3 - Maïtena Biraben
Maïtena Biraben est une animatrice
considérée comme une valeur montante dans le paysage audiovisuel
français. Réputée pour son sens de la répartie et
son humour, elle possède aussi une large connaissance des médias,
du fait de son expérience - elle a longtemps travaillé pour la
télévision suisse romande. Elle venait d'arriver sur Canal
plus pour présenter Nous ne sommes pas des anges une
émission diffusée sur la tranche de midi. Cette émission,
qui mêle information sur la vie pratique et divertissement peinait
à décoller. Le passage dans En aparté est donc
l'occasion pour elle de se présenter. Cette prestation a donc
évidemment des visées promotionnelles : en souhaitant mettre
en valeur la gouaille et la sympathie de son animatrice-vedette, la
chaîne veut remonter l'audience de l'émission.
Pour Pascale Clark, l'enjeu est donc double : pour mener
un entretien qui a de l'intérêt, elle doit à la fois mettre
en valeur ce qui fait la réputation de l'animatrice mais aussi
révéler des aspects inédits. En effet, le
téléspectateur d' En aparté souhaite
découvrir des côtés inattendus de l'invité. En
parallèle, elle doit aussi s'imposer : l'entretien se donne parfois
des allures de confrontation car les deux femmes sont animatrices et un certain
parfum de compétition se fait parfois ressentir.
A l'arrivée de Maïtena dans le studio, Pascale
Clark tente une plaisanterie qui tombe à plat
« Maïtena Biraben, vous allez ben ? »
qu'elle rattrape rapidement, professionnalisme oblige :
« C'est le début de l'année, il faut être
indulgent ». L'invité émet un alors un petit rire
moqueur : elle prend tout de suite une ascendance sur son interviewer. On
note que lors de son entrée s'enchaîne une multitude de type de
plans et d'angles de prise de vue qui ont pour effet de cerner sa stature et sa
prestance et de donner au téléspectateur une vue
d'ensemble : plan américain, plan général, plan
rapproché, angle en plongée, en contre-plongée. Cependant,
pendant les premiers instants, les gros et très gros plans sont exclus.
Ce n'est que lors de l'installation sur la chaise du bar que la mise en
scène privilégie les plans plus rapprochés. Pendant que
l'invité prend le temps de s'installer et de faire quelques remarques
sur la collation offerte, l'animatrice en profite pour introduire l'angle de
son entretien : « Si vous attaquez l'année pleine de
résolutions diététiques, c'est
râpé » et de Maïtena Biraben de
répondre : « Ce n'est pas mon genre »
pour qu'ensuite l'animatrice réplique par un « D'ailleurs,
vous l'abordez comment cette année ? ». Les jeunes
femmes sont réceptives l'une à l'autre : l'invité
sait parfaitement qu'elle est là pour parler d'elle et aide son
interlocutrice. Cette dernière recentre la conversation sur le bilan de
l'année pour que son invité évoque les difficultés
de son émission et non tout de suite « son genre ».
Elle aurait pu bien aussi poser comme question « Ah bon, et c'est
quoi votre genre ? ». Maïtena Biraben souhaite
soutenir sa réputation : « Je suis quelqu'un qui
provoque la surprise ». Pascale Clark n'a pas besoin de poser
beaucoup de questions : l'invité se dévoile toute seule, se
met en valeur, « J'adore quand les gens prennent des
risques » (en parlant d'elle), « c'est pas grave,
non ? ». Pascale Clark essaie de modérer son
enthousiasme : « Non, il y a des choses graves et des choses
plus graves, là non ». Elle recentre la conversation sur
le parcours en dents de scie de son invité et sur ces moments de creux
afin de l'inciter à plus de modestie « Vous êtes du
genre « forte exposition » et puis plus rien »
« vous n'avez pas travaillé pendant quatre ans ?
