Conclusion du chapitre 1
Hiré est une sous-préfecture qui jouit d'une
richesse géologique marquée par la concentration dans son
sous-sol d'indices aurifères. Cela justifie l'intensité de
l'activité aurifère qui y a cours. Longtemps extrait de
façon artisanale, l'or de Hiré connait depuis 2008 une
exploitation industrielle qui a entrainé une explosion de l'orpaillage.
Ces deux types d'exploitation sont menés simultanément chacun sur
des périmètres différents et dispersés à
travers la sous-préfecture. L'installation des orpailleurs clandestins
se fait sans autorisation. Ceux-ci sont installés pêle-mêle
guidé par la présence du minerai tandis que les sites
occupés par les industriels sont définis par les permis miniers
officiels. Cette divergence dans la logique d'installation annonce
également une divergence dans la pratique de l'activité.
85
CHAPITRE 2 : LA PRATIQUE DE L'EXPLOITATION MINIERE DANS
L'ESPACE LOCAL DE HIRE
INTRODUCTION AU CHAPITRE
Depuis 2008, avec l'ouverture de la mine de Bonikro, deux
formes d'exploitation minière ont cours à Hiré :
l'exploitation artisanale ou orpaillage et l'exploitation industrielle. Ces
deux formes d'exploitation ont des modes d'exercice, des outils et des
techniques d'extraction et de traitement qui diffèrent les unes des
autres. Aussi l'étude du profil de ses différents acteurs
serait-elle intéressante.
2.1. LES FORMES DE L'EXPLOITATION ARTISANALE DE L'OR A
HIRE
2.1.1 Le processus d'identification et de
négociation des terres pour l'orpaillage 2.1.1.1 La recherche des sites
d'exploitation pour l'orpaillage
La recherche des sites est la première étape
dans l'exploitation artisanale de l'or. Les parcelles à exploiter sont
sélectionnées selon que le site présente une
végétation ou des roches familières à l'or. Il est
généralement admis que l'or évolue selon un axe
appelé filon. Lorsque l'or a été découvert en un
point A, il suit l'axe de progression de ce filon. C'est donc sur cet axe que
la végétation est observée ou sur d'anciens sites. Sur les
sites d'exploitation alluvionnaire, l'or se révèle d'un lieu lors
des grandes pluies. Certains orpailleurs professionnels utilisent des
détecteurs de métaux d'or pour faciliter la recherche. Une fois
le «gisement" trouvé, le propriétaire terrien est
contacté pour que les négociations sur les conditions
d'exploitation de son site soient conclues.
2.1.1.2. L'orpaillage et le contrat de concession avec
les propriétaires terriens
Les orpailleurs pour l'exercice de leur activité
concluent des accords avec les propriétaires terriens. Ces arrangements
autour de la terre entre les orpailleurs et les propriétaires terriens,
sont verbaux et se font dans la recherche des intérêts de chacune
des deux parties. Les orpailleurs y voient l'opportunité de
perpétrer leur activité tandis que les propriétaires
terriens y voient l'occasion de se faire de l'argent facilement et
rapidement.
Généralement, les terres occupées par les
orpailleurs ne sont pas vendues mais louées à des
propriétaires de ?trous?. Plusieurs types de contrats sont conclus entre
les propriétaires terriens ou les propriétaires d'exploitations
et les orpailleurs.
86
Certains orpailleurs paient des terres en tickets avec les
propriétaires. Ces tickets appelés tickets d'exploitation leur
donne le droit d'accès au site. Le coût du ticket est fixé
selon le type d'exploitation et selon le sexe de l'exploitant. Par
conséquent, pour le lavage simple, les femmes paient 500 F CFA et les
hommes 1000 F CFA par semaine. Ceux qui font le lavage à la batée
payent 7 000 F CFA par semaine. Cependant ces montants ne sont pas
homologués et peuvent varier d'un site à un autre. Sur l'un des
sites d'Assayé situé dans une plantation de cacao, le
propriétaire exige une somme de 5 000 F CFA par orpailleurs et par
semaine.
Il y a également des cas de location de terre mensuelle
de 30 000 à 50 000 F CFA et annuelle comprise entre 2 000 000 et 4 000
000 F CFA. Ces terres cédées sont généralement des
terres cultivables, soit en production, soit en jachère. Les terres
prisées par les orpailleurs sont généralement des
bas-fonds car disent-ils que l'or se trouve dans le fond des vallées. Ce
sont de grandes parcelles sur lesquelles l'extraction est faite soit à
ciel ouvert soit de façon souterraine. Les propriétaires font des
passages réguliers sur les sites pour s'assurer que tous ceux qui y
exercent ont effectivement payés leurs tickets. Lorsque le
propriétaire terrien surprend sur son terrain un contrevenant, celui-ci
est sommé de payer son droit sous peine d'expulsion. Ce type de
situation entraine souvent des conflits entre les propriétaires de terre
et les orpailleurs qui aboutissent parfois à la fermeture temporaire des
sites.
Le cas du site de Bouakako 2 est différent. Là,
les acheteurs d'or se sont regroupés pour acheter le site d'exploitation
aux autochtones. Le contrat d'achat monte à 3 millions de F CFA en
espèce, des chaises en plastique et des bâches, plus des animaux
à sacrifier. Dans tous les cas l'enjeu économique est tel que le
non-respect des termes du contrat entraîne des conflits. A Bouakako, les
Orpailleurs ne prennent pas le ticket d'exploitation. Cependant ils sont tenus
de vendre leur production aux acheteurs propriétaires du site sous peine
de se voir expulser. La différence est qu'à défaut de
payer des tickets les orpailleurs vendent leur or à un prix forfaitaire
de 7 500 F CFA le gramme au lieu de 8 500 ou 9.000 F CFA sur les autres
sites.
Les propriétaires terriens sont constitués par
les autochtones Dida et Baoulé. Ils sont les chefs et
propriétaires de terre dans la localité. Ce sont eux qui mettent
leur terre à la disposition des orpailleurs pour son exploitation.
Plusieurs propriétaires terriens sollicitent eux-mêmes les
orpailleurs afin que ceux-ci inspectent leur parcelle à la recherche
d'indices aurifères dans le but de le leur céder.
87
Sur certains sites d'orpaillage déjà
abandonnés dans la zone d'étude comme celui d'Assayé,
même après le passage des orpailleurs, les propriétaires
terriens continuent d'obtenir des gains en prélevant de l'argent
à tous ceux qui viennent l'exploiter à nouveau. Ces primes vont
de 500 F CFA à 1 500 F CFA par jour et de 3 000F CFA à 5 000F CFA
par semaine selon les voeux de l'exploitant (Kouadio, op.cit.). Selon le chef
du village de Djangobo ; « l'or ne finit jamais sur un site mais c'est la
baisse du rendement qui pousse les orpailleurs à abandonner le site. Il
y a également des propriétaires terriens qui vendent
définitivement leurs terres aux orpailleurs contre un
intéressement sur l'or récolté.
2.1.2 Les différentes étapes dans la
chaîne de production artisanale de l'or
L'exploitation artisanale de l'or se fait selon quatre
étapes majeures qui constituent une chaîne de production
établie par les orpailleurs (voir figure 10).
Figure 10 : Chaîne de production artisanale de
l'or
Source : YOBO, 2016
Déblaiement du site
Creusage ou extraction
Lavage
Raffinage
La chaîne de production artisanale de l'or comprend les
étapes suivantes : la phase de déblaiement, l'extraction, le
lavage et le raffinage.
2.1.2.1 Le déblaiement du site
C'est la première étape menée par les
orpailleurs sur le site à traiter. Elle intervient après que le
site a été testé positif et que l'accord avec le
propriétaire terrien a été scellé. Cette
étape permet de dégager le site, de l'aérer afin de
travailler sans être gêné par la végétation.
Les sites sont généralement recouverts de cultures ou de
végétation naturelle.
2.1.2.2. L'étape de l'extraction du
minerai
L'extraction de l'or se fait selon deux pratiques liées
à la nature du gisement. Il s'agit de l'exploitation alluvionnaire qui
se déroule à ciel ouvert et de l'exploitation de filon qui se
fait de façon souterraine.
88
Une alluvion est un dépôt graniteux à
sableux pouvant contenir des substances minérales laissées par un
cours d'eau. L'exploitation alluvionnaire est la plus ancienne et la plus
facile des méthodes d'extraction artisanale de l'or. Le minerai se
trouvant à faible profondeur, c'est généralement dans les
grandes vallées humides qu'elle se pratique. Elle occupe la
majorité des acteurs du secteur artisanal de Hiré et se pratique
sur les sites d'Assayé, Bouakako et sur l'axe Hiré-Taabo. Cet
alluvionnement est facilité par le relief de la zone de Hiré. En
effet, la région est composée de grands interfluves aux pentes
raides souvent en forme de collines. Ces pentes et le niveau de pluie qui est
élevé génèrent une forte érosion suivie d'un
fort dépôt d'alluvions où l'or est entassé.
2.1.2.3 L'exploitation des filons
Un filon est une masse rocheuse qui se met en place dans un
antre à la faveur d'une fracture (ou faille). Il peut représenter
un gisement de substances minérales exploitables de façon
souterraine dans les conditions économiques du moment. Son creusage
nécessite une main d'oeuvre importante. Deux à trois personnes
creusent la terre à l'aide d'outils comme les pioches, les pelles et les
dabas. La terre creusée est amoncelée puis transportée
jusqu'au point de lavage. Le minerai se trouve dans les roches plus profondes
appelées "roche mère?. La profondeur des puits peut atteindre
jusqu'à 20 à 25 mètres. Il existe des tunnels qui relient
les puits entre eux de sorte que l'ensemble constitue un réseau
souterrain dense. Sur ces sites, les acteurs creuseurs sont uniquement des
hommes parce que l'activité fait beaucoup appel à la force
physique. Toutefois, le transport des roches est assuré par les femmes
et les enfants. L'exploitation de ce type de gisement est redoutée par
la plupart des orpailleurs à cause des risques énormes
d'accidents par éboulement que présente ce mode d'extraction. Il
nécessite un savoir-faire et une certaine technicité de la part
des acteurs. Ce sont donc les orpailleurs de profession,
généralement les non nationaux, qui s'y adonnent. Ces roches sont
à la suite lavées et examinées minutieusement à
l'oeil nu en vue de détecter à la surface des paillettes d'or.
Les roches présentant les paillettes d'or sur leurs surfaces sont
accumulées puis réduites en poudre dans de grandes broyeuses. La
poudre ainsi obtenue est lavée selon les techniques ci-dessous
décrites.
Le traitement de l'or se fait selon trois formes : le lavage
simple, le lavage à la batée et le lavage au cyanure. Dans le cas
de l'exploitation des filons, les roches extraites sont transportées en
ville pour y être broyées dans les broyeurs.
? Le lavage à la batée
Le lavage à la batée consiste à
séparer le gravier du sable fin par le procédé de lavage
à l'aide d'une calebasse. Cette opération se fait dans un petit
barrage construit par les orpailleurs eux-mêmes. C'est une technique
utilisée dans l'exploitation alluvionnaire ou à ciel ouvert (voir
photo 4). Il est assuré par les femmes et les jeunes filles car ne
nécessitant pas beaucoup d'efforts physiques. C'est une méthode
que les femmes maîtrisent bien car elle est la même que celle
utilisée pour laver le riz et le séparer des grains de sables.
Elles ont une connaissance pratique de cette méthode et cette
activité leur est aisée. Les femmes travaillent soit
individuellement soit avec quelques membres de leur famille. Le rendement est
faible parce qu'elles ne peuvent pas traiter beaucoup de sable par cette
méthode. Au cours de cette méthode, le mercure est utilisé
pour retenir la poudre d'or au fond de la calebasse.
|
Le lavage simple est une activité
spécialement dédiée aux femmes car elle s'apparente au
lavage du riz.
|
89
Auteur cliché : YOBO, 2015 Photo 4 : le
lavage à la batée
90
? Le lavage simple
Le lavage simple se fait par jet d'eau à l'aide d'un
moteur (wombiaré en Moré) ou sur un instrument en bois en forme
de pirogue appelé `'pirogue ou kourou en Malinké». Sur le
« wombiaré », une moto pompe reliée à un puits
antérieurement creusé, refoule l'eau vers la caisse (voir photo
5). Les fines particules d'or qu'elle contient sont recueillies sur le tapis du
filtreur qui sera lavé à son tour, toutes les 30 à 60
minutes selon la richesse du sous-sol, dans une grande bassine d'eau. Par
contre, sur le « kourou », le lavage se fait par des mouvements
circulaires de la main de jet d'eau sur le sable (photo 6). Le gravier
séparé du sable fin est récupéré à
l'autre bout de la pirogue par deux personnes pour être jeté plus
loin afin de permettre la circulation de l'eau. Le sable fin retenu sur les
tamis de ces deux instruments sous forme de sédiment contenant les
pépites d'or est recueilli progressivement par le propriétaire de
l'unité de production pour le lavage final en fin de journée au
mercure. C'est une activité très complexe qui nécessite
l'intervention d'un minimum de trois personnes. La méthode de lavage
simple a un avantage par rapport au lavage à la batée car elle
permet de traiter beaucoup de sable et par conséquent de collecter plus
d'or.
|
Cet instrument est connecté à une motopompe
qui remonte l'eau vers la machine. Il est également équipé
d'un tapis qui permet de retenir les pépites.
|
Auteur cliché : YOBO, 2015
|
|
Photo 5: Instrument de lavage appelé « le
wombiaré»
|
La pirogue est un instrument traditionnel qui permet le
lavage rapide du minerai. Le tapis, retient les pépites d'or contenues
dans le sable.
|
91
Auteur cliché : YOBO, 2015
Photo 6 : Instrument de lavage appelé «
pirogue » 2.1.2.3 Le raffinage dans l'orpaillage
Le raffinage est l'étape définitive du
traitement de l'or. Une fois le lavage à la batée
terminée, les parties fines du minerai sont déposées dans
un bol en fer puis on y ajoute du mercure. Le mercure en contact avec l'or
réagit immédiatement pour former un amalgame. Cet amalgame est
récupéré puis chauffé dans un four pour en extraire
le mercure en évaporation ce qui laisse alors un résidu d'or.
Bien que ce procédé soit largement répandu, la
récupération de l'or par cette méthode n'excède pas
60% particulièrement pour les minerais à grains d'or très
fins ou quand le minerai contient d'autres métaux qui réagissent
avec le mercure.
Le sable supposé ne plus contenir de particules d'or
après le lavage à la batée est alors vendu à une
autre catégorie d'orpailleurs qui achète des monceaux de sable
d'une hauteur d'environ 1.5 m à 400.000 FCFA pour aller les traiter,
cette fois au cyanure. La photo 7 présente l'installation pour ce
traitement après lequel le sable ne contient plus d'or. La
récupération de l'or avec le cyanure semble plus efficace et est
estimé à 90 voire 100% d'efficacité.
92
|
Le lavage au cyanure est le lavage ultime du minerai pour en
extraire l'or. Il est pratiqué par des orpailleurs
spécialés et expérimentés car très
dangeureux à cause du cyanure.
|
Auteur photo : YOBO, 2015
|
|
Photo 7 : Aménagement pour le raffinage au
cyanure
2.1.3 Le profil sociodémographique des
orpailleurs
2.1.3.1 Un orpaillage dominé par les acteurs
masculins jeunes et de 30 ans
La répartition par sexe des orpailleurs de la zone
d'étude donne 74% d'hommes contre 24% de femmes. Au regard de ces
statistiques, on constate qu'il existe un déséquilibre important
entre le nombre d'hommes et de femmes. En effet, sur les différents
sites de la localité », l'essentiel des tâches est
réalisé par les hommes. C'est une activité qui demande
d'importants efforts physiques. Ce qui explique cette forte présence
masculine.
Du point de vue de la répartition des orpailleurs selon
l'âge, il faut signaler qu'on trouve en leur sein des personnes de tout
âge qu'on peut regrouper en trois classes d'âges. La
première classe est celle des 11-20 ans. Ils représentent 10% de
l'effectif des orpailleurs enquêtés. C'est dans la tranche
d'âge des 21-30 ans que l'on compte le plus grand nombre
d'enquêtés, soit 54,4% des orpailleurs. Ceux de plus de 30 ans
représentent 35,6%. On trouve dans cette tranche l'essentiel des chefs
de sites ou de groupes. Sur l'ensemble des sites on constate une frange
importante des moins de 21 ans. L'orpaillage étant une activité
beaucoup physique, les personnes de cette catégorie en supportent mieux
les difficultés.
93
2.1.3.2 Des orpailleurs composés en grande partie
d'étrangers
Les résultats des enquêtes montrent que 63% des
orpailleurs sont de nationalité étrangère contre seulement
34% d'ivoiriens. La proportion d'étranger est composée à
44% de Burkinabé, à 9% de malien.
Les Guinéens et les Ghanéens représentent
chacun 5% des enquêtés. La proportion importante des
ressortissants de ces pays est liée au fait que l'orpaillage est
également une activité en pleine expansion dans leurs pays
d'origine.
Tableau 3 : répartition des orpailleurs selon la
nationalité
Nationalité
|
Effectifs
|
Burkinabé
|
44%
|
Malienne
|
9%
|
Guinéenne
|
05%
|
Ghanéenne
|
05%
|
Ivoirienne
|
34%
|
Autres
|
3%
|
Source : nos enquêtes, 2015
La faible représentation des ivoiriens dans
l'activité d'orpaillage repose dans le fait qu'ils ne s'y connaissent
pas vraiment. Les plus nombreux sont les ressortissants du Nord car
l'orpaillage est également pratiqué dans les localités de
Korhogo et de Tortya, leur aire d'origine. On trouve également quelques
Baoulé puis des Dida qui pratiquent l'orpaillage.
2.1.3.3 Répartition des orpailleurs selon
l'origine socio-professionnelle
La ruée vers l'or suscitée par l'ouverture de la
mine de Bonikro, a eu pour effet d'attirer de nombreuses personnes vers
l'orpaillage. Nos entretiens avec les orpailleurs nous ont permis de
réaliser que ceux-ci sont d'origine socioprofessionnelle diverse. Il y a
des agriculteurs, des manoeuvres agricoles, des commerçants, des
artisans, des élèves et des sans-emplois (tableau 4).
94
Tableau 4 : origine socio professionnelle des
orpailleurs
Origines socio-professionnelles
|
Effectif
|
Taux (en %)
|
Paysans
|
22
|
27,5
|
Ouvriers agricoles
|
16
|
20
|
Orpailleurs
|
20
|
25
|
Petits métiers
|
4
|
5
|
Commerçants
|
8
|
10
|
Sans emploi
|
4
|
5
|
Elèves et étudiants
|
6
|
7,5
|
Total
|
80
|
100
|
Source : nos enquêtes, 2015
2.1.3.4. Répartition des orpailleurs selon leur
poids dans l'activité V' Les grands
exploitants
Ils sont appelés grands exploitants du fait des moyens
colossaux qu'ils injectent dans cette activité. Ce sont en effet des
orpailleurs qui possèdent des facteurs de production et un fond de
roulement plus ou moins élevé. Ce capital leur permet d'engager
dans leur unité de production de la main d'oeuvre journalière
comprise entre 10 et 12 personnes. Ces grands exploitants utilisent en
général la méthode du lavage à la batée dans
la recherche de l'or. La plupart sont des personnes ayant déjà
exercé l'activité d'orpaillage, soit en tant qu'ouvrier, soit
auprès de leurs parents. Cela leur vaut d'avoir un important fond de
roulement, des moyens de production et des connaissances pratiques dans les
différents processus de l'activité.
V' Les Petits exploitants
Leur effectif est difficile à estimer mais ils sont les
plus nombreux. Les femmes constituent une proportion importante de cette
catégorie d'orpailleurs. La quasi-totalité de ces exploitants n'a
pas d'autorisation d'exploitation. Ils exploitent tous dans la
clandestinité (illégalité). Dans l'incapacité de se
procurer les moyens de production de masse, ils se contentent de creuser la
terre à la recherche de pierres. Les "Petits" exploitants sont aussi
ceux qui font le lavage simple à l'aide de calebasse dans les petits
barrages qu'ils construisent.
V' Les ouvriers journaliers
Ce sont généralement des jeunes (filles et
garçons) sans emploi ou en quête d'emploi à la mine et
parfois des élèves. Ils s'adonnent à l'orpaillage pour
avoir une certaine autonomie financière. Leurs prestations sur les sites
d'orpaillage sont rémunérées à 1 500 F CFA/jour et
à 2 000 F CFA, soit qu'ils travaillent une demie journée ou une
journée entière. Leur travail consiste à
95
creuser, transporter la terre excavée jusqu'au bassin
où se fait le lavage et enfin à laver la terre. Les tâches
des ouvriers sont souvent classifiées en fonction du genre. Les hommes
sont affectés aux tâches qui nécessitent le plus de forces
physiques. Ainsi, ils s'occupent du creusage et du lavage. Les femmes quant
à elles s'occupent du transport de la terre creusée et du service
d'eau pour le lavage.
2.2. L'EXPLOITATION INDUSTRIELLE DE L'OR
2.2.1. Une succession de concessionnaires à
l'oeuvre à Hiré
La mine de Bonikro a été administrée par
une série de propriétaire à travers des opérations
de fusions acquisitions telles que décrites ci-dessous.
EQUIGOLD CI, société minière de droit
ivoirien créée en 1996. C'est seulement en 2002 que
l'opérateur perçoit les prémices d'un gisement
potentiellement exploitable sur le site de Bonikro. Les travaux d'exploration
ont débuté en août 1996 avec un permis d'exploration
couvrant 471,38 km2. Ils aboutissent en Novembre 2005 à la
première étude de faisabilité concluant à
l'existence d'un gisement économiquement exploitable.
En septembre 2006, EQUIGOLD-CI se mue en EQUIGOLD MINE. La
structure de la nouvelle unité d'exploitation se met ainsi
progressivement en place. La société Lgl-Eguigold Mines CI SA a
donc signé une convention avec l'Etat de Côte d'Ivoire le 03 Mai
2007. Hormis le site de Bonikro, le groupe dispose de plusieurs permis de
recherche couvrant une superficie totale de 10 000 km2. Le 11
juillet 2008 une nouvelle étape est franchie, EQUIGOLD MINE et LGL
fusionnent pour générer la nouvelle structure juridique de
l'exploitation de la mine d'or de Bonikro. LGL EQUIGOLD MINE CI est née
avec un capital de 90 millions F CFA et la première mine ouvre en 2008
à Bonikro couvrant 107,9 km2.
