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"en aparté"sur Canal Plus : l'invité, le public et le média comme tiers autoritaire dans une émission de conversation

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par Marylène Khouri
Institut Français de Presse Paris II-Assas - Maà®trise d'information et communication 2005
  

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3 - Maïtena Biraben 

Maïtena Biraben est une animatrice considérée comme une valeur montante dans le paysage audiovisuel français. Réputée pour son sens de la répartie et son humour, elle possède aussi une large connaissance des médias, du fait de son expérience - elle a longtemps travaillé pour la télévision suisse romande. Elle venait d'arriver sur Canal plus pour présenter Nous ne sommes pas des anges  une émission diffusée sur la tranche de midi. Cette émission, qui mêle information sur la vie pratique et divertissement peinait à décoller. Le passage dans En aparté est donc l'occasion pour elle de se présenter. Cette prestation a donc évidemment des visées promotionnelles : en souhaitant mettre en valeur la gouaille et la sympathie de son animatrice-vedette, la chaîne veut remonter l'audience de l'émission.

Pour Pascale Clark, l'enjeu est donc double : pour mener un entretien qui a de l'intérêt, elle doit à la fois mettre en valeur ce qui fait la réputation de l'animatrice mais aussi révéler des aspects inédits. En effet, le téléspectateur d' En aparté souhaite découvrir des côtés inattendus de l'invité. En parallèle, elle doit aussi s'imposer : l'entretien se donne parfois des allures de confrontation car les deux femmes sont animatrices et un certain parfum de compétition se fait parfois ressentir.

A l'arrivée de Maïtena dans le studio, Pascale Clark tente une plaisanterie qui tombe à plat « Maïtena Biraben, vous allez ben ? » qu'elle rattrape rapidement, professionnalisme oblige : « C'est le début de l'année, il faut être indulgent ». L'invité émet un alors un petit rire moqueur : elle prend tout de suite une ascendance sur son interviewer. On note que lors de son entrée s'enchaîne une multitude de type de plans et d'angles de prise de vue qui ont pour effet de cerner sa stature et sa prestance et de donner au téléspectateur une vue d'ensemble : plan américain, plan général, plan rapproché, angle en plongée, en contre-plongée. Cependant, pendant les premiers instants, les gros et très gros plans sont exclus. Ce n'est que lors de l'installation sur la chaise du bar que la mise en scène privilégie les plans plus rapprochés. Pendant que l'invité prend le temps de s'installer et de faire quelques remarques sur la collation offerte, l'animatrice en profite pour introduire l'angle de son entretien : « Si vous attaquez l'année pleine de résolutions diététiques, c'est râpé » et de Maïtena Biraben de répondre : « Ce n'est pas mon genre » pour qu'ensuite l'animatrice réplique par un « D'ailleurs, vous l'abordez comment cette année ? ». Les jeunes femmes sont réceptives l'une à l'autre : l'invité sait parfaitement qu'elle est là pour parler d'elle et aide son interlocutrice. Cette dernière recentre la conversation sur le bilan de l'année pour que son invité évoque les difficultés de son émission et non tout de suite « son genre ». Elle aurait pu bien aussi poser comme question « Ah bon, et c'est quoi votre genre ? ». Maïtena Biraben souhaite soutenir sa réputation : « Je suis quelqu'un qui provoque la surprise ». Pascale Clark n'a pas besoin de poser beaucoup de questions : l'invité se dévoile toute seule, se met en valeur, « J'adore quand les gens prennent des risques » (en parlant d'elle), « c'est pas grave, non ? ». Pascale Clark essaie de modérer son enthousiasme : « Non, il y a des choses graves et des choses plus graves, là non ». Elle recentre la conversation sur le parcours en dents de scie de son invité et sur ces moments de creux afin de l'inciter à plus de modestie « Vous êtes du genre « forte exposition » et puis plus rien » « vous n'avez pas travaillé pendant quatre ans ? Rien ? ». A ce moment, on sent l'invité plus fragilisée : elle commence à rechercher la caméra et cette dernière traque cette nervosité par un travelling. Mais elle reprend vite le dessus de l'entretien en cumulant les petites anecdotes qui contribuent à la rendre sympathique 

Maïtena : « J'ai appelé Alain de Greef et vous savez ce que je lui ai dit ?

