3- PROBLÉMATIQUE
Pour Karsenti et Savoie-zajc (2018, P.377), «
l'élaboration d'une problématique de recherche consiste
essentiellement à sélectionner et à mettre en ordre, selon
une perspective déterminée, des éléments qui
composeront la situation problématique et l'objet d'étude ».
Voilà pourquoi N'da (2015) considère la revue de
littérature comme « un texte ordonné, structuré
qui fait l'état des lieux, l'état du niveau actuel des
connaissances relatives au problème à l'étude dans un
espace cognitif ».
La question de la monnaie, de la valeur, des associations de
la société civile, du marché et de la place de l'Etat dans
le financement ont longtemps fait un objet d'étude pour de nombreuses
disciplines dont les premiers travaux s'inscrivent en science
économique. À partir des années 1890, les premières
réflexions sociologiques sur l'économie verront le jour sous le
nom de « sociologie économique » (Levesque, 2006).
Cette branche de la sociologie considère l'activité
économique comme étant une dimension de l'activité
sociale, en d'autres termes, le fait économique est une composante du
fait social (Steiner et Vatin, 2013). C'est d'ailleurs bien ainsi que les
fondateurs de la sociologie avaient considéré l'activité
économique au moment où ils réfléchissaient
à la constitution d'une science systémique du social. En effet,
dans « les règles de la méthode sociologique »
Durkheim (1893) étudiant le fait social montre explicitement que le
fait économique est une dimension à part entière du fait
social en vertu du caractère coercitif qu'il exerce sur l'individu.
À cet effet, l'activité économique comme toute
activité sociale prend donc des formes qui préexistent à
l'action de l'individu, et suivant la formule consacrée s'impose
à lui (Durkheim cité par Steiner et Vatin, 2013). C'est dans
cette logique que s'inscrit notre réflexion sur «
le système tontinier dans le financement de
l'entrepreneuriat pastoral jeune », qui se veut une
contribution à la thématique du financement de
l'entrepreneuriat.
Cette recherche ouvre de nouvelles perspectives à la
compréhension et à l'explication des mécanismes informels
d'accès aux ressources. Elle s'appuie sur les travaux qui ont
contribué à poser les bases de cette branche de la sociologie.
Ces travaux précurseurs seront présentés suivant une
perspective disciplinaire dont la particularité est de faire le tour des
différentes disciplines des sciences sociales ayant fait l'objet
d'étude de la question. De même,
7
elle permet de situer son thème dans une approche
pluridisciplinaire pour mieux se positionner par rapport aux travaux
antérieurs.
Deux principales disciplines ont été retenues
pour la construction de cette problématique à savoir : la
sociologie économique et la science économique.
Ø La sociologie économique
Les recherches menées par les précurseurs tels
que Mauss (1924), Polanyi (1983), Caillé (2007), etc., se sont
intéressées à la nature des échanges, leurs formes
et leurs motivations au sein des sociétés traditionnelles et
modernes. Mauss (1924), dans une étude comparative sur les modes de
fonctionnement des sociétés archaïques, à partir des
sociétés mélanésiennes, polynésiennes et
amérindiennes, découvre dans ces sociétés une forme
d'échange à la fois libre et obligatoire qu'il qualifie de
don/contre-don. C'est-à-dire une prestation obligeant mutuellement
donneur et receveur dans une logique économique et qui de fait les unit
par une forme de contrat social, reposant à la fois sur trois
obligations : donner, recevoir et rendre. L'auteur explique que le
don/contre-don n'est pas totalement gratuit. En effet, ce système
d'échange contraint la personne qui a reçu à rendre
à son tour. Il précise également que ces systèmes
du don échangés sont des faits sociaux totaux,
c'est-à-dire qu'ils mettent en branle la totalité de la
société et de ses institutions. Ce qui permet de renforcer les
liens sociaux entre individus dans une économie non-monétaire.
À la suite des travaux de Mauss, Polanyi (1983) met en
avant la réciprocité comme un véritable fondement possible
de l'économie. À partir de la théorie de l'encastrement,
il considère que les relations sociales sont préexistantes aux
relations économiques. De ce fait, l'action économique est
encastrée au sein des réseaux de relations qui mettent les
individus en contact les uns avec les autres. Selon lui, une logique
économique n'est pas seulement basée sur l'utilitarisme, elle
peut aussi se fonder sur la réciprocité. Une
réciprocité dans laquelle le contre-don est en même temps
libre et obligatoire. Il est libre, car ce n'est pas une obligation
contractuelle et obligatoire du fait qu'il y'a une incitation sociale à
rendre à d'autres dans un système qui favorise les
échanges réciproques. L'auteur précise en dernier lieu que
le don/contre don met aussi en rapport les pouvoirs et les désirs de
reconnaissances, et la liberté et la non-garantie de retour permettant
de caractériser le don/contre-don des autres formes
d'échanges.
