1-2 Le marché du travail tunisien
Le problème de l'emploi prend une
acuité particulière dans les économies en
développement, notamment, en période de crise pour ne pas dire
qu'il s'est toujours situé au premier rang des soucis majeurs des
responsables politiques.
Depuis des décennies ce problème est à
l'ordre du jour sans qu'une solution radicale lui soit trouvée. Le
problème de l'emploi se pose et continuera à se poser pour la
Tunisie comme pour tant d'autres pays. Ses origines se trouvent
particulièrement, dans le croit
démographique.344
L'emploi constitue l'un des défis les plus
cruciaux auxquels la Tunisie ait été confrontée
depuis son indépendance ; dix plans successivement
élaborés depuis 1962 en ont fait de l'emploi un enjeu majeur de
développement économique et social. Mais, en dépit des
efforts déployés depuis plus de 40 ans, le chômage continue
de connaître une acuité assez
344 MAHMOUD BESBES, Introduction, Politique de
l'emploi en Tunisie, Actes du séminaire organisé par
l'institut de financement du développement du Maghreb arabe en
collaboration avec l'US-AID, du 13 au 16 juin
1990 à Tunis, p.9.
123
importante rendant ainsi nécessaire la recherche de
stratégie tendant à optimiser le binôme
emploi-croissance.
Depuis 1986, la Tunisie est engagée dans un
plan de stabilisation et d'ajustement structurel (le PAS). Elle a, de
ce fait, mis en oeuvre une politique stimulant l'offre et restreignant
la demande d'emploi. La problématique consiste « à
résoudre de façon de plus
en plus efficace la question du chômage sans remettre en
cause le potentiel de croissance à long terme et les principaux
équilibres internes et externes ».345
Une telle problématique exige une utilisation
plus efficace que par le passé de ressources économiques
de plus en plus rares et l'identification de nouveaux créneaux
porteurs productifs et créateurs d'emplois.
Actuellement, des résultats importants
réalisés au niveau de l'emploi ont eu un impact positif sur
l'amélioration de l'équilibre entre l'offre et la demande
d'emploi tout en préservant un niveau de croissance annuel autour de
5%. Cela a été rendu possible grâce à l'adoption
d'une politique d'emploi conciliant entre l'approche économique, qui
consiste à répondre aux besoins des secteurs productifs en
main-d'oeuvre spécialisée et, l'approche sociale visant la
plus grande couverture possible des demandes d'emplois. Cette politique
correspond à une approche cohérente
concrétisée par la contribution des différents
partenaires sociaux à travers la déclaration nationale
concernant l'emploi issue de la conférence nationale de l'emploi
organisée en juillet 1998.
Cette politique a été articulée plus
précisément sur l'accélération du rythme de
croissance et la consolidation de la capacité de l'économie
à créer des postes d'emplois en stimulant l'investissement
privé et en étendant le réseau de financement des
entreprises et des projets de toutes tailles.
Cette orientation a été consolidée par
l'institution d'une stratégie, visant la mise en place d'un
nouveau système de formation professionnelle faisant de la promotion de
l'emploi
le point de départ et l'objectif final de toutes les
politiques mises en oeuvre. C'est dans ce
345 EZZEDDINE LARBI, La politique nationale
économique et son environnement, Politique de l'emploi en
Tunisie, Actes du séminaire organisé par
l'institut de financement du développement du Maghreb arabe en
collaboration avec l'US-AID, du 13 au 16 juin 1990 à Tunis, p.23.
124
cadre que s'inscrit le développement de
programmes spécifiques de consolidation, d'insertion,
d'amélioration des sources de revenu et d'institution de
nouveaux instruments d'emplois et de requalifications
complémentaires nouvelles. Ces instruments sont censés
améliorer l'employabilité et instituer des mécanismes
de développement des relations de partenariat entre les partenaires
sociaux, les composantes de la société civile, les
fédérations professionnelle, les organismes économiques
et les associations de développement dans le
domaine de la formation professionnelle et de
l'emploi.346
Ces instruments ont été renforcés,
d'une part, par la création en 1997 de la banque tunisienne de
solidarité en vue de consolider le financement des petits et moyens
projets et, d'autre part, par la mise en place du fonds national de l'emploi
institué en 2000 en vue de réaliser l'intégration
économique et sociale.
La politique de l'emploi adoptée jusque là a
permis l'élévation du niveau des créations d'emplois qui a
atteint 322 mille postes d'emploi au cours du IXème plan
contre 280 mille postes d'emploi au cours du VIIIème
plan, permettant ainsi de se rapprocher davantage de
l'équilibre entre l'offre et la demande. En conséquence, le taux
de couverture a atteint 92% lors du IXème plan contre
seulement 89,4 lors du VIIIème plan ce qui a permis de
réduire le taux de chômage à 15% en 2001 après une
période de stagnation aux alentours de 15,6% et
de maîtriser ses retombés sociales plus
particulièrement dans les région de
l'intérieur.347
La période du IXème plan s'est
caractérisée par une amélioration du niveau d'instruction
des travailleurs occupés et des demandeurs d'emplois dans la mesure
où la proportion des chômeurs illettrés est passée
de 24,4% en 1994 à 9,5% en 2001.Cette période a connu aussi
l'amorce d'un changement structurel au niveau des modes d'emploi du
travail salarié au profit du travail indépendant. En
témoigne, la part des patrons et des indépendants a atteint
24,5% de l'ensemble des occupés en 2001 contre 22,8% en
1994.348
Malgré l'importance des réalisations
enregistrées, l'emploi reste un défi fondamental qu'il
importe de relever au cours des années avenir. En effet, la
question de l'emploi doit
346 REPUBLIQUE TUNISIENNE, La politique de
l'emploi, dixième plan de développement 2002-2006, volume I,
p. 87.
347 REPUBLIQUE TUNISIENNE, La politique de
l'emploi, dixième plan de développement 2002-2006, volume I,
p. 88.
125
connaître des défis tant quantitatifs que
qualitatifs en relation avec des pressions connues et
de nouvelles mutations dont on cite principalement :
- la continuation de la pression sur le marché de
l'emploi et l'extension de la frange des jeunes parmi les demandeurs
d'emploi. Ceci résulte de l'impact des facteurs
démographiques qui ont caractérisé les années
soixante-dix et quatre vingt, sans toutefois négliger les effets
de l'accumulation du stock des chômeurs à bas niveau
d'instruction résultant des taux élevés d'abandon du
système d'enseignement au cours des années
précédentes. A cela il y a lieu d'ajouter les difficultés
inhérentes à l'insertion des diplômes du supérieur
qui représentent 7,1% de l'ensemble des chômeurs en 2000 contre
seulement 4,7
% en 1999 ;
- l'accroissement du flux des demandeurs d'emplois qui
devrait atteindre son paroxysme au cours de la période du Xème
plan et le changement structurel de la demande globale d'emploi, qui
découle de l'augmentation des diplômés de l'enseignement
supérieur dont l'effectif moyen par année est estimé
à 46 mille ;
- l'apparition de nouveaux défis au niveau de la
compétitivité, de la productivité
et de la valeur ajoutée va engendrer une
nouvelle répartition sectorielle des besoins en qualification et
plus particulièrement en cadre moyen. L'évolution de la
pyramide des qualifications demandées aura, ainsi un impact
direct sur la nature de l'offre d'emplois à l'avenir ;
- la pression supplémentaire représentée par
un plus grand accès de la femme au
marché de l'emploi découlant de l'augmentation
enregistrée du taux d'activité de la femme qui a atteint 23,8% en
2000 contre 22,9% en 1994.349
Afin de pouvoir relever l'ensemble de ces défis, les
efforts seront orientés au cours du Xème plan vers
l'adoption d'une politique d'emploi cohérente et globale
inspirée des orientations du programme d'avenir qui définit
de façon claire les choix nationaux et les orientations
stratégiques en matière d'emploi et qui figure parmi les
priorité nationale absolues.
Cette politique sera axée principalement sur une
stratégie de développement à forte intensité
d'emploi et ce à travers l'impulsion de l'investissement
privé étant donné son
348 REPUBLIQUE TUNISIENNE, La politique de
l'emploi, dixième plan de développement 2002-2006, volume I,
p. 88.
126
impact direct sur l'emploi, et sur l'amélioration des
compétences des ressources humaines en conformité avec le
développement qualitatif des postes d'emploi, des nouveaux
métiers et des nouveaux modes de travail et activités offertes
par l'économie du savoir.350
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