B La géographie des couleurs :
Le flou d'un concept peut néanmoins se
révéler opératoire et pertinent. C'est le cas ici
lorsqu'on constate combien, pour la population adulte, les résultats
chiffrés évoluent peu dans le temps (les quelques données
que nous ayons pour la fin du 19ème siècle donnent des
chiffres assez voisins de ceux cités ci-dessus) et ne diffèrent
guère dans l'espace. Ce dernier point est à souligner : la
civilisation occidentale fait bloc autour de la couleur bleue (c'est du reste
cette couleur qui emblématique l'Europe sur son drapeau et dans les cinq
anneaux olympiques) et présente en matière de couleur une
homogénéité culturelle remarquable. Partout, en effet, non
seulement en Europe occidentale et en Amérique du Nord, mais aussi en
Australie et en Nouvelle Zélande, c'est le bleu qui est cité en
tête.
Pour l'Amérique du Sud, l'échelle des
réponses obtenues est assez différente de ce que l'on rencontre
en occident proprement dit : au Brésil, le bleu vient en tête
devant le rouge, au Chili et en Argentine, le bleu devant le blanc, au
Pérou, le rouge devant le vert, en Colombie, le jaune devant le bleu.
Les «valeurs» chromatiques européennes sont ici
perturbées par celles d'autres civilisations et présentent
à l'anthropologue des cas riches et complexes d'acculturation
chromatique dans la longue durée.
Pour l'Europe de l'Est, les chiffres manquent ou du moins ne
sont pas disponibles dans les publications occidentales. Il semblerait
cependant que les chiffres soient comparables à ceux de la population
occidentale.
En Asie du Sud, il est très difficile de
catégoriser ainsi les préférences par couleur, chaque
couleur ayant une signification très particulière selon la
situation (culture, traditions orientales souvent opposées aux coutumes
occidentales...).
Au Japon, par exemple, le seul pays non occidental qui
fournisse des chiffres appuyés sur des enquêtes similaires,
l'échelle des couleurs préférées est très
différente : le blanc vient en tête (40%), devant le rouge
(20%) et le noir (10%). Cela pose plusieurs problèmes aux grandes firmes
multinationales japonaises. En matière de publicité par exemple
(affiches, prospectus, images photographiques ou télévisuelles),
elles doivent adopter deux stratégies différentes : l'une
destinée à la consommation intérieure, l'autre à
l'exportation. Certes la couleur n'est pas seule en cause, mais elle constitue
une dimension dont une firme qui veut séduire à l'échelle
de la planète entière ne peut pas ne pas tenir compte. Un exemple
récent l'illustre parfaitement : quelques grandes firmes fabricant
du matériel photographique (Canon, Nikon, Fuji) ont récemment
lancé sur le marché des boîtiers bon marché et en
couleurs (jaune, bleu, rouge) au lieu du noir traditionnel. Ces boîtiers
aux couleurs vives ont rencontré un succès certain en Europe et
aux Etats-Unis mais n'en ont guère rencontré au Japon.
Le cas japonais est intéressant à d'autres
titres. Il souligne combien la couleur est quelque chose qui se définit
et se pratique différemment selon les cultures. Dans la
sensibilité japonaise, en effet, il importe parfois moins de savoir si
on a affaire à du bleu, du rouge ou du jaune que de savoir si l'on est
en présence d'une couleur mate ou d'une couleur brillante. C'est
là un paramètre essentiel. En règle
générale, les Japonais attachent plus d'importance à
l'effet de brillance ou de matité plutôt qu'à la couleur
elle-même. Le rouge est, par exemple, mieux apprécié, car
sa structure renforce l'effet de brillance tandis que le bleu ne permet pas
d'obtenir la même intensité.
Il y a ainsi toutes sortes de blancs, portant des noms
différents (comme dans la plupart des langues esquimaudes) et
s'étageant du mat le plus terne jusqu'au brillant le plus lumineux.
L'oeil occidental, contrairement à l'oeil japonais, n'est pas toujours
capable de les distinguer, et le lexique des langues européennes est
dans la gamme des blancs beaucoup trop pauvre pour pouvoir les nommer. Il est
toutefois un domaine où l'Occident s'est, au cours des dernières
décennies, acculturé à cette articulation mat/brillant si
importante dans la sensibilité japonaise : celui des papiers
photographiques. L'emprise du Japon en ce domaine nous a progressivement
habitués aux différences de matité et de brillance (alors
qu'auparavant, l'oeil occidental était plutôt sensible en
matière de photographie tirée sur papier, aux questions de grain
et de chaleur des tons, et lorsque nous faisons tirer sur papier nos
photographies d'amateurs nous précisons désormais, comme le
Japonais, «papier mat» ou «papier brillant».