Allant dans le même sens, Caillé (2007)
s'intéresse à la permanence du don dans les
sociétés contemporaines. À partir de la théorie
anti-utilitariste, l'auteur explique que le don continu à jouer un
rôle essentiel au sein des sociétés contemporaines. Il
différencie ainsi le
8
don/contre-don dans la sociabilité primaire qui
renvoie aux relations avec les parents, amies, voisins et dans la
sociabilité secondaire qui renvoie à l'équilibre dans les
différentes sphères sociales. Il considère alors que les
liens sociaux dans les sociétés contemporaines sont en fait moins
basés sur l'utilitarisme que sur le don, lequel permet d'exister et
d'appartenir à un monde. En guise de conclusion, l'auteur mentionne que
le don/contre-don permet de créer et d'entretenir les liens sociaux
entre les individus au sein de la micro société et de la
société globale.
Le point commun de ces travaux était de rechercher
dans la tradition sociologique de quoi alimenter un renouvellement de la
théorie de l'échange marchand. Les auteurs de ce courant informel
se classent volontiers parmi les hétérodoxes. Leur
démarche se présente comme une tentative, pour contourner
complètement la problématique de la coordination des actions
interindividuelles par le marché.
Les recherches effectuées par (Alain, 2012 ; Kemayou,
2011 ; Henry, 1991) ont étudié l'aspect de la question dans les
sociétés modernes caractérisées par la
monétarisation des échanges.
Dans une approche anthropologique, à partir d'une
relecture de Mauss, Alain (2012) propose une autre interprétation du
phénomène du don comme modèle central de la circulation
des biens et des richesses dans les sociétés de type
communautaires. En effet, l'auteur explique que le don est un marché
qui, unit de manière durable des partenaires par des liens de dettes
à plus ou moins long terme. En ce sens, le don s'inscrit dans une
logique de durée où créancier et débiteur
s'échangent les rôles constamment. Ainsi, le don fait du donataire
un obligé tenu de la reconnaissance qui est d'abord reconnaissance de
dette, où dans certaines sociétés l'absence de retour est
renforcée par un arsenal de sanctions sociales. À partir des
recherches menées en Afrique de l'Ouest notamment en Côte d'ivoire
et au Mali, il ressort que l'omniprésence du don s'explique par
l'incapacité pour l'Etat d'assurer son rôle d'Etat-providence. En
dernière analyse, Alain ressort que ce système de marché
de don à la fois généreux, libre, contraignant
témoigne des aspirations citoyennes à favoriser un système
où chaque couche sociale ne se sente pas délaissé.
Dans une approche sociologique, Henry et al. (1991) ont
abordé la question des associations dites de tontines en partant de leur
origine, leur mode de fonctionnement et leur statut en contexte camerounais.
Dans un premier temps, ils analysent les modes de fonctionnement de ces
associations afin de comprendre les raisons de leur émergence au
Cameroun. À partir d'une enquête de terrain menée
auprès d'une quinzaine de tontines dans la ville de Yaoundé et de
Douala, entre autres des fonctionnaires, des commerçants, et des
chefs
9
d'entreprises, ils aboutissent aux résultats selon
lesquels la tontine africaine est un véritable moyen d'inclusion
financière en période de difficulté. Ils relèvent
également que ces associations représentent des outils
d'épargne nécessaire et dont la disparition n'est pas une
réalité envisageable.
Kemayou et al. (2011) quant à eux se sont
intéressés au devenir de la pratique des tontines dans
l'économie camerounaise. À partir de la théorie des jeux
d'Olson, ils établissent une comparaison entre le système des
tontines et le système des banques et ressortent plusieurs analyses.
Dans le premier cas, ils relèvent que les acteurs agissent de
manière collective parce que caractérisés par des
intérêts collectifs, tandis que dans le système bancaire
les acteurs agissent de manière individuelle et sont attirés
uniquement par l'accumulation du gain. Par ailleurs, ils montrent que le
système des tontines existe dans les sociétés
camerounaises bien avant les indépendances et que ces systèmes de
financement sont profondément ancrés dans les moeurs des
camerounais qui se sentent mieux à l'intérieur par rapport aux
banques. Ils mentionnent également que la vitalité du
système tontinier au regard de la finance formelle nécessite une
meilleure restructuration de ce secteur.
