IV. ANALYSE EXTERNE :
LA CIBLE « JEUNES »
IV.A. Introduction :
le contexte socioculturel des jeunes
Contexte socio-culturel
> Quantité d'informations énorme due
à l'Internet
> Déni du passé
> Déni de l'homme cultivé
> Plaisir immédiat et
éphémère
> Rejet des références de la culture
consacrée
> Dominance de la culture de populaire
> Phénomène de stylisation
> Phénomène de groupe
> Société de l'image et de
consommation
> Lacunes analytiques et culturelles
> Insertion sociale et professionnelle entravée
par lesdites lacunes
Nous vivons une époque de
l'immédiateté : il faut tout, tout de suite et
sans trop d'efforts. A cela s'ajoute l'évolution rapide des
nouvelles technologies (Internet, téléphonie mobile, etc.), la
mondialisation de l'information, et l'agressivité des médias
vis-à-vis des jeunes qui les poussent à consommer [voir
annexe 1]. Nous vivons dans un monde où l'esprit critique se
heurte à une quantité d'informations qui dépasse toute
capacité humaine.
A l'école, la transmission de la culture
consacrée est malmenée et les jeunes en subissent les
effets : moins confrontés à la culture humaniste et aux
savoirs ancestraux, pourtant essentiels à la compréhension de
l'origine de l'être humain et de ses modes de pensée actuels, les
jeunes manquent d'objectivité face à leurs opinions.
La transmission culturelle est en crise et touche
également les milieux favorisés. La modification de la structure
familiale et du rôle parental, les dérives des réformes de
l'enseignement, les nouvelles technologies (Internet et
téléphonie mobile) et les médias constituent les
éléments déclencheurs de cette crise et du renforcement de
la culture juvénile.
Dans ce contexte, les jeunes ont détourné leurs
références vers la loi du moindre effort et du plaisir
immédiat, plus accessibles, plus faciles à adopter. Cette
appropriation révèle en réalité le désir
impérieux de se distinguer des autres générations (celle
de l'enfance et de l'adulte), une sorte de revendication
générationnelle, qui est moins une révolte qu'un besoin de
reconnaissance.
Le phénomène n'est pas nouveau, ce qui l'est
plus réside dans le rejet des références classiques. En
effet, cette revendication entraîne sur sa vague montante, le déni
du passé, le rejet de l'individu cultivé, et des besoins de
consommation sans cesse renouvelés.
Les jeunes se distinguent par l'enrichissement
extérieur [4] (accumulation d'objets technologiques,
vêtements de marque) et non par l'enrichissement intérieur induit
par la culture consacrée. L'enrichissement extérieur suppose non
seulement des efforts financiers, mais aussi des satisfactions en
réalité éphémères car il faut en permanence
suivre la mode, la tendance, la nouveauté. C'est la danse infernale du
trio « désir-satisfaction-lassitude » à
répéter pour nourrir son bonheur, et pour ceux qui ne peuvent
suivre le rythme, du désir peu comblé, provoquant frustration,
sentiment d'injustice et convoitise.
Or l'enrichissement intérieur par la culture
consacrée est un enrichissement sur le long terme, un domaine tellement
vaste qu'on peut y puiser satisfaction et plaisir, qu'on peut faire grandir au
gré de ses envies, de sa curiosité tout au long de sa vie. C'est
une élévation permanente de l'esprit qui ne souffre d'aucune
illusion, mais aussi qu'on peut utiliser comme tremplin dans ses rapports avec
d'autres cultures.
Ce travail ne prend pas comme point d'ancrage un discours
sectaire en faveur de la culture consacrée. Autant que le déni du
passé et de l'homme cultivé, le culte exclusif de la culture
classique est une forme de marginalisation, d'obstacle à l'insertion
sociale, elle sépare les jeunes individus de la culture juvénile
caractérisée par la domination des cultures populaires (dont
même les grands couturiers s'inspirent : le jogging Dior, etc.) et
rejetant toute forme de transmission culturelle verticale.
Les jeunes de certains milieux favorisés qui sont
enfermés dans la culture classique comme seul moyen de
développement personnel et de socialisation (interdiction de
télévision, etc.), sont en réalité enclavés
dans leur milieu social. [5].
Nonobstant ces deux attitudes diamétralement
opposées, la culture classique ou consacrée a l'avantage de
nourrir l'intérieur de l'individu, elle l'élève de
façon exponentielle tout en lui apportant de nouvelles perspectives sur
l'environnement extérieur, outre des tremplins vers d'autres formes de
cultures, qu'elles soient ethniques ou sociales, elle le place dans la
temporalité par rapport à l'aube de nos origines. Ce que ne peut
offrir par ailleurs la culture juvénile.
Comment ramener les jeunes
à la culture dite classique ? Et comment les musées
peuvent-ils encore jouer leur rôle éducatif? Comment peuvent-ils
attirer et retenir l'attention des jeunes ? Un maître mot :
INTERACTIVITE. Ces divers points sont éclairés dans la suite de
ce travail.
IV.B. Définition de la cible
« jeunes »
La cible « jeunes » n'existe
pas [6].
Tout est relatif à l'autonomie et à la
dépendance familiale.
Pierre Vanderbeck, directeur marketing, RMB
Par quelles tranches d'âge la cible des jeunes est-elle
délimitée ? La réponse à cette question est
moins évidente qu'il n'y paraît. Lorsqu'on lit différentes
études sur les jeunes ou les adolescents, il est clair que cette cible
n'est pas définie de la même manière et qu'il y a un
amalgame entre la notion de l'adolescence et de la jeunesse. Or la jeunesse est
une continuation de l'adolescence.
Si certaines études visent
« large » [7], c'est parce qu'elles se
fondent sur des critères de sélection tels que le besoin
d'autonomie et la dépendance familiale. Le besoin d'autonomie (vouloir
obtenir plus de libertés) démarre très tôt et la
dépendance vis-à-vis des parents peut durer longtemps
(« phénomène Tanguy » [8]).
Néanmoins, il existe bien des tranches d'âges qui ont leurs
propres comportements, valeurs et codes de communication.
L'adolescence démarre avec la puberté (à
partir de 10 ans), éléments extérieurs qui
témoignent de la transformation corporelle de l'enfant et qui marquent
la rupture définitive avec l'enfance. Plus que la puberté,
l'adolescence est une affaire de comportements culturels. Le tout jeune
adolescent aspire à grandir vite parce que l'adolescence est
perçue comme une période excitante, un âge d'or où
le jeune adolescent va utiliser des moyens extérieurs pour
paraître plus âgé (les vêtements de marque, la
façon de porter des chaussures, choix musicaux, et.). La jeunesse quant
à elle débute vers 15 ans, l'âge auquel le jeune se
sent jeune et non plus adolescent. Il s'agit bien de sentiment car le jeune
à partir de cet âge est capable de prendre du recul sur
lui-même et de se juger. Lorsqu'il évoque sa façon
d'être avant ses 15 ans, il ne se reconnaît plus et se juge souvent
« bête ».
La description ci-après des étapes de la
jeunesse et celles de l'adolescence [en annexe 2] est
basée sur le livre de CIPRIANI-CRAUSTE Marie et FIZE Michel, Le
bonheur d'être adolescent, Ed. érès, Ramonville
Sainte-Agne 2005
Jeunesse : 2 tranches d'âge à
retenir
15 ans - 17 ans: la première
jeunesse
C'est la phase d'une nouvelle étape franche :
l'adolescent ne se sent plus adolescent, il se sent jeune. Les deux termes ont
une connotation différente dans l'esprit des jeunes de cet âge.
L'entrée dans la jeunesse se fait plus précocement à
l'instar du « rajeunissement » de l'adolescence.
L'adolescent devient « jeune fille » ou « jeune
homme ».
Cette étape est celle aussi de l'acquisition de droits
civiques.
En voici quelques-uns à titre d'exemples parmi
d'autres :
- 15 ans, majorité sexuelle
- 16 ans, droit de signer un contrat de travail
- 17 ans, droit de commencer l'apprentissage du permis de
conduire
La jeunesse est moins « un état
d'esprit » (que chacun, sans considération d'âge,
pourrait ou voudrait avoir) qu'un « sentiment »
qu'éprouvent les jeunes et eux seuls, dans leur singularité
biologique.
Cette entrée est caractérisée par le
rejet de l'adolescence même bien vécue par l'individu. Il prend
à présent du recul face à lui-même et aux autres. Il
a une plus grande conscience de ses devoirs actuels, de ses
intérêts, des enjeux scolaires et professionnels.
Cette conscience couvre aussi le domaine affectif et
sexuel : les relations sont plus sérieuses et l'individu passe
à l'acte sexuel. L'amitié devient très profonde et
constitue un rempart contre l'agressivité du monde extérieur
(notamment celui des adultes).
L'observation des autres (des plus jeunes et des adultes)
reste importante dans le sens où cela confirme leur statut de
« jeunes ».
Le jeune réalise que son look n'était qu'un
ticket d'entrée dans un groupe. A ce stade-ci, il continue à
apprécier la mode comme « passeport identitaire »
mais plus comme « laisser-passer ». Il est par
conséquent moins influencé par les marques et plus par les
tendances. Projets professionnel et familial se précisent : le
jeune se projette dans l'avenir.
18 ans: deuxième phase, l'étape de
l'accès à la majorité civique
C'est l'étape de la jouissance à la pleine
capacité civique. Le droit de vote est vécu par le jeune comme
une reconnaissance en tant que citoyen, à l'égal de l'adulte.
Néanmoins, il ne se sent pas encore adulte à ce stade-ci. Une
autre liberté vient marquer ce cap : l'autorisation de passer le
permis de conduire qui sonne le glas de l'indépendance dans ses
mouvements. Le jeune de 18 ans se sent donc enfin totalement libre tout en
gardant à l'esprit qu'il va continuer à dépendre de ses
parents durant la poursuite des études qui se profile à
l'horizon.
La contrainte parentale existe toujours. Il y a donc bien
dépendance familiale. Les relations interpersonnelles sont plus
paisibles tant avec les autres que les professeurs. Le jeune résiste au
conformisme, surtout vestimentaire.
La distance avec les marques s'est agrandie dû à
l'achèvement de la transformation pubertaire. Le jeune y pense moins et
avec le détachement par rapport à son corps, la parure
vestimentaire devient moins importante.
Le désir de plus d'autonomie persiste dans l'esprit du
jeune qui considère encore, comme au début de son adolescence,
que « l'âge à venir » est meilleur que
« l'âge d'avant ». Le jeune est capable de
relativiser, de critiquer. Sa conscience sociale se développe (le jeune
est attentif à des sujets tels que le chômage, la guerre, la
pauvreté, etc.). La jeunesse révèle aussi d'une part le
déclin du besoin de se conformer au groupe et d'autre part la recherche
plus intense de différenciation par rapport aux pairs. Le jeune entame
le processus de l'individualisation.
La tranche des 15-25 ans est celle qui
représente le mieux la jeunesse à condition que l'on entende par
jeunesse « le sentiment d'être jeune » et que l'on
tient compte du fait que le jeune prolonge ses études de plus en plus
tard.
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Etre jeune, c'est se sentir mature, responsable,
sérieux, paisible sur le plan émotionnel et raisonnable. Le
besoin d'autonomie est toujours très présent. Le jeune
relativise, critique, argumente et développe son sens social. Cependant,
son autonomie est en réalité assez limitée car il a
tendance à quitter le foyer familial de plus en plus tard comme à
acquérir sa dépendance financière.
[9]
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Un jeune de 15 ans n'est pas un jeune de 25 ans. Par
conséquent, au sein de cette tranche d'âges, il existe bel et bien
des groupes-cible distincts.
IV.C. Les références des jeunes :
une question de transmission culturelle
Les références en deux
volets :
1. Dominance de la culture horizontale, en d'autres
termes, de la référence au groupe favorisée par le
rôle moins prescripteur de la famille et de l'école, et par
l'évolution des technologies et des médias.
2. Dominance de la culture populaire sur la culture dite
consacrée.
Afin de comprendre les jeunes, une analyse sur leurs
comportements culturels est nécessaire. Celle-ci inclut leurs codes de
communication et leurs valeurs. Aborder ces différents aspects du jeune,
c'est en réalité observer la manière dont se
déroule la transmission culturelle.
Par transmission culturelle, on entend la transmission d'un
savoir-vivre, des connaissances, d'un savoir-faire, d'un style, de goûts
par une multitude de pratiques (comme fréquenter les musées par
exemple). La transmission verticale s'opère au sein de l'école,
de la cellule familiale tandis que la transmission horizontale s'articule
autour des rapports avec les pairs (phénomène de groupe).
Par pratiques culturelles dites « nobles »
ou culture consacrée, on entend les pratiques classiques (musique
classique, théâtre, cinéma de genre, fréquentation
des musées, littérature classique, etc.).
Dans les années soixante, Pierre Bourdieu et
Jean-Claude Passeron [10] expliquaient dans les
Héritiers, que la transmission culturelle entre les
générations se passait par la reproduction de ces comportements
de génération en génération, mais encore que la
transmission culturelle est un moyen de distinction par rapport aux classes
sociales moyennes et défavorisées. [11].
Depuis les années nonante, on constate que la
transmission culturelle de l'élite et des classes moyennes commence
à s'essouffler. La culture « consacrée »
n'est plus le seul moyen de distinction sociale, le déploiement des
médias et de la publicité offrant des produits culturels plus
accessibles favorise l'éloignement des jeunes générations
aux références culturelles traditionnelles données par
leurs parents. Par exemple, on peut regarder une pièce de
théâtre à la télévision.
[12]
La transmission horizontale a pris le pas sur la transmission
verticale et dans ce mouvement les références auxquelles
s'attache la jeune génération ont changé de visage. On
parle de « crise culturelle », voire de
« fracture générationnelle »
[13] qui trouve ses origines dans la transformation de la
composition familiale traditionnelle et un mode d'éducation moins
prescripteur, l'évolution de la sphère scolaire et celle de la
technologie et des médias.
Le déclin du rôle prescripteur de la
famille
Depuis une vingtaine d'années, on constate que le
rôle éducationnel des parents s'est relâché, il
revêt moins un rôle prescripteur que par leur passé. La
montée du nombre des divorces a provoqué la multiplication des
familles recomposées, entraînant dans son sillage le déclin
du rôle fondateur et autoritaire du couple parental.
C'est toute la cellule familiale qui doit faire face à
des situations nouvelles et instaurer de nouvelles relations interpersonnelles.
Le rapport avec les enfants n'est plus un rapport d'autorité, mais une
relation de négociation, de contrat dans le souci de respect, de la
valorisation de l'expression de l'individualité et de la qualité
des relations qui se sont par conséquent assouplies.
[14].
La progression de cette individualité se remarque par
de nouveaux territoires individuels au coeur du foyer. La plupart des jeunes
ont tout un attirail technologique dans leur chambre (télévision,
ordinateur, etc.) [15]. Ils utilisent tellement bien les
technologies nouvelles que dans ce cadre-ci la transmission culturelle
s'inverse, ce qu'on appelle « la
rétrosocialisation ». Ce sont les enfants qui expliquent
à leurs parents comment se servir de ces nouvelles technologies.
[16].
Toutes ces technologies ont favorisé l'autonomie des
jeunes et la perte du contrôle des parents sur ce que font et regardent
leurs enfants. Même si le jeune s'isole, il entretient de bonnes
relations avec ses parents et la « crise d'adolescence »
n'est pour lui qu'une période durant laquelle il exprime son opinion,
ses humeurs, son identité, parfois en gérant difficilement ses
émotions. Pour le jeune, la crise est une vision de l'adulte. Il se sent
plutôt en évolution, en marche vers une plus grande
liberté.
La perte des références classiques
dans les écoles
Le phénomène de la massification scolaire,
c'est-à-dire de l'allongement de la scolarité dans toutes les
classes sociales est un facteur qui a réduit les
inégalités sociales face au cursus scolaire. Ce ne sont plus
majoritairement les jeunes issus de l'élite qui parviennent à
terminer leur parcours scolaire, mais aussi les classes moyennes et
défavorisées. L'environnement scolaire est plus
hétérogène socialement et a modifié l'institution
scolaire elle-même, confrontée à une diversité
culturelle plus importante. Dès lors, elle ne peut plus imposer la
culture consacrée comme unique référence, avec comme
conséquence un appauvrissement de la qualité de l'enseignement
[cf. annexe 3]. Toutefois le clivage social par
établissement scolaire reste d'actualité.
[17]
Bien
que l'inégalité sociale à l'école se soit
atténuée grâce la massification scolaire entre autres, une
nouvelle forme de ségrégation est apparue :
l'inégalité spatiale. Le choix de l'école en fonction de
l'enseignement prodigué (général, technique,
professionnel) va même déterminer la localisation du domicile
familial. [18]. La situation géographique de
l'école a également une conséquence sur son public. Une
école située dans un beau quartier attire un public
élitiste comme à l'inverse une école située dans un
quartier-ghetto hérite d'un public issu de milieux moins
favorisés, voire défavorisés.
Une enquête menée
à Bruxelles dans le cadre de ce travail [cf. annexe 4]
dans une école élitiste (école A) et dans une école
ayant un public à majorité d'élèves immigrés
ou d'origine défavorisée (école B) illustre cette
ségrégation spatiale. Bien que cette enquête ne soit
basée que sur des entretiens qualitatifs et qu'une enquête
à échelle plus large serait utile, quelques réflexions
intéressantes s'en dégagent.
D'abord, l'inégalité
sociale de par la situation géographique se vérifie dans les
entretiens. Le directeur de l'école A explique que celle-ci attire un
public provenant de milieux favorisés du fait que l'école jouit
d'un cadre géographique exceptionnel en plein coeur de Bruxelles. Il
ajoute qui plus est qu'une autre école bénéficiant par le
passé d'une excellente réputation a vu la qualité de son
public chuter à cause de sa localisation dans un quartier habité
par des familles d'origine défavorisée. Il va plus loin en
avouant que cette école a dû mettre en place un système de
sélection afin de rehausser son niveau.
Au début de l'entretien avec le directeur de
l'école B, celui-ci annonce que si le public de son école est
à majorité d'origine nord-africaine, cela est dû à
la situation géographique de son école dans un
quartier-ghetto.
Est-ce que cela signifie pour
autant que le public de l'école A bénéficie d'un avantage
en terme d'accès à la culture par rapport à l'école
B ? En réalité, c'est tout le contraire. Le directeur de
l'école B a fait de la culture son cheval de bataille. Il utilise la
culture pour aider les jeunes à l'insertion sociale, à les sortir
de leurs quartiers-ghetto. La visite n'est pas une visite s'inscrivant dans un
programme scolaire, elle est un prétexte à sortir du cadre
fermé dans lequel vivent ces jeunes. Le directeur de l'école B a
développé des actions culturelles au sein de l'école afin
de donner aux élèves l'occasion d'être en contact avec
l'école : expositions temporaires régulières
intra muros, invitations d'artistes venant expliquer leurs oeuvres,
d'écrivains tels que Pierre Mertens.
Pour le directeur de l'école A, la visite au
musée est en réalité une question de distinction sociale
tandis que pour l'école B la visite au musée est une question
d'insertion sociale.
Il existe donc bien des mentalités différentes
selon la forme d'enseignement et un clivage social entre les
établissements scolaires.
Le rôle des médias et nouvelles
technologies dans le déplacement des
références
Les médias et nouvelles technologies ont
intensifié la culture juvénile et même
généré de nouvelles pratiques culturelles chez les jeunes
qui se reconnaissent sous une culture commune très diversifiée
(la télévision, la radio, l'Internet, les jeux vidéo, la
téléphonie mobile, l'informatique, la mode, etc.) mais qui exclut
les parents et le livre. [19]. Cette culture juvénile a
bien entendu un but en soi, celui de se distinguer des autres
générations, et de socialiser avec les pairs dans son territoire
privé, c'est-à-dire sa chambre. C'est pourquoi, les jeunes sont
toujours à l'affût des nouveautés auxquelles ils doivent
avoir accès rapidement.
Le rôle du phénomène de groupe
en tant que repère des jeunes
La jeune génération d'aujourd'hui se meut dans
l'ère de la référence au groupe au travers de leurs
pratiques culturelles. Cette référence au groupe commence
très tôt, les jeunes adolescents subissent l'influence des
aînés et de l'environnement. Ils sont imprégnés de
sons, de musiques, de publicités et d'images de mannequins et de stars
auxquels ils rêvent déjà de s'identifier. Ces comportements
les rassurent [20]. De là, découle un
décalage entre la recherche de l'individualité et du conformisme
au groupe : les jeunes n'affichent pas au grand jour leurs goûts
très personnels par crainte du rejet.
Autant dire que la pression des aînés est
très forte tout comme celle des pairs. Elle s'explique par le
désir de ressembler aux plus grands, de mûrir, d'acquérir
de nouvelles libertés, d'éviter de se faire rejeter ou
ridiculiser.
Dans la culture juvénile, il existe deux formes de
groupe du même âge : le groupe des
« pairs », celui des copains dont le réseau est
très étendu et le groupe très restreint des amis. Le
groupe des pairs qui détermine les codes à respecter, faute de
quoi le jeune sera sanctionné par le rejet. Les codes interagissent pour
former un style, une identité conformiste que l'on affiche en public
(principalement à l'école) : telle musique impose telle
tenue vestimentaire, tel langage, tel sport, telle émission ou
série télévisée à regarder, etc.
[21].
Le groupe des aînés est celui qui en
réalité exerce le plus de pression : les plus jeunes
observent leurs aînés qu'ils considèrent comme
modèles (comportements, attitudes, styles vestimentaires, etc.). Se
référer à ces modèles aident les plus jeunes
à grandir, ce qui dans leur esprit est leur plus grande priorité
tant ils désirent se distinguer, montrer leur propre
personnalité.
A cela, s'ajoute un autre facteur qui révèle une
tendance allant en s'accroissant : si les frontières entre haute et
basse culture s'amenuisent, l'opposition entre cultures féminines et
masculines se renforce, surtout au sein des sous-cultures (cultures de rue)
juvéniles.
3 groupes
« référence » :
Le groupe des pairs :
réseau de copains du même âge qui exerce une pression quant
aux comportements culturels. Tout l'enjeu est de se conformer au groupe pour en
faire partie.
Le groupe d'amis : amis intimes
au sein duquel l'individu peut dévoiler ses passions, sa
« vraie » nature.
Le groupe des
aînés : les plus âgés qui
opèrent la plus forte pression sur les plus jeunes au niveau des
comportements culturels. S'y conformer évite de se faire ridiculiser ou
« embêter ». Vouloir ressembler aux grands
témoigne du désir de grandir.
Perte des références classiques -
Quelles conséquences ?
Perturbation de la transmission
verticale
Les phénomènes précités ont
perturbé le système de la transmission culturelle verticale. Les
jeunes ne se réfèrent plus ou dans une moindre mesure aux codes
parentaux et scolaires. Même dans les milieux favorisés, elle
n'est plus automatique. Elle n'est maintenue que dans un contexte très
particulier : scolarisation dans une école très
élitiste, encadrement parental très important impliquant des
loisirs « intelligents » c'est-à-dire
pratiqués pour assurer la réussite scolaire. Cependant même
dans ce contexte exceptionnel, on observe un relâchement culturel de la
part des jeunes qui cumulent des goûts culturels classiques (jazz) et
populaires (la télévision).
Affichage d'un style conformiste versus la nature
profonde de l'individu
Illustration : Claire manifeste une inquiétude
à propos de l'anorexie. « Il y en a de plus en plus, ça
fait peur, dit-elle, j'en vois beaucoup. Toutes les filles veulent ressembler
à des top models. On est tellement dans l'image aujourd'hui, c'est la
société de l'image ». [22]
Recherche du plaisir immédiat, besoin de
consommation exacerbé sans cesse renouvelé, frustration
inhérente à ce processus
Comment définir la culture
juvénile ?
« il faut aimer boire et sortir en boîte,
avoir une sociabilité de bande qui n'implique pas de liens trop
exclusifs mais plutôt des relations légères fondées
sur le fait de s'amuser ; il faut connaître les derniers tubes et
regarder les programmes de télévision qui sont regardés
par les autres ; il faut recevoir le plus possible d'appels sur son
portable, pratiquer un Internet ludique, la participation à une culture
de contact étant devenue aujourd'hui aussi importante que la
familiarité avec les produits culturels sui sont au coeur des
interactions dans la sociabilité juvénile ».
[23].
IV.D. Les pratiques culturelles des jeunes
Observer les pratiques culturelles des jeunes, c'est
comprendre l'importance qu'elles recèlent en terme de socialisation,
mais aussi le renversement des références du haut de
l'échelle sociale vers le bas.
Les loisirs représentent la
première activité des jeunes (plus d'un tiers de leur temps en
semaine et 43% de leur temps le week-end).
La télévision est leur premier loisir, les
sorties, le shopping et le surf sur Internet [24]. Un chiffre
révélateur : la culture et le sport ne collectent que 2% des
choix.
Cela signifie très nettement que la culture est loin
d'effleurer l'esprit des jeunes en termes d'option de sortie. Après les
loisirs, suivent comme activités le repos (40% du week-end) et le
travail.
La musique
La tendance générale va à la
préférence des musiques actuelles (Rap, R'n'B, hip hop, dance,
techno, etc.). Cette tendance concerne 70% des quinze-dix-neuf ans
[25]
Cependant certains genres musicaux sont fortement
clivés par les origines sociales. Dans les milieux favorisés, la
musique classique et le jazz sont les deux genres les plus
écoutés. Dans les milieux moyens ou défavorisés, ce
sont les genres de musique actuels qui sont les plus
écoutés : hip-hop, le rap, le R'n'B. Le reggae, la pop et
les variétés sont des genres musiques qui se placent à
l'intersection entre les milieux favorisés d'un côté et les
milieux moyens et défavorisés de l'autre.
A noter, toutefois, comme évoqué
précédemment, que les jeunes cumulent les pratiques culturelles,
et que cela se perçoit entre autres à travers leurs choix
musicaux, car la plupart des jeunes sont ouverts à plusieurs genres
musicaux. Leurs choix ne sont donc pas exclusifs.
La musique est utilisée comme choix d'un style de vie,
principalement dans les milieux moyens et défavorisés :
selon le genre musical, des styles très spécifiques sont
adoptés qu'il s'agisse de la tenue vestimentaire, de la coupe de
cheveux, des chaussures, de la manière dont on se salue (en tapant paume
contre paume, etc.). [26]
La musique est une pratique culturelle qui laisse
transparaître la domination de la culture populaire dans la culture
juvénile. En effet, la musique classique et le jazz ne permettent pas un
tel affichage identitaire en public car ces genres n'offrent pas des moyens de
stylisation (vêtements, baskets, etc.), et ne peuvent donc jouir du
statut de socialisation. De plus, l'affichage de ses choix musicaux pour des
genres classiques se voit étiquetée du label de
« ringardise».
La musique atteste donc de la domination de la culture
populaire sur la culture classique.
Illustration : « Les gens
« classe » écoutent la musique moderne. Ils savent
ce qui se passe en ce moment à la radio. Si tu écoutes Skyrock,
tu es rap, si tu écoutes Fun Radio, t'es skate, si tu écoutes
« Rires et Chansons » tu es un gros con, si tu
écoutes RTL, tu es un gros con aussi. C'est con d'avoir des
préjugés, mais c'est comme ça. » [27]
La lecture
Si la lecture connaît une certaine défection de
la part des adolescents, c'est surtout parce que c'est un acte qui se pratique
seul. L'individu est face à son livre et le parcourt à son propre
rythme. Le livre n'est donc pas un moyen de socialisation pour les adolescents.
Les adolescents se tournent plutôt vers d'autres types de socialisation
comme la télévision car en regardant les mêmes
séries ou émissions, la socialisation peut se faire de
manière simultanée. Même si le jeune regarde seul une
série ou une émission à la télévision, il
élabore déjà dans sa tête toutes les impressions,
les opinions, les remarques qu'il va partager avec ses copains le lendemain.
Cette défection est surtout constatée à partir du moment
où le jeune augmente ses sorties avec ses copains [28],
c'est-à-dire à partir de 15 ans.
La communication à distance - L'Internet et
le téléphone portable
La communication à distance est utilisée par les
jeunes afin de développer un réseau de relations et
d'éviter les tensions qui les traversent lors de leurs échanges
en face-à-face avec leurs pairs.
C'est pourquoi, pendant leur adolescence, les jeunes utilisent
intensivement l'Internet principalement pour le chat (forum de
discussion). Ils s'inventent des pseudonymes et peuvent « se
lâcher » sans craindre le regard de ses pairs. A partir de 15
ans, le jeune a une pratique moins intensive du chat et
privilégie plutôt le besoin de resserrer ses liens avec ses amis
proches.
L'envoi des SMS (Short Message System, en français
« Court Message Textuel ») représente l'usage
principal du téléphone portable par les jeunes. Cela évite
une charge émotionnelle trop difficile à gérer lors de la
conversation. En outre, cela coûte moins cher que l'appel
téléphonique.
L'Internet et le téléphone portables sont des
pratiques culturelles de socialisation. Bien que l'Internet soit publique, les
jeunes considèrent l'Internet comme un moyen de communication intime. Ce
qui explique l'utilisation de pseudonymes. [29]
IV.E. Les codes de communication et les valeurs des
jeunes
Les codes de communication
Musique, sport, apparence vestimentaire (de
préférence de marque) constituent les trois codes de
communication qui polarisent le jeune. Ces trois codes sont très
fortement liés et vont déterminer un style parmi d'autres (par
exemple : le look surfer) que le jeune utilise comme moyens d'interagir
avec son entourage familial, scolaire et amical.
Les valeurs
Les valeurs des jeunes sont la famille, l'amour,
l'amitié, la liberté, l'éthique, l'authenticité, et
l'écologisme. Les jeunes apprécient la communication qui utilise
la dérision, l'humour mais n'apprécie guère que ces
valeurs soient « bafouées ». [30] et
[31]
L'attachement aux marques
L'attachement aux marques se manifeste à partir de la
première adolescence (vers 10 ans). Porter des vêtements de marque
est un moyen de se démarquer (des parents), de se faire remarquer (par
les pairs), d'adopter un style (rappeur, skatteur, etc.), d'appartenir à
un groupe, et surtout de revendication générationnelle,
c'est-à-dire d'entrer dans la sphère de l'adolescence. Les
marques doivent être visibles et les logos sont bien mis en
évidence. Ensuite, à partir de la première jeunesse (15
ans), l'affichage des marques est moins ostentatoire et le suivi de la mode ne
passe pas nécessairement par l'achat de vêtements ou d'accessoires
de marque. [32]
IV.F. Les jeunes, les médias et la
publicité
[33] En réalité l'Internet
n'arrive que derrière la télévision et la radio parmi les
médias auxquels les jeunes consacrent un tiers de leur temps libre. Les
journaux et magazines représentent seulement 5% de leur consommation
médias.
Les jeunes choisissent de préférence tant
à la télévision qu'à la radio les programmes
d'information, la fiction, la télé-réalité et les
émissions musicales. Les choix sont nuancés selon le sexe :
films, dessins animés et émissions sportives sont des choix
plutôt masculins tandis que les feuilletons, séries, films et
émissions de télé-réalité sont
préférés par les filles.
Ces constatations reflètent bien les comportements
culturels des jeunes. Même si l'utilisation de l'Internet paraît
être l'outil de communication préféré des jeunes, la
télévision et la musique demeurent les moyens primordiaux pour
développer les liens entre les pairs car il faut être au courant
des séries télévisées et émissions afin de
s'assurer « une place » dans le groupe des pairs.
La publicité est bien tolérée par les
jeunes. Sur l'échelle d'appréciation, viennent en pôle
position les spots publicitaires (qu'ils soient à caractère
informatif, esthétique, etc.), ensuite suivent la publicité dans
la presse magazine, l'affichage, la radio, le cinéma, la presse
quotidienne et l'Internet. La publicité sur Internet est la moins bien
acceptée. Ce n'est pas très étonnant, car l'Internet
revêt un statut très spécial auprès des jeunes.
L'Internet, comme nous l'avons vu précédemment, c'est
principalement pour « chatter » et très
secondairement pour chercher des informations (vacances, loisirs, et parfois
dans le cadre de certains travaux scolaires). L'Internet est un
« lieu de socialisation » très intime (car on s'y
dévoile) et la publicité y est perçue comme une
intrusion.
La publicité au cinéma a beaucoup moins d'impact
que par le passé et infirme les résultats obtenus lors d'une
enquête menée par la RMB en 1998.
IV.G. L'argent des jeunes : combien et à
quoi le dépensent-ils ?
[34] Plus le jeune vieillit, plus il affecte
ses dépenses pour vivre, moins aux loisirs et moins à
l'épargne.
La tranche des 15-22 ans,
représente 3.08 milliards d'euros de revenus annuels.
La tranche des 15-18 ans
représente à elle seule 536 millions de revenus
annuels.
Ce sont les 15-18 ans qui dépensent le plus d'argent
à leurs loisirs. Dans cette tranche d'âge, 15,9% de leurs revenus
sont consacrés à la vie quotidienne, 52,1% aux loisirs et 32%
à l'épargne.
L'autonomie financière arrive à 21-22
ans dans cette tranche d'âge, la plupart des jeunes issus
des milieux défavorisés sont soit entrés dans la vie
professionnelle soit sont au chômage. Les jeunes des milieux
favorisés sont pour la plupart encore aux études.
L'étude conclut que les jeunes sont autant cigales que
fourmis.
Source : SACRE Jean-François,
« Les jeunes sont matérialistes...et les marques les en
remercient ! Trends/Tendances - 2 juin 2005)
Parmi les 10 enseignements tirés de
l'étude RMB, certains sont particulièrement intéressants
pour le sujet de ce mémoire :
1. Les loisirs : première
activité des jeunes suivie par le repos
2. Grand pouvoir d'achat surtout lié
à l'argent de poche reçu des parents et à la
dépendance familiale prolongée
3. La télévision et la radio
plutôt que le Web
4. Publivores, mais pas trop
5. Des aspirations de petits bourgeois :
fonder une famille, avoir une belle maison et être riche plutôt que
de « participer à l'amélioration de la
société et se consacrer aux autres. »
IV.H. Perception, motivations, barrières, etc.
