4.1.1. Effets de la transition nutritionnelle sur le
microbiote intestinal
Plus de 100 milliards de bactéries appartenant à
des centaines d'espèces colonisent le tractus gastro-intestinal humain
formant un écosystème complexe appelé microbiote
intestinal (Becattini & al., 2016; Burcelin & al., 2013). Les
différentes espèces bactériennes composant le microbiote
intestinal se répartissent en plusieurs lignées couvrant plus de
90% de la population bactérienne totale, dont les Firmicutes, les
Actinobacteria, les Proteobacteria, les Bacteroidetes et les Fusobacteria
(Becattini & al., 2016). La répartition de ces groupes de
bactéries le long du tractus gastro-intestinal varie en fonction de la
disponibilité des nutriments et sous l'influence de différents
microenvironnements (Becattini & al., 2016).
Souvent considéré comme un organe
supplémentaire du fait de son rôle fondamental dans de nombreux
processus physiologiques et pathologiques survenant chez l'humain, le
microbiote intestinal exerce de nombreuses fonctions bénéfiques
pour l'organisme (Becattini & al., 2016). En effet, certaines
bactéries du microbiote permettent l'absorption des lipides par la
conversion des acides biliaires primaires en acides biliaires secondaires
(Becattini & al., 2016). Des bactéries commensales sont
également impliquées dans la synthèse de certains
micronutriments, tels que les vitamines et dans certaines réactions
biochimiques de transformation des glucides complexes favorisant la modulation
du système immunitaire (Becattini & al., 2016). Elles permettent par
exemple la synthèse des vitamines B et K et sont également
impliquées dans la fermentation des fibres végétales
indigestes produisant ainsi des acides gras à chaîne courte dont
le rôle est de nourrir les entérocytes ainsi que de moduler les
fonctions immunitaires (Becattini & al., 2016). Le microbiote constitue
l'acteur fondamental du développement intestinal en favorisant divers
processus physiologiques, entre autres, la vascularisation,
l'épaississement des villosités, l'élargissement de la
muqueuse intestinale, la production de mucus, la prolifération des
cellules et le maintien des jonctions serrées (Becattini & al.,
2016). L'action du microbiote s'étend au-delà du tractus
gastro-intestinal. Il influence
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le fonctionnement de la plupart des organes et systèmes
du corps humain, incluant le cerveau, le système cardiovasculaire et le
système immunitaire (Becattini & al., 2016; Jin & al., 2019).
Des études suggèrent qu'un régime
alimentaire de type occidental caractérisé par une consommation
accrue d'aliments ultra-transformés et riches en lipides, glucides,
protéines et sel, est fortement associé à un
déséquilibre du microbiote intestinal (Burcelin & al., 2013;
Duru, 2022; Tang & al., 2019). Ce déséquilibre du microbiote
intestinal appelé dysbiose intestinale pourrait donc survenir chez les
populations migrantes non occidentales en transition nutritionnelle. Comme le
montrent Burcelin et al. (2013) et Duru (2022), les transformations dans les
habitudes alimentaires sont susceptibles d'induire une dysbiose intestinale
pouvant contribuer au développement de l'obésité, des
maladies métaboliques et de diverses autres maladies chroniques. Selon
Duru (2022), le régime alimentaire occidental caractérisé
d'une part par un apport insuffisant en nutriments favorables et d'autre part
par un apport considérable en nutriments défavorables à la
diversité du microbiote, contribue au développement d'un
environnement inflammatoire spécifique dans le tractus digestif
associé à une dysbiose de la muqueuse intestinale. Étant
donné que les espèces bactériennes Firmicutes et
Bacteroidetes représentent une proportion importante du microbiote
intestinal, le rapport de concentration Firmicutes et Bacteroidetes est
considéré comme un marqueur biologique de la dysbiose intestinale
(Jin & al., 2019).
Des transformations dans le régime alimentaire,
notamment vers un régime riche en matières grasses, induisent une
dysbiose intestinale chez l'hôte (Burcelin & al., 2013). Cette
dysbiose est responsable de la pullulation de bactéries susceptibles
d'accroître la récupération énergétique et
conduire à un excès énergétique dans l'organisme
(Burcelin & al., 2013). Le déséquilibre du microbiote
pourrait se traduire par une augmentation de l'absorption de molécules
bactériennes hautement inflammatoires comme les lipopolysaccharides
(Burcelin & al., 2013). Ces molécules susceptibles de
déclencher un choc septique et une dilatation importante des vaisseaux
sanguins, sont considérées comme responsables de l'initiation
d'un processus inflammatoire métabolique pouvant conduire à une
résistance à l'insuline, une infiltration des cellules
immunitaires dans les tissus ainsi qu'à une stéatose
hépatique (Burcelin & al., 2013). Une augmentation de la
concentration sanguine des lipopolysaccharides a été
rapportée chez les personnes dont
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le régime alimentaire était
particulièrement riche en lipides (Burcelin & al., 2013). Une
dysbiose intestinale pourrait également s'étendre à divers
tissus de l'hôte causant une dysbiose tissulaire, car des études
ont montré qu'une partie du microbiote intestinal pourrait être
transloqué vers divers tissus de l'organisme (Burcelin & al., 2013).
Ces bactéries transloquées vers les tissus sont ainsi reconnues
par le système immunitaire avec comme conséquence l'initiation
d'une réaction inflammatoire de type métabolique pouvant
contribuer au développement du diabète de type 2, de
l'obésité et de l'athérosclérose (Burcelin &
al., 2013).
En définitive, les modifications aux habitudes
alimentaires qui caractérisent le processus de transition
nutritionnelle, représentent un moteur essentiel à la dysbiose
intestinale et un risque accru de diverses maladies, notamment les maladies
cardiovasculaires (Jaoui & al., 2014; Burcelin & al., 2013; Duru, 2022;
Jin & al., 2019).
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