Conclusion de la revue de littérature
Au terme de cette revue de littérature, nous remarquons
que la question de l'impact de l'exploitation minière a
été beaucoup abordée notamment en ce qui concerne l'impact
environnemental dans les pays d'Amérique Latine, en Europe et en Afrique
précisément au Congo Kinshasa. Ces travaux ont pour la plupart
privilégié l'influence de l'activité sur la
32
destruction de la flore, de la faune et des équilibres
naturels. Plusieurs écrits ont également porté sur
l'aspect économique de l'activité minière
privilégiant ainsi la rentabilité pécuniaire que
génère cette activité. Quelques rares écrits ont
porté sur le caractère urbanisant de l'activité.
Concernant la Côte d'Ivoire en général,
nous constatons qu'il y a peu d'études sur la question. Les quelques
études sur le thème portent sur l'exploitation minière
artisanale, sur les manifestations des populations dans les villes d'extraction
minière et sur l'impact environnemental des activités des
industries extractives. A côté de ceux-ci, on trouve des documents
officiels sur la réglementation et la gestion du secteur minier
ivoirien.
Par ailleurs, la relation entre l'exploitation minière
et le développement local n'a pas suffisamment retenu l'attention des
chercheurs nationaux. Face à cette insuffisance d'écrits sur la
question, nous voulons à travers cette étude apporter notre
contribution à la connaissance des interrelations qui conduisent ou non
l'activité minière au développement des localités
hôtes.
L'importance de l'activité aurifère qui se
déroule à Hiré et l'importance des acteurs qui y exercent
en font un espace idéal de l'étude de la contribution de
l'exploitation minière au développement local. Il s'agira
à travers une étude des différentes incidences spatiales
économiques, sociales et environnementales de connaitre la contribution
de l'activité minière au développement de la
sous-préfecture de Hiré.
33
III. PROBLEMATIQUE
L'exploitation minière est une activité
très ancienne qui a été au centre du processus
d'industrialisation des pays du Nord. Aujourd'hui cette exploitation s'est
déplacée vers les pays du Sud où elle a acquis une
importance stratégique majeure. Dans ces pays notamment ceux de
l'Afrique subsaharienne, l'exploitation minière connait depuis la
décennie 2000 une expansion. En effet, l'épuisement des
réserves dans les pays du Nord, ainsi que la forte demande en ressources
minières des pays émergents a favorisé l'explosion de
l'exploitation des ressources minières dans les pays de l'Afrique de
l'Ouest. La mise en valeur des richesses minières de certains de ces
pays comme la Guinée a été encouragée par les
institutions de Breton Woods. De toutes les ressources minières dont
regorge le sous-sol des pays d'Afrique l'Ouest, l'or est le plus important. On
y trouve même des réserves d'importance mondiale. La production
d'or de l'UEMOA est passée de 57,6 tonnes en 2007 à 95,7 tonnes
en 2011, soit une augmentation de 66,1%. Sur la période 2007-2011, elle
représente en moyenne 3,1% de la production mondiale
évaluée à 2.400 tonnes (BCEAO, 2013). Cette production est
portée par les pays comme le Ghana et le Mali qui occupent
respectivement le deuxième et le troisième rang à
l'échelle continentale. Cependant, depuis 2008, la contribution de ces
pays a relativement baissé au profit du Burkina et dans une moindre
mesure, de la Côte d'Ivoire (Magrin and Perrier-Brusle ; 2009).
Le sous-sol ivoirien regorge d'importantes réserves de
fer, de diamant et surtout d'or. Fort de cela, l'Etat à travers le Plan
National de Développement (PND 2012-2015) fait du secteur minier un des
éléments stratégiques de sa vision de
développement. Cette décision vient accentuer
l'intérêt pour le secteur qui depuis la décennie 2000 se
traduit par la multiplication de permis miniers. Ce sont jusqu'en juin 2014,
108 permis de recherche dont 87 pour le minerai aurifère et 12 permis
d'exploitation dont 08 pour l'or (DGMI 2014). Afin de créer un cadre
institutionnel favorable à l'exploitation minière, plusieurs
mesures ont été prises parmi lesquelles la révision en
2014 du code minier de 1995, l'adhésion à l'ITIE, etc. Cela a
permis au chiffre d'affaires de l'exploitation minière de croitre de +24
% en 2015 à 479 milliards de F CFA (730 millions d'euros) en raison de
la hausse de la production aurifère.
La sous-préfecture de Hiré concentre à
elle seule deux permis d'exploitation minière industrielle et une
exploitation artisanale en pleine expansion depuis l'ouverture de l'usine
minière. La réalité de l'activité aurifère
dans la sous-préfecture de Hiré a comme toute activité
économique des répercutions sur l'organisation spatiale et les
habitudes socio-économiques
34
dans les espaces qui les accueillent. La promotion de
l'exploitation minière ainsi menée visait à stimuler le
développement aussi bien au niveau des collectivités hôtes
qu'au niveau national. Les espoirs portés par l'exploitation
minière sont considérables. Vingt ans de mise en place des
unités industrielles et artisanales d'exploitation de l'or dans la
sous-préfecture de Hiré apportent un contenu de temps et d'espace
pour y explorer leurs effets socio géographiques sur le
développement local attendu. Aussi les révoltes
répétées des populations à l'encontre de la
compagnie minière et des orpailleurs sont-elles les signes d'un malaise
de la population face aux acteurs miniers ou plus tôt les
éléments d'un ajustement structurel à des changements
profonds qui apportent le développement dans l'environnement local. Cela
nous conduit à une question centrale.
Question centrale
Comment l'exploitation aurifère contribue-t-elle au
développement de la sous-préfecture de Hiré ?
Questions secondaires
De cette question principale découlent les questions
secondaires suivantes :
1. Quelle est la distribution spatiale de l'activité
aurifère dans la sous-préfecture de Hiré ?
2. Quels sont les impacts de l'activité minière
sur le développement et l'environnement socio-économique de la
sous-préfecture de Hiré ?
3. Comment l'entreprise minière et les
communautés locales régulent-elles leurs rapports dans
l'exploitation de la ressource aurifère ?
35
IV. OBJECTIFS DE RECHERCHE
IV.1. Objectif général
Cette étude a pour objectif général de
montrer la contribution des activités d'exploitation de l'or dans le
développement local de la sous-préfecture de Hiré.
IV.2. Objectifs spécifiques
Nous avons décliné notre objectif principal en
trois objectifs spécifiques qui sont :
1. Décrire la distribution spatiale des formes
d'activité aurifère dans la sous-préfecture de
Hiré.
2. Identifier les changements introduits par l'exploitation de
l'or en rapport avec le cadre de vie.
3. Déterminer le mécanisme de régulation
des rapports entre l'entreprise minière et les communautés
locales dans l'exploitation aurifère.
Atteindre ces objectifs suppose l'élaboration de
méthodes de recherche.
36
V. METHODOLOGIE DE RECHERCHE
La méthodologie de recherche adoptée est
évoquée sous deux angles. L'un est relatif aux moyens
d'exécution des enquêtes et l'autre porte sur la manière
dont les enquêtes ont été menées et les conditions
dans lesquelles elles se sont déroulées.
V.1. Cadre théorique : le développement
local et l'économie de l'or comme un système socio
spatial
Cette étude a été conduite selon la
théorie des systèmes qui a servi de cadre d'analyse. La
théorie des systèmes est née des travaux de Ludwig Von
Bertalanffy, qui en est le précurseur. Dans son ouvrage « General
system theory » de 1925, il définit le système comme un
complexe d'éléments en interaction. Cette théorie
générale des systèmes regroupe les principes
théoriques généraux qui permettent de décrire et
comprendre le fonctionnement des systèmes ou des sous-systèmes,
quels qu'ils soient. De cette définition de Von Bertalanffy, a
découlé l'approche de Rosnay qui décrit le système
comme un ensemble d'éléments en interaction dynamique,
organisés en fonction d'un but.
Le Moine (1977), quant à lui définit le
système comme un ensemble d'éléments en interaction tels
que la modification de l'un d'eux entraîne la modification de tous les
autres (cette modification porte bien sur les relations, et non pas sur les
éléments). Dans le cadre de cette étude sur l'espace local
comme système nous utilisons la définition de Rosnay qui
décrit le système comme un ensemble d'éléments en
interaction dynamique, organisé en fonction d'un but.
Il était donc question pour nous de savoir si
l'organisation systémique mise en place dans la sous-préfecture
de Hiré, autour de l'activité aurifère, est faite dans le
but d'aboutir à un développement local.
Comme nous l'avons écrit plus haut, le
développement local peut s'inscrire dans une approche d'analyse
systémique ayant pour point de référence l'activité
d'exploitation de l'or. Le concept de développement local a une
portée géographique. Le développement local se
définit à partir d'une base territoriale. Cette base territoriale
dans le cadre de cette étude peut être le champ
géographique des activités d'exploitation de l'or dans la
région de Hiré. Cet espace géographique comprend la ville
de Hiré, son espace rural et administratif commune et
sous-préfecture et les populations qui y habitent et qui sont plus ou
moins influencées par l'activité d'exploitation de l'or. Cet
espace est pris comme le niveau d'organisation territoriale où
37
s'établissent les relations entre d'une part le tissu
social constitué par les communautés rurales urbaines et d'autre
part les fonctions administratives primaires, les fonctions économiques
liées à l'or ou influencées par son activité et les
services de base et la qualité de la vie. L'analyse du
développement local qui demande une pluralité de niveau d'action
qui constitue l'une de ses caractéristiques essentielles se fonde sur
des notions de participation, de partenariat et de contractualisation, de
relation, d'impact, d'administration entre les activités d'exploitation
de l'or et les différents éléments de la région.
Nous voulons saisir alors la relation systémique entre les
activités d'exploitation de l'or dans le processus de changement capable
de faire passer le territoire de Hiré en tant que réalité
économique, sociale institutionnelle d'un état à un
autre.
Le développement local, est une approche
systémique spatiale qui prend en compte la population, un territoire
donné comme espace de vie de cette population et un ensemble
d'activités économiques, politiques et sociales. Les relations
complexes et encadrées dans cet espace sont faites de sorte que les
activités économiques se mettent en adéquation avec
l'amélioration de la qualité de la vie des populations dans le
respect de leur environnement (figure 1).
38
Figure 1 : modèle de production du
développement local
Développement local
Social
Environnemental
Humain
Économique
Agriculture
|
|
Classification sociale
|
|
Effectif de la population
|
|
Diversité de la biodiversité
|
|
|
|
|
|
Emploi à la mine
|
Brassage ethnique
|
Composante ethnique
|
Pollution atmosphérique
|
|
|
|
|
Orpaillage
|
Respect des us et coutumes
|
Dégradation de la qualité et de
la quantité de l'eau
|
|
|
|
Croissance des activités informelles
|
|
Cohésion sociale
|
Santé des populations
|
V. 2. Définition des variables de
recherche
Les variables de l'étude sont les informations
recherchées pour conduire ce travail. Elles ont été
collectées en des endroits précis qui déterminent nos
unités d'observations. Ces unités sont appréhendées
à différentes échelles d'analyse. Ce sont des informations
qualitatives et quantitatives collectées et qui permettent d'atteindre
nos objectifs. Elles ont été scindées en trois grands
groupes relativement aux objectifs de l'étude.
V.2.1. Variables descriptives de la structure spatiale
des formes d'activité aurifère
Ces variables sont relatives à l'objectif 1 qui est de
décrire la distribution spatiale des formes d'activité
aurifère dans la sous-préfecture de Hiré.
39
Il s'agit de faire ressortir les informations qui nous
permettent de localiser les sites d'exploitation aurifère. Elles
prennent en compte les données relatives à la géologie de
la localité et à l'historique de l'activité. En nous
servant des cartes géologiques au 1/50 000ème de la Côte
d'Ivoire et de la région, nous avons pu identifier les indices qui
favorisent la richesse en or de cette zone. De plus, une description des
différents types d'exploitation aurifère éclaire sur les
incidences de ceux-ci le cadre de vie des populations.
Dans cette partie, trois grandes distinctions ont
été faites ; il s'agit des variables relatives à la
description de la localisation des sites d'extraction et de traitement
aurifère, des variables descriptives de l'activité d'orpaillage
et de celles descriptives de l'activité minière industrielle.
V.2.1.1. Variables descriptives de la localisation des
sites d'extraction et de traitement aurifère
La description des sites d'extraction et d'exploitation
aurifère passe par la connaissance des caractéristiques
naturelles du milieu (topographie ; type de sol ; composition
géologique) qui déterminent la localisation des indices du
minerai et le choix des points de concentration. Le mode d'appropriation
foncière des acteurs pour les différents types d'exploitation
aurifère est déterminant pour la localisation des sites. On aura
donc des variables qualitatives comme : l'achat, le don, le leg, la location,
le gage, le planté-partagé, etc.
V.2.1.2. Variables descriptives de l'activité
d'orpaillage
Pour la description de l'activité d'orpaillage, la
localisation des sites est primordiale. Elles permettent d'identifier la
logique d'installation de ces sites. Les procédés d'extraction,
de traitement et de commercialisation sont également indispensables pour
une meilleure connaissance de l'activité. Les procédés de
stockage des débris et résidus issus de cette activité
permet de distinguer l'orpaillage de l'activité industrielle.
La description du produit de l'orpaillage et la description de
la contractualisation des sites d'orpaillage sont nécessaires pour mieux
apprécier cette activité.
V.2.1.3. Variables descriptives de l'activité
minière industrielle
Contrairement aux autres activités, les sites
d'extraction minière ne résultent pas du choix stratégique
d'une firme mais de la position du minerai. C'est la présence du minerai
qui impose la construction de l'usine de traitement. Au niveau de
l'exploitation minière industrielle les sites d'extraction sont contenus
dans les permis d'exploitation accordés aux sociétés
minières, les indicateurs se rapportant au site ont été
sélectionnés.
40
Il s'agit entre autres, des unités topographiques et
géologiques constituant l'assiette des dits sites, du
géo-référencement des sites d'extraction et des images
satellitales de la localité à différentes dates. Cela a
permis de localiser les zones d'exploitation industrielle. C'est dans ce sens
que le niveau d'altitude, la morphologie et la composition géologique
des sites ont été documentés.
Aussi, la description des caractéristiques des sites,
du mode d'extraction et des procédés de filtration, est-elle
nécessaire pour mieux décrire l'activité industrielle de
l'or.
V.2.2 Variables relatives aux changements apportés
par l'exploitation de l'or en rapport avec le cadre de vie
Les variables sont relatives aux changements apportés
par l'exploitation aurifère concernent les avantages
socio-économiques de l'exploitation minière ainsi que celles
relatives aux opportunités de développement. Elles ont permis
d'apprécier la dynamique impulsée par l'activité
minière et l'orpaillage au niveau socioéconomique du cadre de
vie, des infrastructures et des équipements.
V.2.2.1 Variables descriptives de l'apport de
l'activité de l'or en termes d'emplois et revenus
? Variables descriptives des emplois dans
l'activité minière industrielle
Le nombre de postes offerts aux populations locales et la
qualité de ceux-ci dans les mines industrielles permettent
d'apprécier la contribution de l'exploitation industrielle de l'or
à la réduction du taux de chômage des jeunes.
L'évolution des employés locaux de la mine et leur classification
selon l'âge et le sexe sont importants pour décrire la politique
de l'entreprise en matière d'emploi de la population locale et en
matière de la question de genre.
La masse salariale de ces employés est également
importante car elle permet de mieux apprécier le poids de ces emplois et
de leurs incidences sur le niveau de vie des populations. A l'intérieur
de ces employés locaux, une répartition par ethnie et par village
des employés a permis de connaitre l'incidence de la présence de
la compagnie minière sur la réduction du chômage dans la
sous-préfecture.
? Variables descriptives des emplois dans
l'orpaillage
Pour l'étude de l'apport de l'activité de l'or
en termes d'emplois et de revenus, les variables relatives à la
description des emplois dans l'orpaillage sont d'une importance capitale. Ces
variables portent sur le nombre de personnes employées par la section de
l'orpaillage. Une
41
répartition par nationalité, ethnie, sexe et
âge des orpailleurs permettra de connaitre le genre et la tranche
d'âge la plus concernée par l'orpaillage. La classification des
types d'emploi dans l'activité ainsi que les revenus qui en
découlent permettent également d'apprécier le poids
économique de cette activité. Il a été, en outre,
décidé de s'intéresser aux types d'investissement dans
l'orpaillage.
|