A Rôle psychologique :
La couleur, celle de la lumière surtout, joue un
rôle psychologique considérable. Ne parlons pas de
caméléons de grenouilles et autres animaux qui manifestent
clairement peur, répulsion, ou leur affinité pour certaines
couleurs ; laissons aussi sous silence les emplois souvent
préconisés de certaines lumières colorées en
thérapeutique.
Il n'est pas douteux toutefois que la lumière rouge,
par exemple, est excitante et l'on connaît bien les faits qui se
manifestèrent jadis dans certaines usines de produits photographiques
où l'on travaillait en lumière rouge, troubles qui disparurent
lorsque la lumière rouge fut remplacée par une lumière
verte.
On cite également des cabines
téléphoniques peintes intérieurement en rouge et qui
attirent, puis repoussent, ce qui a augmenté sensiblement le nombre
d'utilisateurs.
Certains chercheurs, aux Etats-Unis, se sont demandés
si les sensations de chaleur étaient purement physiologiques ou si elles
étaient un effet psychologique dérivant de la réaction
physiologique elle-même des effets métaboliques de production de
chaleur. L'expérimentation a montré clairement qu'aucune
corrélation n'existait entre la sensation de chaleur et la sensation de
la couleur de l'ambiance dans les limites habituelles de confort. La sensation
de froid ou de chaud existe, mais cela hors de toute modification thermique de
l'individu. Lorsque l'on peint en bleu un local, une chaufferie par exemple, on
lui confère une impression de fraîcheur qui est purement
psychologique. De même on a pu vaincre la sensation de froid qui se
manifeste dans les vestiaires, des lavabos, par l'usage rationnel de coloris
chauds.
Les couleurs chaudes possèdent donc un fort potentiel
d'excitation, de larges qualités de stimulation et induisent ainsi un
état enthousiaste (Schaie et Heiss 1964). De plus, sous une
lumière «chaude», les sujets sont visuellement orientés
et en apparence intégrés. En revanche, sous une lumière
«froide», les sujets sont détachés ou
écartés du monde extérieur (Jaensch 1930). D'ailleurs une
étude menée par Babbitt (1978) a démontré que des
patients de caractère violent étant placés dans une
pièce à dominante rouge, devenaient plus agressifs. Par contre,
quand ces mêmes patients sont placés dans une pièce
à dominante bleue, ils deviennent beaucoup plus calmes. Le bleu
paraît donc bien indiqué pour contrôler émotions et
comportement (Schaie et Heiss 1964).
Les psychologues utilisent donc les couleurs de façon
variée. L'application la plus populaire est le test de
personnalité (la pyramide des couleurs). Cette méthode consiste
à associer la couleur préférée des individus avec
leurs traits de personnalité (Schaie et Heiss 1964).
B Rôle physiologique :
Les problèmes physiologiques de la vision des couleurs
sont extrêmement complexes et parfois difficiles à bien
séparer des aspects psychologiques, ou même physiques.
L'adaptation, par exemple, est à placer en bon rang.
Notre oeil s'adapte bien à une couleur monochromatique. Ainsi, dans la
lumière jaune du sodium, l'oeil se trouve avoir une acuité plus
grande. Par contre par manque d'habitude et par l'effort d'accommodation,
l'oeil fatigue davantage au bout d'un certain temps. Ainsi s'expliquent les
anomalies de la lumière jaune et les nombreuses discussions auxquelles
elle a donné lieu. En réalité, on peut dire que la
lumière qui fatigue le moins, à éclairement égal,
est la lumière blanche.
Cependant, dans les lumières composites, l'oeil ne
s'accommode pas, c'est-à-dire ne se met pas au point, exactement et
simultanément sur plusieurs couleurs. Nous parlons ici de l'aberration
chromatique. Celle-ci explique certaines réactions du public devant des
films en couleur où les images paraissaient colorées très
brutalement. Ces couleurs sont naturelles, mais l'oeil n'ayant pas le temps,
comme dans la nature de regarder successivement les diverses plages
colorées, se trouve heurté et choqué parce qu'il ne peut
pas tout accommoder simultanément comme l'esprit le souhaiterait.
Ceci montre bien le rôle pratique fondamental des
observations sur les effets de la couleur dans les lieux de repos ou de
plaisir, de détente ou de travail.
La littérature démontre bien que la couleur a
des effets sur des choses vivantes. Gérard (1957) a dirigé une de
ses recherches sur les effets psychophysiologiques de la couleur et de la
lumière sur l'organisme humain, en utilisant le rouge, le blanc, et des
lumières bleues transmises sur un écran. Les mesures
étaient établies sur : la pression du sang, les poumons, la
respiration, le coeur, l'activation musculaire, la fréquence du
clignotement des yeux et des ondes cérébrales des sujets. La
pression du sang augmentait sous l'influence de la lumière rouge et
diminuait avec une lumière bleue. L'exposition à la
lumière rouge causait aussi une augmentation de la fréquence du
clignotement des yeux et inversement pour la couleur bleue.
Beaucoup de recherches se sont aussi orientées sur
l'utilisation de la couleur avec les animaux. Par exemple, Ott (1973) a
travaillé sur le comportement des visons sous une lumière rouge
puis bleue. Sous une lumière rouge, les visons devenaient agressifs,
difficiles à maintenir et vicieux. Sous une lumière bleue, leur
comportement devenait beaucoup plus amical. En effet, en 30 jours les visons
devenaient suffisamment dociles pour être touchés, et toutes les
femelles étaient enceintes après le premier accouplement. A
l'inverse, sous une lumière rouge, seulement 87 % des femelles
étaient enceintes après trois tentatives d'accouplement alors que
les effets inverses ont été noté chez les mâles.
C. La couleur fonctionnelle et les
ambiances
Le rôle psychologique des couleurs joint à leurs
caractères physiques est largement utilisé aujourd'hui pour
créer des ambiances de travail appropriées dans les usines.
A titre d'exemples, les couples de couleurs
recommandées pour peindre l'intérieur des ateliers sont les
suivants :
Murs
|
Machines
|
Chamois crème
|
Vert clair
|
Beige crème
|
Bleu vert clair
|
Ocre jaune pâle
|
Bleu clair
|
|
En particulier, la couleur chamois clair pour les murs
pourra éventuellement être mise en oeuvre avec deux ou trois
degrés de clarté différents. Elle assure un ensemble gai
et dynamique.
On notera ainsi l'intérêt de réaliser des
sols et des planchers clairs et en harmonie avec les murs et les plafonds. La
couleur et la clarté du sol, qui présente une large surface,
doivent participer aux ambiances .
La lumière et la couleur, éléments
indissolubles, font donc aujourd'hui l'objet de recherche approfondies dont on
conçoit dès lors l'intérêt fondamental. En fait, une
bonne mise en couleur d'un lieu de travail doit résulter d'une
étude où l'architecte et le décorateur,
l'éclairagiste et le coloriste, doivent intervenir.
Il en va de même dans les bureaux où l'on pourra
rechercher une ambiance accueillante, intime, dynamique, avec des tons chauds
ou au contraire, un aspect apaisant et équilibrant avec des couleurs
froides.
Dans les magasins et lieux de vente on utilise
également avec profit les lois de la mise correcte en couleur des lieux,
des marchandises, de leurs emballages. Toutefois la plupart de ces recherches
ne sont pas publiées car la concurrence est concernée. Quelques
études sont cependant consultables puisqu'elles ont été
réalisées dans le domaine public comme par exemple, Hattwick
(1950) qui a dédié quelques unes de ces recherches sur la couleur
dans le domaine du Marketing, ainsi que Warden et Flynn (1926) qui ont
prouvé que la couleur du packaging avait un effet sur
l'évaluation du poids des produits, ou encore Luckiesh (1923) qui a
démontré que le jaune apportait une meilleure lisibilité
en publicité que le blanc. Plus récemment Kotler (1973-1974) a
déclaré que les atmosphères tels que le bruit, la taille,
la forme, le parfum et la couleur contribuaient à attirer l'attention,
envoyer des messages, et créer des sensations pouvant accroître la
probabilité d'achat.
Bien que les effets de la musique ont été
récemment reconnus comme ayant une influence sur le trafic en magasin
(Millinam 1982) et le choix des produits (Gorn 1982), la couleur n'a pas
reçu une si sérieuse attention. En effet, les recherches sur la
couleur sont généralement appliquées au packaging et
à la publicité mais beaucoup moins sur l'environnement du
magasin, alors que dans la maison même la maîtresse de maison, avec
le concours du décorateur et de l'éclairagiste, peut apporter
plus de confort et de bonheur de vivre par une bonne distribution
conjuguée et harmonisée des couleurs.
C'est toutefois par l'essor logique et bien
étudié des couleurs fonctionnelles dans l'industrie qu'ont pu
être établies les lois logiques de l'usage des couleurs
vis-à-vis de l'être humain.
V La préférence des
couleurs :
Selon Michel PASTOUREAU, la couleur est un
phénomène culturel qui se vit différemment selon les
époques, les sociétés et les civilisations. Il n'y a rien
d'universel dans la couleur, dans sa nature et dans sa perception. Le discours
scientifique de la couleur est fondé uniquement sur les lois de la
physique, de la chimie et des mathématiques. La couleur est un produit
culturel, elle n'existe que si elle est perçue (une couleur qui n'est
pas regardée ne peut être perçue et donc est une couleur
qui n'existe pas).
A Histoire sociale des
couleurs :
Pendant deux millénaires, la couleur ne s'est pas
définie comme un phénomène perceptif, mais soit comme une
substance, c'est-à-dire comme une véritable enveloppe
matérielle habillant les corps, soit comme une fraction de la
lumière. Ce n'est qu'à l'époque contemporaine que les
hommes de science, à la suite des anthropologues, ont pris l'habitude de
définir la couleur non plus comme une fraction de la lumière ou
comme une longueur d'onde, encore moins comme une matière, mais bien
comme une sensation, la sensation d'un élément coloré par
une lumière qui l'éclaire, reçue par l'oeil et transmise
au cerveau. Si l'homme (ou l'animal) n'est pas présent avec ce
récepteur complexe que constitue le couple oeil /cerveau, le
phénomène «couleur» ne peut pas exister.
Peut-on écrire l'histoire d'une sensation ?
Apparemment non puisque jusqu'à présent aucun historien n'a
tenté de le faire. Seuls quelques philosophes et quelques rares
historiens de la peinture ont essayé, dans leur domaine propre,
d'étudier tel ou tel problème lexical, pigmentaire ou artistique,
lié à l'emploi des couleurs par un individu, un milieu, une
époque ou une société donnée.
Quelle est votre couleur préférée ?
Le bleu probablement. Du moins pour la moitié d'entre vous. Toutes les
enquêtes conduites depuis la Seconde Guerre Mondiale sur cette notion de
couleur préférée ont, en effet, montré, avec une
belle régularité, que près de 50% des personnes
interrogées, tant en Europe qu'aux Etats-Unis et au Canada citaient le
bleu en réponse à une telle question.
Tels sont les chiffres en occident pour la population adulte.
Chez les enfants, l'échelle des valeurs est autre. Elle est du reste
plus variable selon les pays et selon les âges ; en outre, elle ne
présente pas dans la durée la même stabilité :
contrairement à ce qui se passe pour les adultes, ce qui était
vrai au début des années cinquante ne l'est plus tout à
fait aujourd'hui. Toutefois, c'est toujours et partout le rouge qui est ou a
été cité en tête par les enfants, devant soit le
jaune, soit le blanc. Seuls les grands enfants (au-dessus de 8 ans) expriment
parfois des préférences pour les couleurs froides (bleu, vert)
comme le font, majoritairement les adultes. Dans les deux cas, en revanche, on
n'observe aucune différence entre les sexes : les réponses
sont statistiquement les mêmes chez les garçons et chez les filles
d'une part, chez les hommes et les femmes d'autre part. De même,
l'influence des classes ou des milieux sociaux, voire des activités
professionnelles, semble faible sur les réponses obtenues (du moins
depuis les années soixante, car auparavant, dans de telles
enquêtes, cette variable ne paraît pas avoir été
retenue). La seule différence pertinente a donc trait à
l'âge : on aime les couleurs chaudes quand on est jeune ; on
préfère les couleurs froides lorsqu'on est devenu adulte. Ce sont
évidemment les stratégies de la publicité et du marketing
contemporains qui, depuis près d'un demi-siècle, ont
contribué à la multiplication de ces études
chiffrées sur la notion vécue de couleur
préférée. D'où vient et depuis quand s'est mise en
place cette primauté de la couleur bleue dans la civilisation
occidentale ? Ces enquêtes, aujourd'hui encore, n'existent
malheureusement pas pour tous les domaines des activités humaines ni
pour toutes les régions du globe. Elles sont au contraire relativement
ciblées, et c'est abusivement que les sociologues étendent
à un grand nombre de champs socioculturels ce qui, au départ, ne
concerne bien souvent que la publicité, la vente de produits, et, plus
spécifiquement encore, la mode vestimentaire occidentale.
La notion de couleur préférée est en
elle-même extrêmement floue : peut-on dire, dans l'absolu,
hors de tout contexte, quelle est la couleur que l'on
préfère ? et quelle portée cela peut-il avoir sur le
travail du chercheur en sciences sociales ou encore de l'homme de
marketing ? Lorsque l'on cite le bleu, par exemple, cela signifie-t-il que
l'on préfère réellement le bleu à toute autre
couleur et que cette préférence s'étend à tous les
domaines, aussi bien le vêtement que la décoration de l'habitat,
les objets de la vie quotidienne, la symbolique politique, les goûts
artistiques ou la dimension onirique des couleurs ? Ce problème est
important. Il excite d'autant plus la curiosité de l'historien que
celui-ci, lorsqu'il tente de façon anachronique parfois, de projeter
dans le passé de telles enquêtes sur l'évolution des
couleurs «préférées», ne peut jamais cerner de
résultats intéressant la psychologie ou la culture individuelle
mais seulement des faits de sensibilité collectifs, ne concernant en
général qu'un domaine des activités d'une
société (le vêtement, l'emblématique, l'image,
etc.), étant entendu que la couleur est un phénomène
rebelle à toute généralisation.
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