LGL a créé 5 entités nationales en
Côte d'Ivoire. Il s'agit entre autres de la :
- LGL Développement Côte d'Ivoire (LMCI)
chargée de l'exploitation de la mine de
Bonikro ;
- LGL ressources CI (LRCI) chargée de l'exploitation ;
- LGL Holdings Côte d'Ivoire (LHCI) ;
- LGL Développement Côte d'Ivoire (LDCI) et ;
- LGL Exploration Côte d'Ivoire (LECI).
96
NEWCREST Mining Limited (NEWCREST) est l'une des plus grandes
sociétés minières d'or dans le monde en termes de
capitalisation avec une source humaine d'environ 10 000 employés et
sous-traitants. Son activité primaire est la production de l'or avec le
cuivre comme produit secondaire. De façon concise la stratégie de
NEWCREST est de développer des opérations de grande taille et de
longue vie avec des techniques d'extractions d'or moins coûteuses. En se
basant sur cette stratégie NEWCREST continue à étendre son
portefeuille d'opportunité dans l'or dans le but de les convertir en
mines opérationnelles. Les mines de NEWCREST sont situées en
Australie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, en Indonésie et en
Côte d'Ivoire dans la région de Hiré. Depuis 2010, NEWCREST
Mining Limited, compagnie d'or en Australie a fusionné avec LGL et a
ainsi repris la mine de Bonikro. NEWCREST cherche à développer
une entreprise en Afrique de l'Ouest avec des méthodes établies
et durables. Elle a conservé les entités nationales
établies par LGL en Côte d'Ivoire et listées ci-dessus tout
en ajoutant deux nouvelles entités pour les fosses satellites de
Hiré et Dougbafla Est. Il s'agit de :
- NEWCREST Hiré Côte d'Ivoire (NHCI)
- NEWCREST Dougbafla Côte d'Ivoire (NDCI)
NEWCREST possède 89% du capital de la
société et la part restante est détenue par l'Etat de
Côte d'Ivoire (10%) et par un actionnaire minoritaire (0,11%). Elle
détient trois permis d'exploitations dans la sous-préfecture de
Hiré dont les superficies cumulées font 522,72 km2.
2.2.2. Des terres d'exploitation concédées
par l'Etat
Les sociétés d'exploitation minière
établissent leur convention d'exploitation avec l'Etat qui est
l'interlocuteur principal en ce qui concerne l'affectation des terres
nécessaires à l'activité minière industrielle.
Cette convention fixe les conditions spécifiques d'exploitation
notamment les droits et obligations du titulaire de permis d'exploitation
singulièrement pour l'occupation foncière. Toutefois, la
propriété de droits coutumiers selon les décrets se
rapportant au code foncier rural est reconnue aux communautés locales.
De plus, le code minier de 2014 précise que « les mines constituent
une propriété distincte de la propriété du sol.
Elles appartiennent à l'État et constituent un domaine public
particulier ». Les zones à l'intérieur desquelles
l'exploitation artisanale est permise sont réservées ou
déclassées par décret pris en conseil des ministres sur
proposition du ministre chargé des mines.
Les terrains nécessaires à l'activité de
prospection et d'exploitation des minerais sont mis à la disposition des
personnes physiques et morales qui en détiennent les permis ou
l'autorisation
97
selon les modalités et les conditions établies
par le décret d'autorisation. L'occupation de ces terres donne droit
à l'occupant et au propriétaire foncier à une juste
indemnisation. Les modalités de cette indemnisation sont fixées
par décrets selon le cas. Cette indemnisation est faite à la
suite d'un accord signé entre l'occupant légitime du sol,
l'exploitant et l'administration des mines. Les terrains non
réquisitionnés ne sont pas concernés sauf ceux qui
subissent des dommages du fait de passages répétés
d'engins qui causent des dommages et des désagréments. Ces
passages à répétition donnent également droit
à une juste indemnité négociée en présence
des structures administratives compétentes.
2.2.3. Les différents cas de
compensation
Selon le code minier de 1995 révisé en 2014, la
compensation est payée dans les cas suivants :
- la compensation pour occupation de la parcelle (acquisition
en numéraires de la valeur de la terre pour les propriétaires
terriens) ;
- la compensation pour destruction de cultures (compensation
en numéraires pour perte de revenu des exploitants agricoles) ;
- la compensation pour destruction de biens immobiliers
(compensation en numéraires de la valeur des biens immeubles).
2.2.4. Les exigences de compensation de la Banque
mondiale
(i) Concevoir les activités de réinstallation
involontaire et de compensation en tant que programmes de développement
durable fournissant suffisamment de ressources d'investissement pour que les
personnes déplacées par le projet aient l'opportunité d'en
partager les bénéfices.
(ii) Les personnes déplacées et recevant une
compensation doivent être formellement consultées et avoir
l'opportunité de participer à la planification et à la
mise en oeuvre des programmes de réinstallation.
(iii) Les personnes déplacées doivent
être assistées dans leurs efforts pour améliorer leurs
moyens d'existence et leur niveau de vie, ou du moins les rétablir, en
termes réels, à leur niveau d'avant le déplacement.
98
2.2.5 La compensation pour occupation de
parcelles
Les terres occupées par la société
minière concernent aussi bien les terres du milieu urbain que celles du
milieu rural. Ces terres sont régies selon leur localisation soit par le
foncier rural soit par le foncier urbain.
L'activité minière industrielle à
Hiré a démarré par la mine de Bonikro où les
parcelles cédées sont des terres relevant exclusivement du
domaine foncier rural. Le paiement de la purge des droits coutumiers à
cette date était régi par le décret n°88-884 du 25
octobre 1996 portant réglementation de la purge des droits
coutumiers.
Au début de ses activités, la
société minière n'a pas voulu indemniser les
propriétaires fonciers pour l'occupation de leurs terres, s'appuyant sur
la loi du 20 Juillet 1990 qui stipule que «toutes les terres vacantes et
sans maître» sont propriété de l'Etat. Pour la
société minière, ce sont les cultures ou les installations
sur la terre qui appartiennent aux populations. Après plusieurs
négociations, la société minière a
accédé à la demande des populations en indemnisant que les
terres mises en valeur. Les parcelles non mises en valeur n'étant
toujours pas indemnisées. Le montant pratiqué par la
société minière était de 200 000 FCFA puis est
passé à ce jour à 250 000F CFA.
La mine de NEWCREST à Hiré, située
à la périphérie de la ville, comprend des terres qui
relèvent du foncier rural et des terres qui relèvent du foncier
urbain. Pour l'indemnisation de ces terres, la société a
appliqué deux types de paiement. Pour les terres dites du domaine rural,
elle a considéré les cultures dont ces terres étaient
revêtues et appliqué le paiement de l'hectare à 200 000F
CFA, soit 200 F CFA le mètre carré.
Les terres urbaines sont des terres villageoises qui ont
été loties. Le lotissement est une opération dont l'objet
est de diviser un terrain en lots. Il est effectué à l'initiative
soit de la puissance publique, soit du chef de la famille propriétaire
des terres. Une fois, qu'un chef de famille constate que ses terres sont en
train d'être gagnées par l'évolution de la ville, il
décide de faire la demande de lotissement à la mairie. La mairie
exige que lui soit présenté un document signé par
l'ensemble des membres de la famille, preuve du consentement de tous pour le
lotissement. Une fois ce document signé, la mairie transmet le dossier
à la sous-préfecture qui en prend acte et le retransmet à
la mairie. Celle-ci prend attache avec un géomètre
spécialiste qui procède au lotissement. Une fois le lotissement
effectué, la terre entre dans le domaine du foncier urbain et dans le
cadre d'une expropriation, elle est indemnisée en tant que telle. Le
prix d'un lot étant fonction de la qualité du quartier, le
dédommagement est fait en fonction des prix
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pratiqués dans le quartier concerné. Pour le
quartier Baoulé, le prix du lot est de 150 000 F CFA.
2.2.6. La compensation pour destruction de
cultures
L'occupation des terres par les bénéficiaires de
titres miniers leur donne droit de couper le bois nécessaire à
leur activité et d'utiliser les chutes d'eau libres, le tout à
l'intérieur du périmètre défini dans le titre
minier ou l'autorisation, sous réserve d'indemnisation ou de paiement
des taxes ou redevances prévues par les lois ou règlements en
vigueur.
L'indemnisation est prescrite par le code minier et le
décret N°2014-397 du 25 juin 2014 déterminant les
modalités d'application de la loi N°2014-138 du 24 mars portant
code minier précise en son chapitre 2 les relations avec les occupants
du sol. Ainsi, l'article 134 énonce que « l'indemnité au
profit de l'occupant légitime du sol dont les terres sont devenues
impropres à la culture est déterminée par la formule
suivante :
[D=(R x 15) + (P x S) + r]N avec :
D = Dédommagement en francs CFA
R = Revenu annuel de la parcelle
N = Nombre d'année d'occupation
P = Prix moyen d'acquisition ou d'usufruit d'un hectare
S = Superficie en hectares
r = revenu obtenu des cultures associées payé en
pied.
Le code minier ivoirien ne précise pas le prix moyen
d'acquisition ou d'usufruit. Il est normalement fixé par
décret.
L'indemnisation pour destruction de cultures est
l'aboutissement d'un processus long et laborieux. Dans le cadre de ses
activités, la société NEWCREST a eu à mener cet
exercice pour les différents sites occupés. Ainsi l'indemnisation
est effectuée suivant un processus et est relative au barème
utilisé.
2.2.7. La compensation pour destruction de biens
immobiliers
L'installation de la mine de Bonikro a nécessité
le déplacement des populations des localités environnantes. Il
s'agit des campements de Bonikro, Bandamakro et Koutouklou-Konankro. La
relocalisation s'est effectuée par des procédés et des
techniques différents les uns des autres et
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de façon progressive. Ainsi, ces localités
ont-été déplacées à différentes dates
par les différents concessionnaires de la mine de Bonikro.
L'identification des personnes à indemniser et
l'évaluation des montants à payer relèvent d'un long et
lent processus qui s'opère selon les étapes ci-dessous
présentées.
2.2.7.1. La délimitation globale de la zone
concernée par les compensations
Il s'agit de marquer physiquement la zone à compenser
par des bornes visibles. Les sommets de ces bornes doivent être
rattachés au système de projection géographique
utilisé en Côte d'Ivoire (UTM WGS 84) pour lui donner
référentiel géographique à la zone de travail.
2.2.7.2. Le recensement des communautés et des
personnes
Au vu de la délimitation de la zone du projet, toutes
les personnes physiques ou morales ayant des intérêts sur l'espace
délimité sont invitées à se faire recenser en tant
que propriétaires terriens ou exploitants. Chaque exploitant devra
être reconnu par son propriétaire terrien par la délivrance
d'une attestation d'occupation.
2.2.7.3. La Délimitation des
propriétés
Elle se fait avec l'ouverture des layons et levé GPS
autour de chaque parcelle de propriétaire terriens et doit se faire en
accord avec les voisins immédiats. Le résultat du levé GPS
est consigné sur la fiche de levé GPS, l'inventaire et le
comptage et la superficie est communiquée sur place au
propriétaire terrien pour validation. La fiche est signée par
l'agent de la structure qui exécute les travaux, par l'agent de
l'agriculture et par un agent de la structure commanditaire des travaux.
2.2.7.4. Inventaire et comptage des plants
Cette phase est réalisée sous le contrôle
du Ministère de l'Agriculture, en présence bien sûr de
l'exploitant (voir annexe 2). La fiche d'inventaire et de comptage des cultures
présentes est dûment renseignée et signée par
l'agent de la structure qui exécute les travaux, par l'agent de
l'agriculture et par un agent de la structure commanditaire des travaux, et
soumise à la validation. Ici, il faut noter que le comptage se fait
selon deux modes :
- par comptage de pieds des plants isolés sur la parcelle
;
- par densité (nombre de pieds par hectare). Ce mode
est assujetti à une norme selon laquelle, doit être
considéré en densité, tout champ ayant une superficie
supérieure ou
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égale à 0.3 hectare et respectant les normes
agronomiques sur les spéculations emblavées.
Le traitement des données recueillies au GPS et des
fiches d'inventaires permet de créer une base de données
géographiques issue des données du levé GPS et une base de
données relative aux parcelles. Ces deux bases de données sont
reliées pour la réalisation d'un système d'information
géographique qui permet de produire les fiches de paie ou
évaluation. Aussi, le calcul des compensations se fait en
conformité avec le barème consensuel de compensation en vigueur
(annexe 3).
2.2.7.5. Le paiement des compensations
C'est la dernière étape. Le paiement se fait
à la sous-préfecture de la localité, moyennant la
photocopie de la pièce d'identité de l'exploitant ou du
propriétaire terrien, d'une fiche de désistement. La fiche de
paiement est ensuite signée par le propriétaire ou l'exploitant,
le représentant de la structure commanditaire, le représentant de
l'opérateur, le Sous-préfet de la localité. Notons
cependant, qu'un mécanisme de gestion des réclamations reste
à la portée des communautés.
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