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"en aparté"sur Canal Plus : l'invité, le public et le média comme tiers autoritaire dans une émission de conversation

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par Marylène Khouri
Institut Français de Presse Paris II-Assas - Maà®trise d'information et communication 2005
  

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4 - Charles Berling

 

Du fait qu'il s'agit d'un acteur et de surcroît d'un homme, le rapport ne peut être ici que différent du précédent. D'abord parce qu'il introduit la notion de séduction inhérent au rapport entre les hommes et les femmes. Et ensuite parce que l'invité n'exerce pas la même profession que Pascale Clark : on a peu de chance d'avoir affaire à une confrontation.

Charles Berling a été révélé en 1996 par le film de Patrice Leconte « Ridicule » : acteur français majeur, il n'intéresse pas vraiment les médias : il est assez discret. Il ne s'agit donc pas d'une personnalité à priori « spectaculaire » comme pourrait l'être Maïtena Biraben. Son passage chez En aparté est dû à la promotion d'un film dont il assure le doublage « La marche de l'empereur ». La pression promotionnelle n'est donc pas très élevée. Cette décontraction va mener l'entretien.

Dès le début, Charles Berling donne le ton. Joueur, il imite le ton solennel de l'animatrice mais pénètre timidement dans l'antre du studio. Pascale Clark l'invite à « prendre possession » du bar. Au lieu de s'installer sur le tabouret prévu à cet effet, il prend littéralement possession du bar et se place derrière. L'animatrice d'abord surprise l'invite à rester là où il le désire. Il déguste la collation, ne montre aucun signe visible de gêne, ce que constate l'animatrice : « Mais pourquoi voulez-vous que je soit mal à l'aise ? ». On sent qu'il est habitué aux caméras, mais il ne s'agit pas de la même aisance que Maïtena Biraben. Lui montre bien moins de calcul, ne semble pas vouloir prouver quelque chose. Il répond tranquillement aux questions de l'animatrice, qui concerne surtout la promotion du film. Des images du film sont projetées. L'acteur a choisi de rester debout, soutenant le bar, comme pour dominer le dispositif. L'entretien reste assez en surface : l'animatrice semble respecter la vie privée de Charles Berling et s'en tient au commentaire des images du film. Elle essaie néanmoins d'établir des ponts entre le film et la vie : « Mais ce qui les (les manchots dans « La marche de l'empereur ») fait courir, c'est l'amour, comme dans la vie, non ? ». Elle aborde aussi le rapport de l'homme par rapport à son métier d'acteur. D'ailleurs, la mise en scène a choisi de privilégier des plans où apparaissent à la fois l'acteur et l'image du film. Ensuite, un autre petit film retraçant sa carrière est projeté. Le téléspectateur le regarde en même temps que le regarde Charles Berling. Ce dernier paraît indifférent et s'applique à manger la galette des rois préparée à son intention. Les plans d'ensemble mettent en valeur cette indifférence. Se succèdent des plans où on voit le film et des plans d'ensemble où on voit l'acteur regarder le film en mangeant. A la fin de la projection, l'animatrice conclut par : « Vous ne vous intéressez pas à vous-même... » Mais voyant Charles Berling cherchant à boire, la conversation s'oriente vers des aspects plus prosaïques : où est le frigo, pourquoi les bouteilles n'ont pas de marque...L'animatrice a quelque difficulté à faire parler son hôte, mais réussit finalement, après moult efforts. Ce n'est qu'à la dixième minute qu'elle arrive à lui extirper une réflexion sur le métier d'acteur. Celui-ci avoue finalement : « Bien sûr que je m'intéresse à moi-même, comme tous mes collègues ».

S'ensuit une séquence assez originale, qui fait partie des surprises d' En aparté : l'acteur s'installe devant le rétroprojecteur. Il y apparaît la photographie d'un ami, Marc Thiercelin, qui venait d'abandonner à cette époque le Vendée Globe. Il confie qu'il ne l'a pas appelé depuis son abandon. Pascale Clark lui demande alors de se justifier : on entre alors dans la sphère vraiment intime de la personnalité. Ce n'est plus le ton désinvolte du début. L'animatrice a réservé une surprise à son invité : son ami lui a enregistré un message qu'elle lui fait écouter. Dans ce message, son ami lui avoue qu'il l'a inscrit à une course et qu'il lui écrit un film. Charles Berling est visiblement ému.

L'émission se révèle assez rapide et superficielle mais l'équipe a réussi à extirper de l'émotion. Lors de la séquence musicale, l'acteur se dévoile un peu, parle avec enthousiasme des musiques qu'il affectionne. L'animatrice perd un peu de son contrôle physique car l'acteur se ressert à boire, tarde à choisir sa musique, critique le dispositif...on sent qu'il veut donner l'image d'un électron libre. Devant son cadeau, un coffret « Star Wars », il ne force pas son enthousiasme : « Je ne suis pas fan. »

De la prestation de Charles Berling, nous en retiendrons que celui-ci a dévoilé quelques bribes de sa personnalité : discret et désinvolte, il n'ignore cependant pas le pouvoir de l'image et en joue. Pascale Clark aura eu un peu de mal à conférer de l'intimité à l'entretien : l'acteur s'est tout de même donné en spectacle pour affirmer son indépendance. Il a donné ce qu'il a eu envie de donner. Seul le message de Marc Thiercelin a donné un tout un peu personnel au passage de Charles Berling. Grâce à pouvoir du média, l'émission a livré une émotion à son invité, et donc à son téléspectateur.

L'émission En aparté repose sur les mêmes ressorts que les « émissions de l'intime » de ces deux dernières décennies : elle exploite le désir de voyeurisme du téléspectateur qui répond à la volonté d'exhibitionnisme de l'invité. Dans le cadre de cette émission, le média s'efface -absence de l'animatrice- pour mieux mettre en valeur cette relation dans un souci de « spectacularisation » de l'intime. Cet intimité reste par contre relativement superficielle, l'invité connaissant le principe de l'émission. Pourtant, le média parvient parfois par des stratagèmes originaux à obtenir des parcelles d'intimité qui échappent au contrôle de la représentation de l'invité. L'originalité majeure d'  En aparté par rapport aux autres « émissions de l'intime » est qu'elle concerne les célébrités, plus communément appelés les « people ». Ceux qu'Edgar Morin appelait les « Olympiens » ont acquis une importance dans notre sphère affective et médiatique majeure, qui sera le sujet de notre prochaine partie. Les médias redoublent d'imagination pour établir des liens et des connexions affectives entre le peuple/téléspectateur et l'Olympien/people.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe