l'introduction des langues nationales à la place de l'anglais ou à côté de l'anglais. Ainsi dans leurs textes cohabitent le français, l'anglais, les langues nationales ou tout simplement africaines. Cette situation est visible (audible) avec Mbacké Dioum dans « sama yaye ». Ensuite il y a eu l'utilisation des instruments de musique africains comme la kora, le tama ou la flûte peule et le tam-tam avec notamment le Positive Black Soul. A titre d'exemple, on peut citer le morceau « Je ne sais pas » ou la flûte joue un rôle primordial dans l'agencement des sonorités. Ce fut une des premières tentatives d'africanisation du rap.

Ensuite l'évolution de la rythmique que l'on cherche à mettre au goût du public a fait apparaître des genres nouveaux tels que le « Rap Mbalax » avec des séquences rap introduites dans la musique mbalax de Youssou Ndour qui a joué en duo avec le Daara J sur le titre « Solidarité » dans l'Album Lii ! ou de Omar Pène en duo avec M.C. Lida dans « Bakar Fagu » dans l'album Nioune Niar. Mais l'expression la plus achevée de ce mélange des genres sera réalisée par le Black Mboloo qui lança en 1998 le titre « Alal » titré de son album Mbidane dou diam.

En plus de l'introduction des langues africaines et des instruments traditionnels africains pour apporter la touche africaine, sans pour autant la rendre exotique, il y a le fait que le rap sénégalais est traversé par des rivalités qui, au lieu de le miner, ont plutôt contribué à l'enrichir et à le développer. Ces tendances se lisent sur plusieurs plans.

Sur le plan du rythme , nous avons déjà souligné la problématique du « Rap Mbalax ». Ce style, bien apprécié des populations, a été décrié par ceux qui se disent les puristes. Ces derniers estiment que cette forme de mélange de genres est indigne d'un vrai rappeur. Ils s'insurgent également contre le rap dit « soft » ou « cool » ou "Yé-Yé ». Cette forme plutôt destinée à l'écoute et à la danse s'oppose au « hardcore ».

Dans le « hardcore », les rappeurs disent qu'ils viennent des quartiers populaires de Dakar qu'ils considèrent comme les ghettos du pays par opposition aux quartiers chics de la capitale et insistent davantage sur le message en négligeant la musique. Dans le hardcore, le rythme est très rapide et ne laisse pas de place aux chants. L'essentiel est que tout soit parole. D'ailleurs, dans les groupes qui font du hardcore, on note l'absence d'un chanteur « soul » puisque ces groupes n'en disposent pas. Ce sont des groupes comme le « Wa B.M .G. » (Bokk Mën Mën Gëstu) 44 ( en rapport avec le quartier d'origine où s'était passé en 1944 le massacre des tirailleurs: Thiaroye), les « Rapadio », un groupe de la Médina composé de trois jeunes (Iba, Bibson et K.T.) qui montent sur scène encagoulés. Ils ont proposé dans leur album Ku Weet Xam Sa Bop de rendre propre le mouvement hip-hop sénégalais en rétablissant le vrai rap (real hip-hop). Ce groupe se caractérise par l'agressivité de ses sonorités et la dureté de ses propos.

Ce qui caractérise le rap hardcore, c'est la violence des textes qui , quelquefois, frise l'indécence. A ce propos, on peut renvoyer à la compilation D Kill Rap de « Fitna Production ». Par contre, d'autres groupes se sont spécialisés dans le « rap cool » à l'image de M.C. Solar en France. Ce sont des groupes tels que l'ex « Sunu Flavor » devenu Sama Flavor après le départ de Doctor Mac, le « Jant Bi », etc. En revanche, il y a des groupes qui jouent sur les deux registres. Ce sont des groupes comme le Positive Black Soul ( avec Didier Awadi, Amadou Barry dit Doug E Tee Et le nouveau venu Baye Souley qui sont considérés comme les doyens du rap sénégalais) et le Daara J (Fadda Freddy, Aladji Man et Ndongo Daara).

Sur le plan de la thématique et de l'expression de la thématique, la distinction s'accentue. Les « rappeurs cool » abordent dans leurs textes les thèmes éternels que sont l'amour, l `amitié et quelquefois prennent des gants quand ils sont dans la dénonciation. Ils cherchent à véhiculer un message positif. C'est cet aspect qui leur est refusé par les « rappeurs hardcore ». Pour eux le hip-hop et plus particulièrement le rap ne joue plus le rôle qui est sien s'il s'inscrit dans cette lancée. Dès lors, ils se posent en défenseurs du real « hip-hop » incarné par des groupes comme le Rapadio ou le Bmg 44. Le « real hip-hop » est expliqué dans l' « intro » de la compilation D Kill Rap. Ils se définissent comme les vrais défenseurs du rap authentique. Alors il faut dénoncer tout ce qui est susceptible d'être dénoncé dans la société. Ainsi la situation sociale, économique, politique, les dérives comportementaux sont passés au crible par ces rappeurs.

Cette distinction entre « rap hardcore » et « rap cool » a fait apparaître la distinction entre »rap social » et « rap lyrique ». Le rap social est associé au rap hardcore ou rap authentique alors que le rap lyrique renvoie au style cool ou « yé-yé ».

La rivalité s'explique par le fait que l'objectif commercial visé n'est pas le même mais dépend du groupe concerné. Généralement, les groupes qui ont une envergure internationale comme le PBS et le Daara J font un rap qui se situe à la frontière entre le soft et le hardcore avec (évidemment) un dosage plus ou moins variable selon le groupe. Ils font ce que l'on appelle le « rap marketing » qui répond plutôt à des exigences commerciales car on cherche à être compétitif sur le plan international. C'est pourquoi Ndiouga Adrien Benga écrit qu' « en dix ans, le rap est devenu une question financière et artistique »34(*).

Les rappeurs hardcore font du rap dit « underground » ( sous-sol sous terre)). Ces derniers ont des ambitions plutôt limitées au Sénégal et n'ont pour la plupart qu'une seule production à l'heure actuelle à leur actif. Ils se veulent les rappeurs les plus proches du peuple et qui, seuls peuvent être leurs véritables porte-parole ou comme le reprend de Césaire les rappeurs du Daara J : « être la bouche de ceux qui n'ont point de bouche ». Les représentants de ce courant sont le Bmg 44, le Rapadio, les Da Brains,etc.

Enfin on peut remarquer la langue utilisée. Les rappeurs de l »underground » utilisent dans leurs textes essentiellement le wolof ou les autres langues nationales tout en essayant de s'exprimer dans la langue des jeunes. Par contre, les « grands » groupes qui font du rap marketing utilisent outre les langues nationales, le français, l'anglais et les langues africaines.

Conclusion

En définitive, on peut souligner que le rap sénégalais s'est scindé en deux groupes regroupant des formations qui se distinguent sur plusieurs points : sur le plan du style qui est soit hardcore soit soft, sur le plan de la thématique qui distingue le rap violent fait de dénonciation et de contestation verbale du rap lyrique un peu plus modéré et qui se veut plus positif. Puis on peut noter le rap commercial qui inclut la question financière et l'envergure nationale ou internationale du groupe qui opposent le rap marketing au rap underground. Enfin sur le plan linguistique, en fonction des publics visés, la langue est une ou multipliée.

* 34 Benga Ndiouga Adrien (1998) :op.cit

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore