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Le système tontinier dans le financement de l'entrepreneuriat pastoral jeune à  Yaoundé


par Jordan cedric MELI YIMDJI
Université de Yaoundé 1  - Master 2 2022
  

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3- PROBLÉMATIQUE

Pour Karsenti et Savoie-zajc (2018, P.377), « l'élaboration d'une problématique de recherche consiste essentiellement à sélectionner et à mettre en ordre, selon une perspective déterminée, des éléments qui composeront la situation problématique et l'objet d'étude ». Voilà pourquoi N'da (2015) considère la revue de littérature comme « un texte ordonné, structuré qui fait l'état des lieux, l'état du niveau actuel des connaissances relatives au problème à l'étude dans un espace cognitif ».

La question de la monnaie, de la valeur, des associations de la société civile, du marché et de la place de l'Etat dans le financement ont longtemps fait un objet d'étude pour de nombreuses disciplines dont les premiers travaux s'inscrivent en science économique. À partir des années 1890, les premières réflexions sociologiques sur l'économie verront le jour sous le nom de « sociologie économique » (Levesque, 2006). Cette branche de la sociologie considère l'activité économique comme étant une dimension de l'activité sociale, en d'autres termes, le fait économique est une composante du fait social (Steiner et Vatin, 2013). C'est d'ailleurs bien ainsi que les fondateurs de la sociologie avaient considéré l'activité économique au moment où ils réfléchissaient à la constitution d'une science systémique du social. En effet, dans « les règles de la méthode sociologique » Durkheim (1893) étudiant le fait social montre explicitement que le fait économique est une dimension à part entière du fait social en vertu du caractère coercitif qu'il exerce sur l'individu. À cet effet, l'activité économique comme toute activité sociale prend donc des formes qui préexistent à l'action de l'individu, et suivant la formule consacrée s'impose à lui (Durkheim cité par Steiner et Vatin, 2013). C'est dans cette logique que s'inscrit notre réflexion sur « le système tontinier dans le financement de l'entrepreneuriat pastoral jeune », qui se veut une contribution à la thématique du financement de l'entrepreneuriat.

Cette recherche ouvre de nouvelles perspectives à la compréhension et à l'explication des mécanismes informels d'accès aux ressources. Elle s'appuie sur les travaux qui ont contribué à poser les bases de cette branche de la sociologie. Ces travaux précurseurs seront présentés suivant une perspective disciplinaire dont la particularité est de faire le tour des différentes disciplines des sciences sociales ayant fait l'objet d'étude de la question. De même,

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elle permet de situer son thème dans une approche pluridisciplinaire pour mieux se positionner par rapport aux travaux antérieurs.

Deux principales disciplines ont été retenues pour la construction de cette problématique à savoir : la sociologie économique et la science économique.

Ø La sociologie économique

Les recherches menées par les précurseurs tels que Mauss (1924), Polanyi (1983), Caillé (2007), etc., se sont intéressées à la nature des échanges, leurs formes et leurs motivations au sein des sociétés traditionnelles et modernes. Mauss (1924), dans une étude comparative sur les modes de fonctionnement des sociétés archaïques, à partir des sociétés mélanésiennes, polynésiennes et amérindiennes, découvre dans ces sociétés une forme d'échange à la fois libre et obligatoire qu'il qualifie de don/contre-don. C'est-à-dire une prestation obligeant mutuellement donneur et receveur dans une logique économique et qui de fait les unit par une forme de contrat social, reposant à la fois sur trois obligations : donner, recevoir et rendre. L'auteur explique que le don/contre-don n'est pas totalement gratuit. En effet, ce système d'échange contraint la personne qui a reçu à rendre à son tour. Il précise également que ces systèmes du don échangés sont des faits sociaux totaux, c'est-à-dire qu'ils mettent en branle la totalité de la société et de ses institutions. Ce qui permet de renforcer les liens sociaux entre individus dans une économie non-monétaire.

À la suite des travaux de Mauss, Polanyi (1983) met en avant la réciprocité comme un véritable fondement possible de l'économie. À partir de la théorie de l'encastrement, il considère que les relations sociales sont préexistantes aux relations économiques. De ce fait, l'action économique est encastrée au sein des réseaux de relations qui mettent les individus en contact les uns avec les autres. Selon lui, une logique économique n'est pas seulement basée sur l'utilitarisme, elle peut aussi se fonder sur la réciprocité. Une réciprocité dans laquelle le contre-don est en même temps libre et obligatoire. Il est libre, car ce n'est pas une obligation contractuelle et obligatoire du fait qu'il y'a une incitation sociale à rendre à d'autres dans un système qui favorise les échanges réciproques. L'auteur précise en dernier lieu que le don/contre don met aussi en rapport les pouvoirs et les désirs de reconnaissances, et la liberté et la non-garantie de retour permettant de caractériser le don/contre-don des autres formes d'échanges.

Allant dans le même sens, Caillé (2007) s'intéresse à la permanence du don dans les sociétés contemporaines. À partir de la théorie anti-utilitariste, l'auteur explique que le don continu à jouer un rôle essentiel au sein des sociétés contemporaines. Il différencie ainsi le

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don/contre-don dans la sociabilité primaire qui renvoie aux relations avec les parents, amies, voisins et dans la sociabilité secondaire qui renvoie à l'équilibre dans les différentes sphères sociales. Il considère alors que les liens sociaux dans les sociétés contemporaines sont en fait moins basés sur l'utilitarisme que sur le don, lequel permet d'exister et d'appartenir à un monde. En guise de conclusion, l'auteur mentionne que le don/contre-don permet de créer et d'entretenir les liens sociaux entre les individus au sein de la micro société et de la société globale.

Le point commun de ces travaux était de rechercher dans la tradition sociologique de quoi alimenter un renouvellement de la théorie de l'échange marchand. Les auteurs de ce courant informel se classent volontiers parmi les hétérodoxes. Leur démarche se présente comme une tentative, pour contourner complètement la problématique de la coordination des actions interindividuelles par le marché.

Les recherches effectuées par (Alain, 2012 ; Kemayou, 2011 ; Henry, 1991) ont étudié l'aspect de la question dans les sociétés modernes caractérisées par la monétarisation des échanges.

Dans une approche anthropologique, à partir d'une relecture de Mauss, Alain (2012) propose une autre interprétation du phénomène du don comme modèle central de la circulation des biens et des richesses dans les sociétés de type communautaires. En effet, l'auteur explique que le don est un marché qui, unit de manière durable des partenaires par des liens de dettes à plus ou moins long terme. En ce sens, le don s'inscrit dans une logique de durée où créancier et débiteur s'échangent les rôles constamment. Ainsi, le don fait du donataire un obligé tenu de la reconnaissance qui est d'abord reconnaissance de dette, où dans certaines sociétés l'absence de retour est renforcée par un arsenal de sanctions sociales. À partir des recherches menées en Afrique de l'Ouest notamment en Côte d'ivoire et au Mali, il ressort que l'omniprésence du don s'explique par l'incapacité pour l'Etat d'assurer son rôle d'Etat-providence. En dernière analyse, Alain ressort que ce système de marché de don à la fois généreux, libre, contraignant témoigne des aspirations citoyennes à favoriser un système où chaque couche sociale ne se sente pas délaissé.

Dans une approche sociologique, Henry et al. (1991) ont abordé la question des associations dites de tontines en partant de leur origine, leur mode de fonctionnement et leur statut en contexte camerounais. Dans un premier temps, ils analysent les modes de fonctionnement de ces associations afin de comprendre les raisons de leur émergence au Cameroun. À partir d'une enquête de terrain menée auprès d'une quinzaine de tontines dans la ville de Yaoundé et de Douala, entre autres des fonctionnaires, des commerçants, et des chefs

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d'entreprises, ils aboutissent aux résultats selon lesquels la tontine africaine est un véritable moyen d'inclusion financière en période de difficulté. Ils relèvent également que ces associations représentent des outils d'épargne nécessaire et dont la disparition n'est pas une réalité envisageable.

Kemayou et al. (2011) quant à eux se sont intéressés au devenir de la pratique des tontines dans l'économie camerounaise. À partir de la théorie des jeux d'Olson, ils établissent une comparaison entre le système des tontines et le système des banques et ressortent plusieurs analyses. Dans le premier cas, ils relèvent que les acteurs agissent de manière collective parce que caractérisés par des intérêts collectifs, tandis que dans le système bancaire les acteurs agissent de manière individuelle et sont attirés uniquement par l'accumulation du gain. Par ailleurs, ils montrent que le système des tontines existe dans les sociétés camerounaises bien avant les indépendances et que ces systèmes de financement sont profondément ancrés dans les moeurs des camerounais qui se sentent mieux à l'intérieur par rapport aux banques. Ils mentionnent également que la vitalité du système tontinier au regard de la finance formelle nécessite une meilleure restructuration de ce secteur.

Bien que ces travaux ressortent les spécificités de la finance informelle à l'instar des tontines, ils se sont uniquement focalisés sur les l'importance de ces regroupements associatifs. Ils ont ainsi omis de présenter les différents types de capitaux mobilisés au sein de ses associations informelles. Or, les différents services offerts par ces regroupements constituent généralement le premier facteur motivationnel à l'adhésion des individus. Cette remarque permet d'aborder le second volet de notre revue de littérature qui porte sur les écrits sur la finance informelle et l'entrepreneuriat en science économique.

Ø La science économique

En science économique, de nombreux auteurs et experts de la finance informelle se sont appesantis sur les réseaux informels d'épargne et de crédit en Afrique. Leurs travaux ont relevé divers aspects de ces pratiques dans la vie économique, sociale et culturelle des différents acteurs qui y recourent.

Dans une recherche menée dans la région de l'Ouest-Cameroun, l'économiste et statisticien Nzeumen (1989) s'intéresse à la place de la pratique des tontines dans le financement du développement des sociétés traditionnelles. À partir d'une enquête de terrain menée dans des villages de l'ouest Cameroun auprès des populations traditionnelles, il relève que les mécanismes de fonctionnement des réseaux tontiniers stimulent les besoins d'épargne des paysans. En effet il explique que l'on ne saurait négliger le volume des épargnes qui

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transitent dans les tontines du fait de l'importance de leurs poids qui rend possible le développement dans ces sociétés. À l'issue de son enquête, il aboutit à la conclusion selon laquelle les tontines sont des formes d'organisations développées dans les sociétés traditionnelles dû au manque de structures de financement formel, permettant ainsi de mobiliser et réunir leurs ressources financières nécessaires au financement du développement de ces sociétés.

Dans un contexte géographique différent, Kamaya (2010) dans une recherche qui portait sur les mécanismes de financement en milieu rural, présente la tontine comme l'unique voir la seule voie pouvant conduire le peuple « Bas-Congo » vers le changement des conditions de misères totales. En effet, à travers des recherches menées auprès de quelques villageois qui pratiquent les tontines, il constate que la pratique des tontines par le peuple « Bas-Congo » leur permet de surmonter certaines difficultés de la vie quotidienne. Il émet ainsi l'idée selon laquelle elles sont des véritables moteurs de l'économie provinciale permettant aux populations de satisfaire leurs besoins vitaux, de se procurer les bons outils agricoles et d'améliorer les rendements de leurs plantations.

Dans une autre approche plus large, Edimo (1998) quant à lui s'intéresse à l'émergence et à la place qu'occupe la tontine dans le développement des pays en Afrique. A partir de la théorie du dualisme financier et l'unification financière, il met en relief les éléments explicatifs de la résistance de la finance informelle à côté de la finance formelle. Il explique de ce fait que ces pratiques financières viennent se substituer aux défaillances des banques grâce à leur souplesse et à l'absence des lourdeurs dans l'accord des crédits. En guise de conclusion de ses travaux, il relève que les plans d'ajustement et les politiques d'accompagnement financières initiés dans les pays en voie de développement ne permettent pas de promouvoir la dynamique entrepreneuriale des petites entreprises. Néanmoins, il précise que les tontines peuvent constituer des filons importants pour la définition de structures adaptées de financement de l'activité économique en Afrique.

Dans une approche différente, Bekolo-Ebe (1989) analyse le comportement d'épargne et de détention de liquidité dans les associations de tontines. Dans un premier temps, il analyse le caractère extraverti des tontines en Afrique et explique que ces regroupements sont répandus dans la plupart des économies africaines et particulièrement au Cameroun tant par les entreprises du secteur informel que du secteur formel. Dans un second temps, il fait une analyse du comportement des individus dans les groupes d'épargne afin de comprendre pourquoi la majeure partie des habitants du Cameroun se livre aux tontines. Pour ce faire, il procède à une analyse des typologies de tontines et leurs modes de fonctionnement afin de saisir le

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comportement des individus à chaque niveau. À l'issue de cette analyse, il aboutit aux résultats selon lesquelles le comportement d'épargne dans les tontines est un comportement rationnel déterminé par la tradition sociale c'est-à-dire les interactions et les expériences entre les membres. En guise de conclusion, il relève que la recherche effrénée du gain permet de comprendre la nature concurrentielle des rapports entre le système des tontines et le système financier officiel. Il ajoute également la préférence que les agents tendent à ressentir pour le premier par rapport au second s'explique par leurs souplesses et l'absence de conditions trop strictes dans les opérations de crédits.

La question de l'importance de la finance informelle sur la performance entrepreneuriale des petites entreprises au Cameroun est analysée par Rozos et Gauthier (2012). À travers des observations sur le secteur manufacturier dans la ville de Douala, ils constatent que le système tontinier permet de combler les défaillances du marché formel, d'avoir accès à des ressources financières et de combler le flux de trésoreries de certaines entreprises au Cameroun. Ils expliquent également que les réseaux de financement informel influencent positivement les performances entrepreneuriales en termes de productivité et d'investissement par employé du fait de leur simplicité dans l'accord des ressources financières.

Les recherches conduites par Lelart (1990) en Afrique de l'ouest et en Asie, par Hugon (1996) en Afrique subsaharienne et par Tombola (2010) en côte d'ivoire se sont par ailleurs, intéressées aux représentations sociales autour des tontines. Lelart (1990) s'intéresse au dysfonctionnement du système financier face aux exigences du développement et à la forte montée en puissance de l'informalisation des circuits financiers. À travers des études menées en Afrique en passant par le Bénin, le Niger, le Sénégal et en Asie à travers la Chine et Taiwan l'auteur analyse les mécanismes de fonctionnement de ces pratiques et leurs modalités d'accès au crédit. À l'issue de nombreux entretiens auprès des membres de tontines africaines et asiatiques, il constate que la dynamique de ces circuits financiers informels repose sur des formes très anciennes et semble avoir étés stimulés par les dysfonctionnements des circuits financiers officiels. En dernière analyse, l'auteur explique que la finance informelle pourrait être la voie d'accès à la modernité des pays sous-développés ou en voie de développement.

Dans le même sens, Hugon (1996) s'intéresse au dysfonctionnement du système financier officiel en analysant la relation entre les secteurs financiers institutionnels et informels. Il réaffirme l'importance des systèmes financiers informels comme complément des systèmes financiers officiels (les tontines, les banques des pauvres, les associations villageoises...) et leur rôle non négligeable dans les économies industrielles. À partir de la théorie de la répression financière, il explique l'idée selon laquelle le développement de la

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finance informelle s'explique par des blocages de la finance institutionnelle dont la crise économique des années 80 a favorisé la montée. En dernière analyse, il propose plusieurs pistes pour une meilleure régulation du marché financier, entre autres promouvoir les réseaux mutualistes d'épargne et de crédit et de favoriser l'investissement local de l'épargne à travers le développement des produits adaptés. Par ailleurs, il recommande d'établir des liens entre les pratiques informelles et les organisations afin de réduire l'exclusion des populations à faibles revenus des systèmes bancaires. Toutefois, les considérations selon lesquelles la fusion du secteur financier officiel et informel permettrait de stabiliser le marché financier ne semblent pas encore être une réalité, du fait de la distance socioculturelle qui existe entre les deux systèmes de financement.

En côte d'ivoire, Tombola (2010) dans une recherche qui portait sur la place des associations informelles d'épargne et de crédit en milieu urbain explique que dans la plupart des pays africains, une bonne partie des activités entrepreneuriales se déroule dans le secteur informel. Il souligne le rôle non négligeable des tontines tant en milieu rural qu'en milieu urbain, en effet à travers des entretiens auprès des habitants de la ville de GOMA, il explique que 71% des enquêtés ont estimés que la tontine est efficace du fait qu'elle est proche de ses membres qui se connaissent bien, ainsi la pression sociale les amènes à investir des fonds pour le développement. Il relève par ailleurs que ces structures apparaissent aujourd'hui indispensables eu égard à leur contribution dans la mobilisation de l'épargne et la distribution du crédit pour les couches à revenus modestes. En somme, il note que ces associations suscitent des espoirs réels dans une société où les structures financières modernes répondent encore imparfaitement aux besoins de la grande majorité de la population.

