II.2.2. Importance de l'exploitation minière dans
l'économie
Pour un pays en développement, disposer des ressources
naturelles abondantes peut être un avantage mais peut aussi compliquer la
tâche aux autorités en matière d'élaboration et de
mise en oeuvre de la politique de dépense et de la politique fiscale.
Les autorités des pays riches en ressources font donc face à
plusieurs problèmes au nombre desquelles figurent l'épuisement et
le non renouvèlement des ressources et des exportations qui en
dépendent. Selon Daniel et al (2013), les coûts des
matières premières exportées sont imprévisibles et
les autorités devraient évaluer le nombre d'années durant
lesquelles les ressources produiront des recettes. La situation actuelle des
ressources naturelles est proche de celle du XIXème siècle
abordée par W.S. Jevons (1845-1882). Selon lui, dans le cas des
ressources épuisables, la notion de rente peut renvoyer à deux
réalités distinctes. La première concerne la question de
l'épuisement physique absolue des ressources : un jour viendra où
les gisements seront totalement vides ou presque. La deuxième
réalité concerne le processus d'épuisement des ressources
sans considérer le moment où les ressources disparaitront
effectivement.
II.2.3. Comparaison mine-agriculture
Comme mentionné par Sachs et Warner (1995), le minerai
et le pétrole ont une haute rente alors que l'agriculture
génère, en général, une rente plus faible. À
cela Bulte et al. (2005) viennent apporter une nuance puisque, selon eux,
seules les ressources extractibles (mine, pétrole) en un seul point
seraient corrélées négativement à la qualité
des institutions. Les ressources dont la distribution sur le territoire est
diffuse (forêt, agriculture) ne seraient pas corrélées avec
la qualité des institutions. Cette dernière affirmation est
contredite par Lucas (2009) qui montre que l'agriculture a un impact
négatif sur la croissance, car les individus travaillant en agriculture
sont dispersés, ce qui nuit au transfert de connaissances.
Par ailleurs, un lien étroit est établi entre
les ressources naturelles et les différents conflits sociopolitiques que
connait la plupart des pays riches en la matière. Collier et Hoeffler
(2005) prétendent que la rente des ressources naturelles provoque une
augmentation des probabilités de conflits violents. Ces auteurs
étudient le lien entre ressources naturelles et guerre civile. Ils
26
estiment que la basse croissance offre un coût
d'opportunité bas aux rébellions contre les mauvaises
institutions et les régimes non démocratiques que l'abondance en
ressources naturelles favorise. Cette relation expliquerait donc le
désir de rébellion de la population.
En étudiant le lien entre démocratie et
ressources naturelles, Ross (2001) traite du cas des pays pétroliers et
réalise que le pétrole est plus dommageable économiquement
dans les pays pauvres que dans les pays riches. Collier et Hoeffler (opc),
ainsi que Auty (2000) corroborent cette relation négative entre
démocratie et ressources naturelles. En outre, ils affirment que la
combinaison de la présence de la démocratie et de la rente
associée aux ressources a significativement nuit à la croissance
des pays.
II.3. Les impacts de l'exploitation
minière
II.3.1. Les impacts économiques de l'exploitation
minière
L'installation d'une industrie extractive est un
évènement majeur avec des impacts locaux et régionaux
considérables sur l'économie, l'environnement et l'occupation
spatiale.
L'activité minière (IDRM, 2013) est un facteur
clé de la croissance économique mondiale, capable de
générer un impact positif à long terme sur les vies, les
sociétés et les nations. Les activités minières
sont réputées plus rémunératrices que
l'élevage et l'agriculture (Indring'i et Bamuhiga, 1997). C'est pourquoi
elles suscitent tant d'intérêt dans les localités où
elles sont pratiquées. Cet intérêt est manifesté
aussi bien par les populations que par les états.
Au niveau des populations, l'exploitation minière
(industrielle et artisanale) est créatrice d'emplois directs comme
indirects. En effet, l'ouverture d'une mine crée des possibilités
importantes d'emploi supplémentaire avec possibilité de revenus
plus élevés que la plupart sinon tous les autres emplois de la
région. Elle favorise également la formation de la main-d'oeuvre
locale avec un effet d'osmose sur l'ensemble de la population locale ; et des
investissements dans l'infrastructure, les biens et services publics de base
tels que l'eau, les transports et l'énergie (Kunanayagam, 2000). Les
exploitations industrielles selon Itard (2000), génèrent au
niveau national quelques milliers d'emplois salariés, ce qui est loin
d'être négligeable. Ces emplois, généralement
correctement rémunérés et en grande partie
localisés hors des principales agglomérations, ont un impact
social important. Il y a donc des retombées indirectes sur les
localités environnant les exploitations : développement du
commerce mais aussi augmentation de la population avec les effets induits
(cultures, bois de feu, chasse, etc.).
27
L'activité minière peut aussi stimuler le
développement des régions déprimées,
améliorer la qualification professionnelle et technique des autochtones,
et constituer un noyau de développement économique.
Selon Itard (2011), au niveau national, les revenus
créés par le gouvernement sont les impôts provenant des
exploitations minières qui représentent souvent une partie
substantielle du revenu fiscal du gouvernement. Une exploitation minière
réussie peut être un catalyseur pour un afflux subséquent
d'investissements privés dans un pays ou une région qui offre un
contexte encourageant caractérisé par un cadre de
réglementations fiables. De même, outre l'impact direct d'une
exploitation minière sur l'emploi, il y a un potentiel important
d'activités économiques secondaires et parallèles, en
particulier pour les petites et moyennes entreprises qui à leur tour
créent des possibilités d'emploi pour les non mineurs des zones
adjacentes. Bosson et Varon (1977) abordent dans le même sens quand ils
affirment qu'un pays peut tirer des gains substantiels d'une industrie
minière convenablement structurée et gérée. Le
secteur minier peut apporter une contribution très importante des pays
en développement en particulier comme c'est le cas pour quatre pays
africains où le secteur compte pour plus de 30% du PIB. Pour Devey
(1995), l'exploitation minière peut apporter une embellie
économique comme c'est le cas en Mauritanie dont il cite l'exemple.
L'activité minière nourrit aussi les
échanges extérieurs et procure un revenu supplémentaire
sous la forme d'impôts et de redevances. A côté des
redevances et des impôts que paient les sociétés
minières, il y a également le fait que l'état soit
généralement actionnaire dans les sociétés
minières comme c'est le cas pour Bonikro.
Cependant, selon Frankel (2010), les ressources naturelles
sont une manne pour le développement économique. En principe leur
exploitation produit des recettes qui peuvent permettre de surmonter des
obstacles auxquels se heurtent souvent les gouvernants des pays en
développement qui tentent de reformer l'économie, de doper la
croissance et de créer des emplois. Pourtant, au vue de
l'expérience des pays riches en ressources minières comme la
République Démocratie du Congo (RDC), il semble que cette
richesse ne soit pas toujours une bénédiction, mais plutôt
une malédiction. Car ceux-ci sont en proie à l'exode des
capitaux.
II.3.2. Les impacts de l'exploitation minière sur
l'environnement
L'exploitation minière, en dépit des
retombées économiques prônées par les États,
n'est pas sans conséquence sur l'environnement et son impact touche tous
les aspects de celui-ci
28
(Ricardo ; 2004). Les mines de minerais
métallifères, en particulier de cuivre et d'or, atteignent des
dimensions de nuisance particulièrement importantes en raison de la
faible teneur des minerais exploités. L'industrie minière
génère des quantités importantes de rejets solides et
liquides qui peuvent constituer une source majeure de pollution sur
l'environnement naturel mais aussi sur l'environnement humain Mengue (2011).
Les impacts de l'exploitation minière industrielle sont normalement
anticipés au travers des études d'impacts sur l'environnement
généralisés dans tous les codes miniers. Cependant, ils
peuvent avoir de graves atteintes sur l'environnement dans les cas suivants
:
- disfonctionnement dans l'attribution du permis (permis
attribué alors que l'étude d'impact aurait dû bloquer son
attribution) ;
- une étude d'impact non réaliste (effets non
minimisés) qui n'aurait pas dû recevoir son quitus environnemental
;
- non-respect par l'exploitation du plan de gestion
environnemental et/ou défaut de contrôle des activités
minières (Mazalto ; 2008).
L'exploitation minière implique souvent l'utilisation
ou la production de substances dangereuses du fait de l'exploitation des
déchets de la mine, du transport du matériel et du traitement de
ce dernier. L'activité minière constitue un facteur de
dégradation des forêts lorsqu'elle s'effectue dans les zones
boisées. Dans l'étude menée par Riccardo (opc) dans le
district de Wassa West au Ghana, il affirme que 60% des forêts humides
ont été détruites par des opérations
minières dans cette région. La mise en place d'une mine exige un
certain nombre de travaux de la mine à l'extraction du minerai qui
exigent l'élimination de la végétation et de la couche
arable (Holz, 1987 ; Deshaie, 2009). Les activités associées
à la préparation et au déblaiement des sites à
traiter avant même le minage, contribuent à la destruction de la
végétation et peuvent affecter la diversité biologique
s'il se trouve dans le voisinage des zones écologiquement sensibles
(Geffriaud et al ; 2006). Parlant du cas spécifique de la
prospection, il souligne qu'elle entraîne le nettoyage de vastes aires de
végétation pour faciliter la circulation de véhicules
lourds transportant les installations de forage. Aussi, la construction de
routes d'accès, soit pour amener les équipements lourds et les
approvisionnements au site minier ou bien pour expédier les
métaux et minerais traités peut-elle engendrer des impacts
environnementaux substantiels. Le défrichement des terres pour la
construction des sites et l'extraction des minéraux augmente le risque
d'une érosion des sols et d'une sédimentation importante (Hund
et al, 2013). Par l'élimination de la végétation
et de la couche arable, le défrichement des terres pour la construction
des sites et l'extraction des minéraux, les risques
29
d'érosion des sols sont accrus. Des recherches
entreprises dans le Kentucky ont montré que la production des
sédiments des régions de mines à ciel ouvert peut
atteindre 1000 fois celles de la forêt naturelle. Sur 4 ans,
l'érosion naturelle moyen de talus de déblaies dans le Kentucky a
été de 9500 tonnes par kilomètre carré alors qu'on
l'estimait égale seulement à 8,8 tonnes par kilomètre
carré sans forêt (Focus environnemental geology, 1976).
L'étude menée par la Communauté Européenne (2000)
montre que l'érosion peut provoquer le changement important de
sédiments et tout polluant chimique l'accompagnant vers des plans d'eau
proches surtout pendant des tempêtes sévères et de grandes
périodes de fonte de neige. L'exploitation minière entraîne
une dégradation des sols par le phénomène d'érosion
et de sédimentation (PNUE, 2001 ; Hund et al. opc). En outre
elle peut provoquer une contamination des sols. Cette analyse a
également révélé que les opérations
minières modifient régulièrement le paysage environnant en
exposant des sols qui étaient précédemment intacts. Les
déversements et fuites de matières dangereuses et les
dépôts de poussière contaminés, fouettés par
le vent peuvent conduire à la contamination des sols (Mineo Consortium,
2000). En plus du sol, elle impacte fortement le sous-sol et la nappe
phréatique (Deshaie, 2009 et Baudelle, 1995). Par le drainage des acides
et des contaminants de lixiviation, (Elaw, 2010) soutient que l'extraction des
minerais métalliques (or, cuivre, etc) contribue à la pollution
des eaux. En effet, lorsque des matériaux minés sont
excavés, exposés à l'eau et à l'oxygène, des
acides peuvent se former si les minéraux sulfurés de fer sont
abondants et s'il y a une quantité insuffisante de matériau
neutralisant pour contrebalancer la formation d'acide. L'acide à son
tour, lessivera ou dissoudra les métaux et autres contaminants dans les
matériaux minés et formera alors une solution acide à
forte teneur en sulfate et riche en métal. Le drainage d'acide minier
est considéré comme l'une des menaces les plus graves pour les
ressources en eau. Une mine avec drainage d'acide minier a un impact
dévastateur à long terme sur la vie aquatique, les cours d'eau et
les ruisseaux, renchérit Earth works Fact Sheet, (2000). Cet organisme
décrit cette situation comme étant irrémédiable. Il
parle donc de pollution perpétuelle et l'exprime en ces termes : «
même avec les technologies existantes, il est virtuellement
impossible d'arrêter le drainage d'acide de mine une fois que la
réaction a débuté ». Ainsi, Elaw (opc) souligne
que les grandes quantités d'eau nécessaire à
l'activité minière réduisent généralement
les potentialités de la nappe phréatique du lieu et arrivent
même à assécher des puits et des sources.
L'extraction minière du fait du
prélèvement des eaux souterraines peut réduire ou
même faire cesser l'écoulement des eaux de surface. Elle peut
également contribuer à la dégradation de la qualité
des eaux de surface, empêchant ainsi les usages bénéfices
qui y sont associés (FEPS,
30
2004). C'est le cas des mines dans le nord-est du Nevada qui
ont pompé plus de 580 milliards de gallons d'eau de 1986 en 2001. Les
produits chimiques dangereux tels le cyanure et l'acide sulfurique sont
utilisés pour séparer le minéral du minerai. Les eaux
chargées de ces produits peuvent par infiltration dans la
sédimentation détruire l'habitat et la faune aquatique
jusqu'à 90% (Jane et Bonner, 2009) entrainant ainsi un déclin des
espèces (Hund et al, 2013). Ils attestent que les produits chimiques
utilisés pendant l'exploitation du minerai affectent aussi
l'environnement aquatique. Au centre et Sud-Est de la République
Démocratique du Congo (RDC), des mineurs à petite échelle
déversent des déchets dangereux directement dans les
rivières et les lacs. A ces endroits des niveaux élevés de
mercure et d'uranium ont été mesuré dans les
résidus miniers. Les concentrations en métaux lourds toxiques
tels que le calcium, le zinc et le plomb se sont avérées de 2
à 10 fois plus supérieures aux normes internationales. Toujours
selon ces auteurs, dans la forêt d'Amazone, les petits mineurs utilisent
le mercure de manière moins efficace que les exploitations industrielles
relâchant environ 2,91 pound soit 1,32kg de mercure dans les cours d'eau
pour chaque 2,2 pound, soit 1kg d'or produit. Cette contamination ou pollution
des eaux rend invivable l'espace aquatique. Selon Jane et Bonner (opc), des
études gouvernementales menées à la Nouvelle
Orléans ont prouvé que des trainées des mines ont produit
des taux de cuivre et de sédiments si haut que presque tous les poissons
ont disparu des zones humides sur près de 144,9 km en aval de
l'exploitation. Exprimant la même pensée, Hund et al
(2013) affirment que les plus sérieux impacts directs de
l'exploitation minière à grande échelle sur
l'environnement concernent la diminution de la qualité de l'eau et la
perte potentielle de l'habitat et des espèces aquatiques. Toujours dans
l'ordre des impacts, Stella (2013) dans une étude réalisée
sur l'impact des activités minières sur l'environnement, souligne
que le Pérou qui regorge une grande partie des ressources mondiales en
eau douce, souffre pourtant de stress hydrique du fait de l'activité
minière. Pour lui, plus d'un tiers des habitants en milieu rural n'a pas
accès à l'eau potable. Il conclut que l'activité
d'extraction est très polluante avec l'usage du cyanure qui peut
s'infiltrer jusqu'à la nappe phréatique et se retrouver dans les
rivières. Pour terminer, il précise que très souvent, les
problèmes liés au manque d'eau ou à sa contamination
surgissent dans les zones où il y a une activité extractive.
II.3.3. La contribution de l'exploitation
minière à la reconfiguration spatiale
L'exploitation minière comme toute activité
économique a un effet structurant sur l'espace qui l'abrite. Comme dans
la logique de localisation, les activités économiques sont soit
poussées à l'agglomération, soit à la dispersion
(Diallo L, 2009). Ainsi, les modalités spatiales d'implantation
minière dans la zone d'exploitation et les relations avec
l'environnement
31
immédiat révèlent des
caractéristiques d'enclave (Ferguson, 2005 ; Magrin, 2011). Cette
configuration spatiale s'inscrit à la fois sur les territoires
villageois et dans une zone d'intérêt cynégétique.
Les mutations spatiales résultant des processus d'insertion
minière réduisent les possibilités de développement
des activités traditionnelles à l'échelle locale. De
grandes superficies de terres sont cédées aux
sociétés minières privant ainsi les populations locales
d'espaces pour l'exercice de leurs activités. Les terres
cédées sont généralement des terres laissées
en jachère ou destinées à la production de cultures
vivrières comme le riz, l'arachide, le fonio et les tubercules. Ces
terres servent également pour le pâturage ou l'exploitation
artisanale de l'or en particulier (COPAGEN, 2015). Les paysages subissent de
réelles transformations, passant de paysages agricoles à des
paysages miniers. Toutes choses qui sont à la base des grognements de
protestation au sein de la population (Diallo, 2011).
Selon Diallo (opc.), en Afrique, notamment dans les
régions marginalisées comme le Sénégal oriental,
l'exploitation minière est avant tout perçue comme un moteur de
développement économique. Les projets d'exploitation
minière apporteraient le développement à des
régions jusque-là mal intégrées à leurs
territoires nationaux. Ils sont appréhendés suivant deux
modèles spatiaux : « enclave » et « greffe ». La
première lecture identifie la mine à l'échelle du milieu
d'accueil comme un « corps étranger » entretenant des liens
très faibles avec ce dernier. Alors que dans le cadre de la «
greffe », les relations avec l'espace d'accueil sont fortes. Ces
modèles spatiaux ne sont pas figés ; ils peuvent évoluer
différemment en passant de l'enclave à la greffe et inversement
en fonction du cycle de vie proposé par Van Vliet (1998).
En outre, l'orpaillage, de toutes les méthodes
artisanales utilisées pour la récupération de minerais est
la plus ancienne et celle qui a le moins varié (Nations Unies, 1973). En
effet, les méthodes et les moyens utilisés dans l'orpaillage en
Afrique noire sont véritablement néfastes et laissent des traces
très marquées dans le paysage. Ce sont entre autres de grands
cratères à ciel ouvert qui ne sont pas tous refermés
après épuisement du minerai. En outre, les terres
utilisées et les monceaux de terres qu'on voit un peu partout dans la
commune participent à dégrader le paysage.
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