5.2. Défis liés à l'intégration
des immigrants à la vie sociale
Dans la chapitre 2, nous avons discuté des enjeux
d'isolement social et de solitude au sein des populations migrantes et de leurs
répercussions sur la santé physique et mentale, la qualité
de l'alimentation et la qualité de vie de façon
générale. Divers facteurs dont les barrières linguistiques
contribuent à accroître le risque d'isolement social et de
solitude chez les immigrants. Outre ces facteurs, certains participants
interviewés ont également soulevé des lacunes liées
principalement aux programmes et activités visant la socialisation et le
rapprochement interculturel et qui limitent l'insertion des nouveaux arrivants
à la vie sociale québécoise. Ces programmes et
activités sont généralement proposés par les
organismes communautaires et les municipalités.
5.2.1. Socialisation et rapprochement interculturel
Certains participants ont mentionné que la connaissance
du français est un facteur essentiel non seulement pour socialiser et se
créer des nouveaux réseaux sociaux, mais aussi pour interagir
lors de certaines démarches administratives inhérentes au
processus d'intégration au Québec. Ces diverses interactions
sociales contribuent en retour au renforcement linguistique : « si
non, l'apprentissage du français passe vraiment par les interactions
sociales en particulier lors des démarches gouvernementales, à
force d'entendre les mêmes mots, les mêmes phrases, à force
de répétition, ils apprennent (entrevue 1, 21 juin 2023)
». À leur arrivée au Québec, les immigrants
essaient de trouver des espaces pour socialiser et créer des nouveaux
réseaux d'amis et de connaissances. Les participants mentionnent qu'ils
vont utiliser entre autres les réseaux d'entraide collective dans le
quartier, les espaces offerts par les établissements communautaires ou
publics et ils vont aussi sympathiser avec leurs voisins : « Je pense
aussi beaucoup à de l'entraide collective dans la Communauté, les
gens vont se lier des fois avec des voisins, ils vont se faire des
réseaux informels d'amis ou de pairs aidants...des fois ça se
fait dans les organismes communautaires...Des fois, ça se fait
simplement dans la rue ou dans les parcs, des fois aussi, c'est aussi CLSC
(entrevue 1, 21 juin 2023) ». Il a été mentionné
que de nombreux immigrants ont généralement tendance à
tisser des liens sociaux avec des personnes qui partagent avec eux les valeurs
socioculturelles et qui sont de ce fait de la même origine ethnique
qu'eux. Selon certains participants, ceci représenterait un obstacle
à l'intégration : « les gens ont tendance à aller
vers ce qu'ils connaissent, vers
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les gens qui leur rassemblent, des personnes de chez eux,
ce qui est un frein à l'intégration (entrevue 1, 21 juin 2023)
». La création des nouveaux liens sociaux au Québec est
perçue comme un énorme défi par les immigrants : «
Euh, bah, ce qu'ils vont trouver plus difficile c'est la création
des nouveaux liens sociaux (entrevue 6, 17 juillet 2023) », et
particulièrement les immigrants adultes et aînés : «
Mais pour les immigrants adultes, surtout les aînés,
l'isolement social est plus présent et ils ont plus de la
difficulté à tisser des nouvelles relations avec les gens d'ici
souvent à cause qu'ils ne parlent pas bien le français, pour les
immigrants plus âgés, l'âge peut aussi être un frein
(entrevue 6, 17 juillet 2023)». Contrairement à leurs parents,
les jeunes enfants et les adolescents ont tendance à socialiser,
à s'assimiler et à tisser plus facilement des nouveaux liens
sociaux dans le pays d'accueil et sont par conséquent moins sujets
à l'isolement social.
Hum. Bonne grosse question. Euh, en fait, les jeunes
enfants et les adolescents arrivent facilement à socialiser et à
se faire des amis facilement en arrivant au Québec, soit à
l'école, soit en participant à des activités offertes par
les intervenants jeunesse. Donc par rapport à ce que j'observe... Les
enfants des immigrants socialisent et s'assimilent très rapidement ici
au Québec (entrevue 6, 17 juillet 2023).
D'autre part, selon certains intervenants, les immigrants
s'installent généralement dans des quartiers multiculturels bien
que souvent peu favorisés. Ces quartiers multiculturels sont un facteur
pouvant faciliter la socialisation tout en représentant un obstacle au
rapprochement interculturel.
Pour les immigrants qui vivent dans des quartiers plus
multiculturels comme Ste-Foy ou St-Roch, c'est plus facile de socialiser avec
les gens de son pays ou avec qui vous partagez la même ethnicité.
Pour les gens qui vivent dans des quartiers comme Beauport, c'est plus
difficile (entrevue 6, 17 juillet 2023)
Oui, c'est des quartiers défavorisés.
Ça va être forcément des quartiers peu favorisés.
Mais là où ces quartiers peu favorisés sont bien, c'est
que c'est là où tu vas trouver ce que tu recherches en termes de
nourriture. Il y a une plus grande disponibilité de nourriture dans ces
quartiers et il est aussi plus facile de socialiser puisqu'il y a la
possibilité de rencontrer des gens qui viennent des mêmes pays.
Mais ce sont des quartiers où les enfants voient leur chance de
réussite réduite (entrevue 1, 21 juin 2023).
En ce qui concerne les activités de socialisation
offertes par les organismes communautaires et les municipalités, les
intervenants rapportent que très peu d'activités sont offertes
aux immigrants adultes comparativement aux jeunes immigrants. Étant
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donné que la grande majorité des
activités de socialisation sont proposées dans les quartiers
multiculturels, les immigrants vivant dans des quartiers peu multiculturels en
sont généralement exclus faute de moyen de déplacement ou
encore de temps. Les intervenants rapportent également qu'il serait
pertinent d'adapter davantage culturellement les activités
proposées par les organismes et les municipalités afin de
maximiser la participation des personnes issues des communautés
ethnoculturelles et des minorités religieuses. Par exemple, on pourrait
proposer des activités sportives interculturelles pouvant se pratiquer
aisément avec un hijab, ce qui favoriserait la participation des femmes
musulmanes. On pourrait aussi lors d'ateliers de cuisine collective, tenir
davantage compte des restrictions alimentaires religieuses.
Ah oui d'accord. Comme je disais, je trouve que les
organismes et la Ville proposent plus d'activités pour les jeunes, mais
il n'y a pas beaucoup à mon avis pour les adultes. Et je trouve que le
peu d'activités interculturelles ou pour socialiser pour les adultes
sont offertes en majorité dans des quartiers très multiculturels,
ce qui fait que les immigrants vivant dans d'autres quartiers moins
multiculturels sont comme un peu exclus, car ne pouvant pas participer faute de
moyen de transport ou de temps. Donc je pense que pour les nouveaux arrivants
adultes, parents et aînés, il faudrait offrir plus
d'activités interculturelles, comme les activités sportives en
famille, les cuisines collectives, les balades en nature pour favoriser la
socialisation, l'inclusion et le vivre-ensemble dans tous les quartiers de la
Ville. Il faudrait que le gouvernement alloue plus de ressources aux organismes
communautaires ou que la Ville mette plus de moyens, disons pour offrir
à un plus grand nombre d'immigrants adultes des activités
interculturelles et desservir plus d'immigrants. Je dirais que pour
répondre à ta question les activités interculturelles de
socialisation qui sont actuellement offertes aux nouveaux arrivants ne sont pas
suffisantes et ne permettent pas d'inclure de nombreux immigrants et surtout
ceux qui vivent dans certains quartiers comme Beauport, Les Saules ou
Lebourgneuf qui sont des quartiers moins multiculturels. De mon point de vue,
ces activités interculturelles sont en quelque sorte nécessaires
puisqu'elles favorisent disons non seulement le rapprochement interculturel,
mais donnent aussi aux immigrants l'occasion de perfectionner leur
français. Sinon, je pense quand même qu'il faudra voir aussi si
ces activités peuvent être adaptées culturellement, par
exemple, pour les femmes musulmanes, des tenues adaptées doivent
être offertes durant les activités sportives ou encore dans les
activités de cuisine collective doivent respecter les restrictions
alimentaires religieuses, question de favoriser une meilleure participation.
Donc c'est ça (entrevue 6, 17 juillet 2023).
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