Pascale : « Non »

Maïtena : « Il m'a dit « pourquoi vous m'appelez ? «  Et je lui ai répondu « parce que vous m'appelez pas ! » (Rires) « (...) Je crois qu'à cette époque, j'étais vraiment inconsciente ! »

Pascale : « Je ne vous crois pas inconsciente »

Maïtena : « À un moment, je l'ai été »

Le retour au document vidéo est l'occasion d'imposer vraiment ce que Pascale Clark veut entendre de son invité : son opinion par rapport au mauvais démarrage de son émission, ses angoisses face à l'échec...ses fragilités en somme. Pour ce, le reportage est orienté : on y voit l'équipe de Nous ne sommes pas des anges confronté aux difficultés d'une émission bancale, qui n'a pas encore pris ses repères. Maïtena Biraben rit nerveusement devant les nombreuses bévues de son émission. Le document se conclut par la jeune femme qui demande sous forme de plaisanterie à Antoine de Caunes : « Mais dites nous comment on fait pour faire une émission-culte parce qu'ici, on rame un peu ! ». Le document s'arrête à ce moment, laissant l'invité face à cet aveu et face à la sentence de Pascale Clark : « Ca se voit lorsque l'on se cherche à la télé... ». L'invité se voit alors dans l'obligation de se justifier : « Vous savez, c'est pas scientifique...C'est une histoire d'alchimie... ». Elle semble oublier un temps qu'elle est face à une animatrice dont l'émission marche. Elle parle du média qui l'embauche, Canal plus, qui est aussi celui de Pascale Clark : on a affaire plus ici à une confrontation et l'invité se voit fragilisé par la position dominante de son interlocutrice. Le débat est houleux : Maïtena Biraben se cherche des excuses et Pascale Clark ne rebondit pas : elle semble un peu se justifier dans le vide : il s'agit sans doute d'une invitation à la modestie de la part de Pascale Clark.

La séquence des diapositives va pacifier un peu la conversation : l'entretien s'oriente vers le parcours et les rencontres de l'invité et cette dernière peut s'exprimer sans avoir peur de se justifier comme ce fut le cas précédemment. La conversation prend un tour un peu plus superficielle : on parle de la blondeur de l'animatrice...mais ce tour superficiel n'est qu'apparent : Pascale Clark veut faire connaître le rapport de son invité sur son narcissisme. Celle-ci veut clairement clamer son indépendance face aux modes. Mais elle le clame un peu trop fort : on a un peu l'impression qu'elle s'en persuade, ou du moins qu'elle veut convaincre le téléspectateur.

Le final me conforte dans l'idée que Maïtena Biraben connaît parfaitement les codes de l'émission (elle dit : « Comme on dit toujours dans cette émission ») et qu'elle les utilise pour se mettre en valeur et promouvoir une certaine image d'elle-même. Alors qu'elle sait qu'est arrivé le moment où elle doit se prendre en photo, elle feint de visiter le studio et d'examiner les livres qui y sont exposés. L'invité sort du studio sous une bande-son d'applaudissements : serait ce un clin d'oeil complice ou moqueur ? C'est au téléspectateur d'interpréter.

La prestation de Maïtena Biraben chez En aparté laisse donc un arrière goût de confrontation, de duel : on découvre une personnalité forte qui correspond à l'idée que l'on peut avoir en visionnant ces émissions mais aussi un côté narcissique et auto-satisfait. On peut aussi imaginer que Pascale Clark ait souhaité mettre en valeur cet aspect en lui bridant la parole lorsqu'elle se mettait un peu trop en avant. Malgré la forte personnalité de son interlocutrice, elle a su conserver son autorité.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci