4.1.2. Effets de la dysbiose intestinale sur la
santé cardiovasculaire
Diverses expériences réalisées ces
dernières années sur les humains et les modèles animaux
ont permis de révéler que des altérations de la
composition et de la fonction du microbiote intestinal en réponse aux
réactions physiologiques et aux expositions alimentaires peuvent
contribuer au développement des maladies cardiovasculaires (Jin &
al., 2019; Tang & al., 2019).
Burcelin et al. (2013) montrent dans leur étude que la
dysbiose intestinale contribue par le biais de divers mécanismes
physiologiques et génétiques au développement de certains
facteurs de risque des événements cardiovasculaires,
particulièrement les syndromes coronariens aigus, le diabète de
type 2, l'obésité ou encore la formation des plaques
d'athérome dans les artères. Des études soutiennent que
des groupes de gènes provenant des fragments d'acide
désoxyribonucléique bactérien en circulation seraient
associés avec l'obésité et le diabète de type 2
(Burcelin & al., 2013). Ces groupes de gènes bactériens
définissent également des fonctions métaboliques de
fermentation variées et leur concentration pourrait prédire le
risque de survenue du diabète de type 2 plusieurs années avant le
diagnostic de la maladie (Burcelin & al., 2013). De plus, des
antigènes bactériens comme les lipopolysaccharides
présents sur la membrane externe des bactéries à gram
42
négatif sont responsables d'une
insulinorésistance pouvant conduire au diabète de type 2
(Burcelin & al., 2013).
Diverses autres études ont également permis de
mettre en évidence la contribution des métabolites
bactériens intestinaux dans le développement de l'hypertension
artérielle ainsi que leur rôle dans le développement de
l'athérosclérose, tous deux des facteurs de risque des
cardiopathies ischémiques (Burcelin & al., 2013; Jin & al.,
2019). Ces métabolites bactériens intestinaux hautement
inflammatoires pourraient résulter des modifications trop rapides du
microbiote suite à un stress nutritionnel réduisant
l'efficacité des défenses immunitaires intestinales et favorisant
une inflammation métabolique par le biais d'une translocation de
bactéries et de leurs antigènes inflammatoires vers d'autres
tissus de l'organisme (Burcelin & al., 2013). Divers métabolites,
tels que les acides gras à chaîne courte produits par les
bactéries intestinales par fermentation anaérobie des fibres
alimentaires, jouent un rôle essentiel dans la régulation de la
pression artérielle à travers certains récepteurs dont le
récepteur olfactif vasculaire 78 (Jin & al., 2019). De plus, la
dysbiose intestinale en réponse à un apport élevé
en sel est impliquée dans la physiopathologie de l'hypertension
artérielle (Tang & al., 2019). Des études
expérimentales ont révélé la présence des
fragments d'acide désoxyribonucléique de diverses
bactéries intestinales dans les lésions
athérosclérotiques susceptibles de contribuer à la
pathogenèse des cardiopathies ischémiques (Jin & al., 2019).
Ces études ont permis l'identification de certains genres
bactériens, notamment les entérobactéries, les
streptococcus et les collinsella, dont la concentration était plus
élevée chez des patients souffrant d'athérosclérose
et donc plus à risque d'événements cardiovasculaires
aigus, tels que les syndromes coronariens aigus (Jin & al., 2019). Des
études chez l'animal ont également montré la contribution
de certains types de bactéries intestinales dans la progression de
l'athérosclérose, principalement en contexte de dysbiose
où leur concentration est anormalement plus élevée (Jin
& al., 2019). Un déchet métabolique bactérien, l'oxyde
de triméthylamine, a également fait l'objet de plusieurs
études en raison de sa contribution majeure avérée dans le
développement des maladies cardiovasculaires, particulièrement
dans la formation des plaques athéromateuses (Jin & al., 2019). En
raison des changements dans les habitudes alimentaires, le microbiote
altéré produit l'oxyde de triméthylamine en
métabolisant la choline, la phosphatidylcholine, la carnitine et la
bétaïne au moyen de diverses enzymes bactériennes et
hépatiques (Jin & al., 2019). Des expériences
réalisées sur des souris ont montré que des niveaux
sériques
43
élevés d'oxyde de triméthylamine
étaient associés positivement avec la formation des plaques
d'athérome (Jin & al., 2019). Jin et al. (2019) expliquent que cela
pourrait être dû à l'inhibition du transport inverse du
cholestérol et l'accumulation du cholestérol dans les macrophages
conduisant à l'expression de deux récepteurs piégeurs
à la surface de ces cellules, favorisant de ce fait la formation accrue
des cellules spumeuses responsables du processus
d'athérosclérose. L'accumulation du cholestérol pourrait
se faire aussi par inhibition de la synthèse des acides biliaires (Jin
& al., 2019). Le niveau sérique d'oxyde de triméthylamine
dans les syndromes coronariens aigus prédirait la survenue des
événements cardiaques indésirables majeurs à court
et à long terme (Jin & al., 2019). Une étude a cependant
révélé que ce composé organique pouvait diminuer la
réabsorption du cholestérol et ainsi protéger contre la
formation des plaques athéromateuses (Jin & al., 2019). Dans
l'ensemble, les données suggèrent que l'oxyde de
triméthylamine constitue un des mécanismes essentiels par lequel
le microbiote intestinal influence la santé cardiovasculaire (Jin &
al., 2019).
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