- les jeunes se dévoilent
Sur base d'une enquête de terrain auprès des
jeunes
Méthodologie et échantillon de
témoignages [cf. annexe 4]
La perception des jeunes à l'égard
des musées
Les jeunes gardent en général un bon
souvenir des musées. Ils sont même capables
d'évoquer une visite effectuée lorsqu'ils étaient à
l'école primaire. Leur perception immédiate est en
général très positive. Elle n'est négative que
lorsqu'il y a pression des parents (parents qui tirent leurs enfants dans les
musées) ou lorsque le choix du musée leur est imposé par
ceux-ci.
La plupart des jeunes jugent les musées
intéressants, beaux et instructifs. Certains mentionnent que
les musées sont tristes, froids et impersonnels. Une seule
élève a répondu que c'était trop intellectuel.
L'exposition n'est retenue que dans son
ensemble. Le facteur favorisant la mémorisation de l'oeuvre, de
l'exposition réside dans une explication claire, donnée soit par
le professeur soit par un guide. L'un comme l'autre se doit d'être
charismatique afin d'attirer l'attention du jeune.
Les jeunes ont conscience du rôle
éducatif des musées sur le passé et la diversité
des cultures. Ils déclarent aussi que les musées sont
pour eux une façon efficace d'acquérir plus de culture
générale. Ils mémorisent plus facilement et retiennent
plus longtemps le thème vu dans un musée que lorsque ce
même thème est abordé en classe. Ils définissent
eux-mêmes la culture générale tel un moyen d'interagir avec
les autres et par ce biais de s'ouvrir à d'autres formes de
pensée comme d'autres cultures.
A quelle occasion les jeunes passent-ils la porte
des musées ?
Les jeunes des milieux
favorisés vont principalement aux musées en famille
(avec les parents ou grands-parents). Ce sont surtout les parents qui les
emmènent. La proposition de la sortie est en majorité accueillie
comme l'occasion de faire une sortie. Ces jeunes déclarent qu'ils vont
rarement aux musées avec l'école.
Les jeunes des milieux
défavorisés vont principalement aux musées
avec l'école. En-dehors du cadre scolaire, ils n'y vont jamais. Ceux qui
fréquentent les musées sont emmenés et motivés par
leurs parents.
Les jeunes des milieux artistiques
fréquentent énormément les musées de par
l'orientation de leurs études. Ils préfèrent faire la
visite seuls car ils ont besoin de solitude face à l'exposition. La
visite est une démarche scolaire, moins un plaisir à partager
avec une autre personne.
La plupart des jeunes ne pensent pas à se rendre dans
les musées hors cadre familial ou scolaire. En termes de loisirs, c'est
une activité qui ne leur vient pas à l'esprit. Mais, ils
déclarent que s'ils étaient mieux informés, cela les
pousserait davantage à faire le pas vers la porte des musées.
Les motivations qui poussent les jeunes à
fréquenter les musées
Le choix du thème : un
thème qui les intéresse
L'exposition temporaire est
indéniablement l'événement qui va pousser les jeunes
à se rendre dans les musées pourvu que l'exposition soit
attirante, interactive et amusante. Cette préférence est due au
fait que l'exposition temporaire offre un thème nouveau.
La socialisation : la visite se
fait en famille (surtout un ou deux parents) et avec les amis intimes. La
visite est une façon de partager un agréable moment avec d'autres
personnes.
Les sorties scolaires pendant les heures de
cours avec l'accompagnement d'un professeur vont également
les motiver. La visite doit être préparée en classe afin de
donner un premier aperçu du thème qui sera vu lors de la visite.
Les visites scolaires restent extrêmement importantes car les jeunes
apprennent beaucoup plus vite un sujet et le retiennent mieux lors d'une visite
réussie aux musées. L'impact éducatif est par
conséquent beaucoup plus fort lors de la visite au musée qu'en
classe.
Les barrières qui freinent les jeunes
à visiter les musées
Le prix n'est une barrière que
lorsque le jeune est obligé d'aller au musée. Si le thème
les intéresse vraiment, ils n'hésiteront pas à payer le
tarif pour aller voir l'exposition temporaire. [35]
La question du prix a fait
révéler une perception différente au niveau du clivage
social :
· Milieux favorisés : les jeunes ne
considèrent pas que l'accès aux musées est cher parce que
c'est souvent leurs parents qui paient. Par contre, ils soulignent que pour les
jeunes des milieux favorisés, l'accès devrait être gratuit
et que s'ils devaient acheter eux-mêmes leurs tickets, ils ne
dépenseraient pas plus de 6 euros environ.
· Milieux artistiques : les jeunes suivant
une formation artistique sont obligés de fréquenter très
régulièrement les musées dans le cadre de leurs
études. Ils réclament un accès gratuit.
· Milieux défavorisés ou d'origine
étrangère :les jeunes de ces milieux ne
considèrent pas que les musées sont chers. A condition que le
thème de l'exposition les intéresse vraiment, ils sont
prêts à payer jusqu'à 25 euros.
La dimension de l'architecture des
musées peut être une barrière auprès de
certains jeunes. Ils déclarent se sentir mal à l'aise à
cause de la trop grande taille du musée.
Une expérience mal vécue
peut être à l'origine d'une barrière auprès des
jeunes. C'est principalement le cas lorsque les parents obligent leurs enfants
à les accompagner à une exposition dont le thème ne les
intéresse pas.
Les autres loisirs sont bien entendu
une barrière, ils font partie de la concurrence
(télévision, sorties, shopping, écouter de la musique, se
reposer, etc.)