Abordant la question sous un angle différent, Nkakleu (2009) s'intéresse à l'influence de la tontine dans le développement du capital intra-organisationnel en Afrique en général et au Cameroun en particulier. Il commence par présenter le rôle de la tontine d'entreprise qui est une pratique informelle de solidarités financières et de lien social qui contribue à la création du capital-social intra-organisationnel en contexte social camerounais. Ensuite, à partir d'une enquête exploratoire par étude de cas, auprès de deux entreprises appartenant au secteur formel, il obtient ainsi les résultats selon lesquels la tontine d'entreprise constitue un levier d'organisation du travail, de gestion des équipes de travail et d'implication organisationnelle. Il note également que la tontine d'entreprise constitue un réseau social générant le capital-social, et se présente comme un cercle vertueux de réalisation des objectifs individuels et organisationnels.

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Par ailleurs, Kazadi et al. (2021) dans une recherche plus récente qui avait pour objectif d'analyser la place du système financier informel dans la ville de Mbujimayi au Congo, présentent la tontine comme un outil de financement nécessaire pour le développement économique. A partir d'une enquête quantitative par strate auprès de 178 personnes membres des tontines, ils aboutissent aux résultats généraux selon lesquels les fonds obtenus à l'issue d'une cotisation sont utilisés pour des petits investissements, pour payer la scolarité de leurs enfants ou pour augmenter leur capital d'affaire. Ils relèvent ainsi que ces pratiques sont d'une grande importance dans la vie socio-économique de la population. En effet, elles prennent en charge les agents économiques exclus des circuits financiers par le système bancaire en leur offrant des services à caractère bancaire, dont les agents économiques profitent pour développer leurs activités et mener à bout leurs projets. En dernier lieu, ils notent que les pratiques financières informelles sont un remède pour les personnes exclues du système financier classique dans la ville de Mbujimayi.

Ces travaux certes pertinents se sont limités à étudier le recours aux associations d'épargne et de crédit pour le financement des activités économiques sans toutefois mettre en exergue le rôle du réseau associatif dans l'accompagnement de l'entrepreneur. Il importe de se pencher sur la question de l'accompagnement en entrepreneuriat afin de mieux saisir le rôle du réseau ou du groupe dans la découverte des opportunités.

Par ailleurs les auteurs tels que (Sammut, 2015 ; Nkakleu, 2018 et Djoumessi, 2017) ont mis un intérêt particulier sur la place de l'accompagnement entrepreneurial par les réseaux associatifs dans les entreprises en cours d'existence ou en phase de démarrage. Sammut (2015) s'intéresse aux liens et relations externes que tisse l'entrepreneur dans le développement de son opportunité. De ce fait, elle appréhende l'accompagnement comme une pratique d'aide à la création d'entreprise fondée sur une relation qui s'étend dans la durée entre l'entrepreneur et une personne externe au projet. Elle relève que l'accompagnement permet au porteur de projet d'acquérir des connaissances, des savoirs faires et des expériences nécessaires à la concrétisation de son projet. Par ailleurs, elle souligne le rôle du réseau interpersonnel de l'entrepreneur (amis, voisins, collègues, réseaux associatifs) dans l'évolution du projet et qui se présente comme des personnes ayant des compétences dans le domaine entrepreneurial du porteur de projet. En dernière analyse, elle relève que la dimension interpersonnelle est un véritable moteur d'impulsion de dynamique entrepreneuriale.