Ce qui s'observe au Japon, pays qui par bien des
côtés est déjà fortement occidentalisé, est
encore plus patent pour d'autres cultures asiatiques, africaines ou
océaniennes, pour qui les définitions occidentales de la couleur
n'ont guère ou pas de signification. Dans la plupart des civilisations
d'Afrique noire, par exemple, peu d'importance est attachée à la
frontière qui peut séparer la gamme des tons rouges de celle des
bruns ou des jaunes, voire celle des verts. En revanche, devant une couleur
donnée, il est essentiel de savoir s'il s'agit d'une couleur
sèche ou d'une couleur humide, d'une couleur tendre ou d'une couleur
dure, d'une couleur lisse ou d'une couleur rugueuse, d'une couleur sourde ou
d'une couleur sonore, parfois d'une couleur gaie ou d'une couleur triste. La
couleur n'est pas une chose en soi, encore moins un phénomène
relevant seulement de la vue. Elle est appréhendée de pair avec
d'autres paramètres sensoriels, et de ce fait teintes et nuances (au
sens occidental) ne sont nullement seules en cause. En outre, dans certaines
sociétés d'Afrique centrale, la culture chromatique, la
sensibilité aux couleurs et le vocabulaire qui s'y rattache,
diffèrent selon les sexes. Chez plusieurs ethnies, le lexique des bruns,
extrêmement riche, n'est pas le même pour les hommes et pour les
femmes.
Ces différences entre les sociétés sont
fondamentales. Elles mettent en effet en valeur le caractère fortement
culturel de la perception des couleurs et des faits de nomination qui en
découlent ; elles soulignent le rôle important des
synesthésies et des phénomènes d'association perceptive
concernant les différents sens ; enfin, elles nous invitent
à la prudence en matière d'études comparatistes portant
sur des faits de sensibilité s'inscrivant dans l'espace ou dans la
durée. Un chercheur occidental peut à la rigueur saisir
l'importance des concepts de matière et de brillance tels que les
articule le système des couleurs au Japon. En revanche, ce même
chercheur est plus désorienté par l'univers des couleurs tel que
le vivent les sociétés africaines : qu'est-ce qu'une couleur
humide, une couleur tendre, une couleur gaie ? Et combien y a-t-il
d'autres paramètres définissant la couleur qui lui échappe
totalement ?
Ce qui est vrai de la géographie l'est aussi de la
chronologie. On doit toujours se souvenir que le relativisme culturel
concernant la perception, la nomination et l'utilisation sociale ou symbolique
de la couleur s'inscrit aussi dans le temps, qu'il a aussi une histoire et que
cette histoire est complexe.
VI Symbolique des couleurs :
Outre son aspect physique et psychologique, la couleur
revêt également une dimension symbolique. Celle-ci intervient tant
au niveau de la perception des couleurs par chaque individu, qu'au niveau du
rôle psychique de la couleur sur ce dernier. Dans cette optique, il est
bien reconnu que les couleurs peuvent avoir un rôle considérable
dans la vie de chacun de nous.
Les couleurs nous entourent et agissent sur notre esprit, nos
états d'âme et même notre santé.
Dans les grandes lignes, il convient de retenir :
- le rouge : c'est la couleur chaude
par excellence. Elle est dynamique, brutale, exaltante jusqu'à
l'énervement. C'est la couleur guerrière (le sang), celle de
l'amour vainqueur, elle s'impose sans discrétion. C'est une couleur qui
est souvent préférée des enfants, des
«primitifs». Délicate à manier mais extrêmement
intéressante pour jouer son rôle dans un cadre qui se veut chaud,
saillant, accueillant. C'est la couleur saillante par excellence. Dynamisme,
enthousiasme, ambivalence, impulsivité, contrôle difficile
(barrage, blocage, agressivité). Passion, énergie... plus le
rouge devient foncé, plus il devient grave et digne ; plus il est
clair, plus il exprime la légèreté, la fantaisie,
l'énergie...
- l'orange : c'est encore une couleur
très chaude, intime et accueillante. Moins brutale mais très
vive, son évocation psychologique est tout naturellement le feu, le
soleil, la lumière, la chaleur. C'est une couleur physiologiquement
active : elle est capable de faciliter la digestion ou exprimer un certain
orgueil et faire bon marché.
- Le jaune : lumineux, digne,
évoquant la richesse matérielle comme celle de l'esprit et la
domination, le jaune sera très différent selon qu'il est jaune
d'or, actif ou encore jaune verdâtre, jaune pâle se rapprochant
alors déjà de l'équilibre du vert.