Les contraintes familiales peuvent
également constituer un obstacle sur le chemin des musées. Il
s'agit surtout des parents qui interdisent à leur fille de sortir car
ils ont peur pour sa sécurité.
L'offre : les jeunes trouvent que
certaines expositions sont trop longues, ennuyeuses et manquent
d'interactivité.
Le manque d'informations : les
jeunes estiment ne pas être suffisamment informés. La plupart sont
incapables de citer le nom d'une exposition en cours.
A noter que la mobilité n'a jamais
été évoquée comme barrière.
Les moyens d'information
Les jeunes sont informés de l'offre muséale
principalement par les parents et les professeurs, les valves
culturelles au sein de l'école, la presse écrite (le journal Le
Soir), la télévision et la radio.
L'Internet n'est que très rarement
utilisé comme moyen d'informations sur les musées (uniquement par
les connaisseurs ou experts). Les jeunes utilisent l'Internet pour chercher des
informations sur les autres loisirs (cinéma, vacances) ou dans le cadre
d'un travail scolaire.
Les professeurs : surprenant mais
révélateur, l'enquête montre que la majorité des
jeunes veulent être informés par leurs professeurs.
[36]. La majorité des jeunes soulignent qu'ils
n'aimeraient pas être informés par courrier électronique ou
par SMS (Short Message System) parce que cela serait considéré
comme une intrusion.
Nota : les jeunes
interrogés ont un penchant pour une information par le
multimédia : la télévision, les affiches
(dans les transports en commun), les magazines, les dépliants ou
brochures au sein de l'école. Ce penchant pour une consommation
multimédia montre bien que les jeunes ne sont pas suffisamment
informés et qu'ils ont besoin surtout de médias écrits
pour mémoriser le message. Cette multiplication de médias montre
également un besoin d'être rassuré.
Le bouche-à-oreille
Après la visite, les jeunes ne partagent pas leurs
impressions avec leurs copains. Ils n'en parlent qu'à leurs parents ou
à des amis très proches (le ou la meilleur(e) ami(e)).
IV.I. Le profil
psychosociologique des jeunes
Les jeunes prennent comme référence les
jeunes plus âgés (leurs aînés) ainsi que
leurs pairs. Avides de nouveauté, ils créent leur
génération et deviennent les prescripteurs. Grâce à
un pouvoir d'achat non négligeable, ils ont la possibilité de
consommer les produits qu'ils préfèrent (la mode, le
téléphone portable, etc.). Ils sont à l'origine des
tendances du marché car ils fascinent les autres
générations qui aimeraient leur ressembler (les moins de 12 ans
qui veulent grandir au plus vite et les adultes qui veulent rester
« jeunes »).
Les nouvelles technologies ont renforcé leur
autonomie qu'ils acquièrent de plus en plus tôt et leur
permettent d'échapper au contrôle de leurs parents.
Les jeunes développent des goûts
éclectiques même dans un contexte où la culture
populaire a pris le pas sur la culture classique : on peut aimer le foot
et la philosophie ou le « Loft » et le cinéma de
dogme. [37]
IV.J. Profil des jeunes en
tant que public des musées
L'influence des parents
L'influence des parents sur les enfants en ce qui concerne la
visite des musées est très forte jusqu'à l'âge de 12
ans. Ensuite, cette influence ne fait que chuter vertigineusement
jusqu'à l'âge de 18-19 ans. Au-delà de 19 ans, si le jeune
a été mis régulièrement en contact avec les
musées pendant son enfance, il devient potentiellement un visiteur
régulier des musées. Si au contraire, le jeune n'a pas
été mis en contact avec les musées pendant son enfance, il
est plus que probable qu'il n'ira jamais voir une exposition.
[38]
Quels sont les thèmes qui les
intéressent le plus ?
Parmi les thèmes offerts par les musées, il n'y
a pas de thèmes plus « porteurs » que d'autres. Cela
dépend de la sensibilité de tout un chacun. Celui qui
s'intéresse à la nature et aux animaux, choisira les
musées proposant ce thème. De même, celui qui aime la
mécanique pourrait s'intéresser au musée
« AutoWorld ».
La tendance tout entière de la société
est de s'éloigner des enseignements du passé, perçus comme
désuets et trop en décalage avec le monde actuel. C'est aussi
l'ère de la mondialisation à tout niveau et fortement
poussée par l'accès à l'information mondiale via
l'Internet. Dans ce contexte plus général, les jeunes
s'intéressent aux faits actuels et à leurs problèmes. Ils
ont besoin de se placer dans le temps présent et de se reconnaître
dans les oeuvres ou objets exposés.
Les profils psychographiques
Les intéressés :
ils vont régulièrement au musée (plus de six fois par an)
et souvent accompagnés de leurs parents ou d'amis très proches
afin de partager leurs impressions avec eux. Ils ont déjà des
goûts très précis. Ce sont les connaisseurs.
Les intéressés
« latents » : ils vont rarement au
musée par manque d'information mais ne feront pas l'effort de s'informer
sur l'offre muséale. Ils ont d'autres loisirs qui occupent leur temps et
ne pensent jamais aux musées comme une sortie envisageable.
Néanmoins, une information attrayante pourrait les convaincre à
aller voir une exposition. Ce sont les indifférents.
Les
non-intéressés : ils ne vont pas aux
musées par manque d'intérêt total. Ce sont les
opposants.
Les exigeants: ils vont très
régulièrement au musée (environ quinze fois par an) dans
le cadre de leurs études (orientation artistique, tourisme). Ils forment
une cible très exigeante car d'une part ils sont forcés à
fréquenter les musées et d'autre part leur formation leur donne
un oeil très critique et avisé à l'égard de
l'exposition. Ils n'aiment pas les guides car cela les empêche
d'effectuer la visite à leur propre rythme. Ils se plaignent des
panneaux parce que les explications qui s'y trouvent sont trop longues. Ce sont
les experts.
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