À la suite de cette dernière, Djoumessi (2017) explore la problématique du financement des petites entreprises en phase de démarrage détenues par les femmes ainsi que les diverses structures d'accompagnement entrepreneuriales existantes au Cameroun. S'appuyant sur des

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entretiens auprès de 56 entrepreneures camerounaises, elle essaye de comprendre comment les entrepreneures font appel aux structures de financement informelles dans le contexte camerounais. Les résultats obtenus à l'issue des entretiens révèlent que les entrepreneures camerounaises n'ont pas recours aux structures formelles d'accompagnement à causes des garanties exigées. Les résultats révèlent également que les structures d'accompagnement informelles sont les plus privilégiées par les entrepreneures et jouent un rôle indispensable dans le développement des entreprises. Elle distingue ainsi comme structures d'accompagnement informelle la famille qui joue un premier rôle, suivie des amies, du réseau relationnel de proximité qui procurent un soutien financier et enfin les associations telles que les tontines qui permettent d'avoir des facilités d'emprunt. En dernière analyse, elle relève que les exigences du système économique en place ne favorisent pas une inclusion financière pour toutes les catégories sociales. De même, elle ajoute que le recours aux réseaux d'accompagnement informels par les petites entrepreneures leur permet de combler des difficultés liées à l'exercice de leur activité.

Par ailleurs, Nkakleu (2018) souligne l'importance des structures d'accompagnement pour les entrepreneurs potentiels dans la réalisation de leur projet d'entreprendre. Sur la base de quelques enquêtes de terrains menées dans les villes de Yaoundé et de Douala au Cameroun et de Saint-Louis et Dakar au Sénégal, auprès d'une dizaine de structures d'accompagnement et de responsable de petites entreprises, il essaye de comprendre le fonctionnement des structures d'accompagnement. Les résultats obtenus soulèvent que l'accompagnement souffre d'un problème de qualité de prestation d'accompagnement et d'insuffisance de structures d'accompagnement publiques et privées. Il explique également que certains porteurs de projets ont souvent recourt au financement informel telles que les tontines, les aides familiales, les groupes d'amies et les réseaux ethniques tels que les Bamilékés au Cameroun et les Mourides au Sénégal qui sont des véritables moteurs d'impulsion de la dynamique entrepreneuriale. En dernière analyse, il montre que l'accompagnement est un levier du développement des entreprises du fait qu'il met en relation d'aide l'accompagnant et l'accompagné.

Au regard de ce qui précède, le travail d'exploration laisse voir l'importance de l'investigation de ces auteurs dont l'objectif était de présenter l'influence du réseau associatif dans le développement des activités et dans la découverte des opportunités entrepreneuriales. Cependant, il convient de noter que ces recherches sur le système tontinier et l'entrepreneuriat ont été plus effectuées dans le domaine des sciences économiques à travers les questions d'accès au crédit de financement, de marché financier et d'exclusion financière. De plus, ces travaux soutiennent que la pauvreté et la recherche de gains financiers aisés sont les principaux facteurs

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qui favorisent le recours des entrepreneurs à faible revenus au système tontinier, sans toutefois interroger les différents mécanismes mobilisés par cette catégorie d'entrepreneurs pour le développement de leurs activités économiques. Par ailleurs, la plupart de ces recherches ont été effectuées dans un environnement socio-culturel et spatio-temporel différent du nôtre, d'où la nécessité d'effectuer une mise en contexte tant spatiale que culturelle. Il est également important de noter que, la majorité des écrits sur la finance informelle en rapport avec l'entrepreneuriat sont peu abordés en sociologie. Ce constat nous donne ainsi la possibilité d'apporter notre modeste contribution à la thématique du financement de l'entrepreneuriat à partir d'une approche sociologique.

À partir du moment où le système tontinier et l'accès aux finances sont appréhendés et vécus diversement d'une culture à une autre, il est question en s'appuyant sur les travaux antérieurs, d'orienter cette recherche sur le rapport entre le système tontinier et le développement de l'entrepreneuriat pastoral jeune à Yaoundé. Par la suite, il sera question d'identifier et d'analyser les différents mécanismes financiers mobilisés par les entrepreneurs au sein des associations EMERCOM et ADJAS en vue de promouvoir leurs activités entrepreneuriales.

En orientant cette recherche vers le rapport entre le système tontinier et l'entrepreneuriat jeune, il s'agira d'abord de comprendre comment les mécanismes d'accès aux ressources financières sont organisés au sein de ces regroupements associatifs. Par la suite, il sera question de comprendre l'influence de ces mécanismes de financement au sein des activités des membres.

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