Couleur du soleil, astre valorisant, le jaune est
éclatant et pur.
- Le vert : Il est des nuances bien
diverses de vert : le vert vif, pur est essentiellement équilibrant
sur le plan nerveux. La couleur verte des tables de jeux, des tables de
billards, des draps et des blouses opératoires, des tables de conseils
d'administration, et de certaines lampes de bureaux n'est pas fortuite.
Symbole de paix, d'étendue et d'espérance, le
vert transmet une idée de permissivité et de
sécurité.
- Le bleu : le bleu est la couleur
froide par excellence, c'est aussi la couleur fuyante. Le bleu est calme,
reposant, voire un peu soporifique. Ce sera la couleur de la chambre de repos,
du coin de relaxation. Sa vision généralisée donne une
sensation de fraîcheur, c'est pourquoi on peint en bleu les chambres de
chauffe dans les usines, les centrales ou les navires. Un local bleu
évoque l'espace, l'air, la mer et paraît agrandi. A connotation
religieuse, harmonieuse et unitaire pour les Japonais, il est synonyme
d'immortalité.
VII Conclusion :
La notion de couleur a donc évolué par le biais
des recherches et des preuves scientifiques. Les couleurs ont changé de
connotations idéologiques et symboliques qui conditionnent nos choix et
nos attitudes.
PROBLEMATIQUE ET OBJECTIFS DE L'ETUDE
__________________________________________________
La problématique de ce mémoire indique
l'orientation générale de l'étude.
Les effets de la couleur ont été très
largement étudiés. De nombreuses recherches ont effectivement
interprété l'impact physique et psychologique de la couleur.
Néanmoins, peu de recherches ont été
réalisées sur l'utilisation spécifique des couleurs en
magasin si ce n'est que l'étude sur le packaging ou encore la
publicité.
La communication se réalise quand des symboles sont
échangés entre la source du message ainsi que le receveur du
message.
Même si écrire ou parler sont certainement les
symboles les plus utilisés, d'autres sont employés dans le
même objectif. Le Marketing s'est toujours investi dans ce domaine.
Symboles des mots, des formes, des objets, du son, de l'éclairage
peuvent être utilisés pour produire une signification.
Quelques recherches suggèrent que la couleur et la
saturation chromatique de l'éclairage attirent les clients et produisent
une certaine qualité conceptuelle du magasin et des marchandises.
L'objectif principal de ce mémoire sera de
déterminer quel est réellement le pouvoir
développé par l'éclairage ?
La problématique de décision est de
déterminer l'influence de l'éclairage des produits sur le
comportement d'achat.
Pour réaliser ce mémoire, nous nous appuierons
donc sur deux études effectuées aux Etats-Unis.
En effet, nous reprendrons scrupuleusement l'échelle de
Fischer utilisée pour déterminer la dimension d'animation,
d'évaluation, puis la dimension d'évaluation des marchandises
(qualité et prix) dans l'étude sur l'impact de la couleur en
magasin, réalisée par Crowley. De la même façon,
nous décidons de réutiliser l'échelle tirée du
modèle de Mehrabian et Russell réadaptée par Donavan et
Rossiter évaluant principalement la stimulation ainsi que le plaisir
dans l'article étudiant l'atmosphère de magasin et comportement
d'achat.
La problématique de recherche porte par
conséquent sur les réactions suscitées par la saturation
chromatique et la couleur de l'éclairage, définies
par :
- la dimension d'animation due à
l'environnement général du magasin,
- la dimension d'évaluation,
- L'évaluation des marchandises
présentées dans le magasin (qualité prix),
- la stimulation,
- et enfin le plaisir.
Les objectifs qui découlent de cette
problématique sont explicatifs :
Ils constituent l'objectif principal de cette approche
causale, visant à établir une relation de cause à effet
entre la couleur et la saturation chromatique de l'éclairage et les
dimensions d'évaluation que le consommateur accorde au magasin,
d'animation, de l'évaluation des marchandises, puis la stimulation et le
plaisir qui en découlent. Pour cela, il faut manipuler et
contrôler des causes (variables indépendantes) afin de
vérifier que les effets attendus sont imputables à la
manipulation affectée.
HYPOTHESES ET VARIABLES
_______________________________________________
I Les hypothèses et
variables :
Les hypothèses décomposent chacun des objectifs
en un certain nombre de questions.
Comme nous sommes dans le cadre d'une étude
explicative, nous posons des hypothèses qui introduisent des relations
de causes à effet. Nous allons contrôler les causes, c'est
à dire la couleur et la saturation chromatique de l'éclairage
pour vérifier les effets sur le comportement du consommateur.
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