La décision financière dans l'entreprise se
compose de trois décisions principales à savoir : la
décision d'investissement, la décision de financement et la
politique de dividende. La décision d'investissement qui est
influencée par les deux autres composants de la décision
financière (la décision de financement et la politique de
dividende) occupe une place centrale dans l'entreprise. Pour maintenir, voir
développer sa prospérité à long terme, l'entreprise
se doit généralement d'investir (M. Cornick et PH. Dardenne,
2000). La plupart des auteurs en gestion financière considèrent
d'ailleurs que les décisions d'investissement constituent les
décisions les plus importantes dans l'entreprise (M. Harris et A. Raviv,
1996, p.1139). Elles permettent en fait aux dirigeants d'influencer la
composition future des actifs de l'entreprise et de peser sur les orientations
stratégiques de celle- ci (E. Segelod, 1995, p.15)1(*). Dès lors, il importe
d'étudier et d'essayer de mieux comprendre le processus dans lequel
l'entreprise prend ces décisions.
G. Charreaux (2001) montre que les thèmes de la
création de la valeur et du développement durable
reçoivent un écho croissant, que se soit dans la grande presse ou
dans la littérature académique alors que celui de
l'investissement semble apparemment délaissé, bien qu'il est au
centre de la création de valeur.
De fait, l'approche dominante de la gouvernance de
l'entreprise, inscrite dans la perspective financière traditionnelle, se
préoccupe principalement de la mesure de la valeur créée
par les sociétés cotées dans une perspective actionnariale
et admet implicitement que le mécanisme fondamental de la
création de valeur réside dans la discipline des dirigeants. Dans
cette vision idyllique, à aucun moment, on ne s'interroge sur l'origine
des projets d'investissement : l'ensemble des projets émerge de
façon exogène et seuls les conflits d'intérêts
opposant les actionnaires aux dirigeant peuvent conduire à une politique
d'investissement sous optimale en raison de l'existence d'une asymétrie
d'information, traitée d'une façon très naïve. Selon
cette perspective, d'ailleurs, la question de l'investissement se résume
à l'évaluation, c'est- à- dire à l'actualisation
d'une chronique de flux anticipés.
Mais, dans la réalité, le choix d'investissement
ne se réduit pas à l'application mécanique d'un
critère d'évaluation. Comme le fait remarquer A.V. Thakor (1993,
p.135) : « les firmes ne réalisent pas toujours
l'ensemble des projets disponibles à VAN
positive ; dans certains cas, elles rationnent leur capital. Les firmes
accordent une grande attention à la façon dont les
décisions d'investissement sont prises (.....). Et la manière
dont le projet est financé a des implications importantes. Cette
préoccupation d'expliquer les décisions d'investissement telles
qu'elles se prennent en réalité ne faisait finalement que rendre
les conclusions établies par Bower dès 19702(*). Or, comme le notent
également et plus récemment M. Harris et A. Raviv (1996, p.1143),
on trouve étonnamment peu de travaux théoriques sur les processus
d'investissement3(*).
De même, Les critères de la décision
d'investissement ne sont pas universels. Des critères adaptés
pour une organisation particulière dans un environnement donné
peuvent se révéler non pertinents dans d'autres types
d'organisation et d'environnement. Au delà des caractères qui
permettent de décrire objectivement ce dernier (par exemple les
règles légales, les réseaux financiers, les accords de
réseaux....), la représentation cognitive, subjective,
que s'en fait le dirigeant conditionnent également le processus
d'investissement (G. Charreaux, 2001).
Un grand nombre des études ont été
effectué dans l'objectif de comparer les pratiques des entreprises en
matière de leur choix d'investissement. Dans ce cadre, M. Cornick et PH.
Dardenne(2000) montrent, dans leur article ayant pour thème
« La décision d'investissement :une comparaison des
pratiques aux Etats- Unis et en Europe », qu'il y a, dans toutes les
grandes entreprises, américaines et européennes, une certaines
standardisation des pratiques d'évaluation qui échappent aux
barrages culturels nationaux. Mais ils découvrent aussi
plusieurs facteurs de différences, démontrant une plus grande
sophistication de l'évaluation menée outre- Atlantique. Les
auteurs montrent aussi que si l'importance accordée par les dirigeants
américains aux critères comptables et financiers est moindre,
il se peut que d'autres critères( en particulier des
critères qualitatifs et non financiers) aient plus de poids dans la
décision d'investissement.
Dans les travaux de gouvernance comparée sur le plan
international (notamment, R. La Porta et ali. 1997b, 1998b), on s'interroge, en
particulier sur le rôle des contraintes légales pour
préserver les investissements des actionnaires. Ainsi R. La Porta et
ali. (1998b) concluent que la meilleure protection est offerte par les pays
anglo- saxons de common law. Inversement, la
protection serait particulièrement 4(*)médiocre dans les pays ayant adopté
le système français, les pays
germaniques et scandinaves se situant dans une position
intermédiaire. On peut cependant prétendre que la protection des
investisseurs repose également sur le respect volontaire des engagements
pris, donc sur les mécanismes de confiance, les relations entre
mécanismes formels et informels pouvant être de
complémentarité ou de substitution. Selon F. Fukuyama (1994), les
mécanismes de confiance joueraient également très
différemment selon les pays, ce qui est corroboré par les
résultats de l'étude de R. La Porta et ali.
(1997c) : les pays dominés par des systèmes
organisationnels religieux à fort pouvoir hiérarchique (le
catholicisme, par exemple) seraient également
défavorisés5(*).
Les cultures nationales ne sont pas sans effet, et sont
d'ailleurs en partie liées aux cultures et aux fonctions principalement
mobilisées dans l'entreprise. Y. Lu et R. Heard (1996) constatent qu'en
Grande Bretagne les financiers jouent un rôle de premier plan dans la
représentation des projets et dans l'évaluation de leur
rentabilité, alors qu'en Chine ce sont les ingénieurs qui sont au
premier plan dans ces parties du processus de décision. D'une
manière générale, les cultures agissent comme filtres
cognitifs et les différences culturelles créent des
difficultés de communication informelle (A. Desreumaux et P.
Romelaer, 2001).
D'où l'originalité de cette recherche est
d'essayer, d'une part, de trouver, parmi les facteurs qualitatifs et non
financiers, des variables culturelles ayant l'influence sur le choix
d'investissement. Et d'autre part, d'analyser la décision de
l'investisseur étranger qui préfère sous l'influence de la
distance culturelle certains pays à d'autres, même si
l'évaluation financière est compatible pour les deux pays.
Sachant que malgré l'existence d'un grand nombre de travaux
théoriques sur la culture et la culture de l'entreprise en tant qu'un
facteur de performance, la décision d'investissement n'était pas
traitée dans sa dimension culturelle.