Rien ? ». A ce moment, on sent l'invité plus
fragilisée : elle commence à rechercher la caméra et
cette dernière traque cette nervosité par un travelling. Mais
elle reprend vite le dessus de l'entretien en cumulant les petites anecdotes
qui contribuent à la rendre sympathique
Maïtena : « J'ai appelé
Alain de Greef et vous savez ce que je lui ai dit ?
Pascale : « Non »
Maïtena : « Il m'a dit
« pourquoi vous m'appelez ? « Et je lui ai
répondu « parce que vous m'appelez pas ! »
(Rires) « (...) Je crois qu'à cette époque,
j'étais vraiment inconsciente ! »
Pascale : « Je ne vous crois pas
inconsciente »
Maïtena : « À un moment,
je l'ai été »
Le retour au document vidéo est l'occasion
d'imposer vraiment ce que Pascale Clark veut entendre de son
invité : son opinion par rapport au mauvais démarrage de son
émission, ses angoisses face à l'échec...ses
fragilités en somme. Pour ce, le reportage est orienté : on
y voit l'équipe de Nous ne sommes pas des anges
confronté aux difficultés d'une émission bancale, qui
n'a pas encore pris ses repères. Maïtena Biraben rit nerveusement
devant les nombreuses bévues de son émission. Le document se
conclut par la jeune femme qui demande sous forme de plaisanterie à
Antoine de Caunes : « Mais dites nous comment on fait pour
faire une émission-culte parce qu'ici, on rame un
peu ! ». Le document s'arrête à ce moment,
laissant l'invité face à cet aveu et face à la sentence de
Pascale Clark : « Ca se voit lorsque l'on se cherche
à la télé... ». L'invité se voit
alors dans l'obligation de se justifier : « Vous savez,
c'est pas scientifique...C'est une histoire d'alchimie... ».
Elle semble oublier un temps qu'elle est face à une animatrice dont
l'émission marche. Elle parle du média qui l'embauche, Canal
plus, qui est aussi celui de Pascale Clark : on a affaire plus ici
à une confrontation et l'invité se voit fragilisé par la
position dominante de son interlocutrice. Le débat est houleux :
Maïtena Biraben se cherche des excuses et Pascale Clark ne rebondit
pas : elle semble un peu se justifier dans le vide : il s'agit sans
doute d'une invitation à la modestie de la part de Pascale Clark.
La séquence des diapositives va pacifier un peu la
conversation : l'entretien s'oriente vers le parcours et les rencontres de
l'invité et cette dernière peut s'exprimer sans avoir peur de se
justifier comme ce fut le cas précédemment. La conversation prend
un tour un peu plus superficielle : on parle de la blondeur de
l'animatrice...mais ce tour superficiel n'est qu'apparent : Pascale Clark
veut faire connaître le rapport de son invité sur son narcissisme.
Celle-ci veut clairement clamer son indépendance face aux modes. Mais
elle le clame un peu trop fort : on a un peu l'impression qu'elle s'en
persuade, ou du moins qu'elle veut convaincre le téléspectateur.
Le final me conforte dans l'idée que Maïtena
Biraben connaît parfaitement les codes de l'émission (elle
dit : « Comme on dit toujours dans cette
émission ») et qu'elle les utilise pour se mettre en
valeur et promouvoir une certaine image d'elle-même. Alors qu'elle sait
qu'est arrivé le moment où elle doit se prendre en photo, elle
feint de visiter le studio et d'examiner les livres qui y sont exposés.
L'invité sort du studio sous une bande-son d'applaudissements :
serait ce un clin d'oeil complice ou moqueur ? C'est au
téléspectateur d'interpréter.
La prestation de Maïtena Biraben chez En
aparté laisse donc un arrière goût de confrontation,
de duel : on découvre une personnalité forte qui correspond
à l'idée que l'on peut avoir en visionnant ces émissions
mais aussi un côté narcissique et auto-satisfait. On peut aussi
imaginer que Pascale Clark ait souhaité mettre en valeur cet aspect en
lui bridant la parole lorsqu'elle se mettait un peu trop en avant.
Malgré la forte personnalité de son interlocutrice, elle a su
conserver son autorité.
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