Bien que ces travaux ressortent les
spécificités de la finance informelle à l'instar des
tontines, ils se sont uniquement focalisés sur les l'importance de ces
regroupements associatifs. Ils ont ainsi omis de présenter les
différents types de capitaux mobilisés au sein de ses
associations informelles. Or, les différents services offerts par ces
regroupements constituent généralement le premier facteur
motivationnel à l'adhésion des individus. Cette remarque permet
d'aborder le second volet de notre revue de littérature qui porte sur
les écrits sur la finance informelle et l'entrepreneuriat en science
économique.
Ø La science économique
En science économique, de nombreux auteurs et experts
de la finance informelle se sont appesantis sur les réseaux informels
d'épargne et de crédit en Afrique. Leurs travaux ont
relevé divers aspects de ces pratiques dans la vie économique,
sociale et culturelle des différents acteurs qui y recourent.
Dans une recherche menée dans la région de
l'Ouest-Cameroun, l'économiste et statisticien Nzeumen (1989)
s'intéresse à la place de la pratique des tontines dans le
financement du développement des sociétés traditionnelles.
À partir d'une enquête de terrain menée dans des villages
de l'ouest Cameroun auprès des populations traditionnelles, il
relève que les mécanismes de fonctionnement des réseaux
tontiniers stimulent les besoins d'épargne des paysans. En effet il
explique que l'on ne saurait négliger le volume des épargnes
qui
10
transitent dans les tontines du fait de l'importance de leurs
poids qui rend possible le développement dans ces
sociétés. À l'issue de son enquête, il aboutit
à la conclusion selon laquelle les tontines sont des formes
d'organisations développées dans les sociétés
traditionnelles dû au manque de structures de financement formel,
permettant ainsi de mobiliser et réunir leurs ressources
financières nécessaires au financement du développement de
ces sociétés.
Dans un contexte géographique différent, Kamaya
(2010) dans une recherche qui portait sur les mécanismes de financement
en milieu rural, présente la tontine comme l'unique voir la seule voie
pouvant conduire le peuple « Bas-Congo » vers le changement des
conditions de misères totales. En effet, à travers des recherches
menées auprès de quelques villageois qui pratiquent les tontines,
il constate que la pratique des tontines par le peuple « Bas-Congo »
leur permet de surmonter certaines difficultés de la vie quotidienne. Il
émet ainsi l'idée selon laquelle elles sont des véritables
moteurs de l'économie provinciale permettant aux populations de
satisfaire leurs besoins vitaux, de se procurer les bons outils agricoles et
d'améliorer les rendements de leurs plantations.
Dans une autre approche plus large, Edimo (1998) quant
à lui s'intéresse à l'émergence et à la
place qu'occupe la tontine dans le développement des pays en Afrique. A
partir de la théorie du dualisme financier et l'unification
financière, il met en relief les éléments explicatifs de
la résistance de la finance informelle à côté de la
finance formelle. Il explique de ce fait que ces pratiques financières
viennent se substituer aux défaillances des banques grâce à
leur souplesse et à l'absence des lourdeurs dans l'accord des
crédits. En guise de conclusion de ses travaux, il relève que les
plans d'ajustement et les politiques d'accompagnement financières
initiés dans les pays en voie de développement ne permettent pas
de promouvoir la dynamique entrepreneuriale des petites entreprises.
Néanmoins, il précise que les tontines peuvent constituer des
filons importants pour la définition de structures adaptées de
financement de l'activité économique en Afrique.
Dans une approche différente, Bekolo-Ebe (1989) analyse
le comportement d'épargne et de détention de liquidité
dans les associations de tontines. Dans un premier temps, il analyse le
caractère extraverti des tontines en Afrique et explique que ces
regroupements sont répandus dans la plupart des économies
africaines et particulièrement au Cameroun tant par les entreprises du
secteur informel que du secteur formel. Dans un second temps, il fait une
analyse du comportement des individus dans les groupes d'épargne afin de
comprendre pourquoi la majeure partie des habitants du Cameroun se livre aux
tontines. Pour ce faire, il procède à une analyse des typologies
de tontines et leurs modes de fonctionnement afin de saisir le
11
comportement des individus à chaque niveau. À
l'issue de cette analyse, il aboutit aux résultats selon lesquelles le
comportement d'épargne dans les tontines est un comportement rationnel
déterminé par la tradition sociale c'est-à-dire les
interactions et les expériences entre les membres. En guise de
conclusion, il relève que la recherche effrénée du gain
permet de comprendre la nature concurrentielle des rapports entre le
système des tontines et le système financier officiel. Il ajoute
également la préférence que les agents tendent à
ressentir pour le premier par rapport au second s'explique par leurs souplesses
et l'absence de conditions trop strictes dans les opérations de
crédits.
La question de l'importance de la finance informelle sur la
performance entrepreneuriale des petites entreprises au Cameroun est
analysée par Rozos et Gauthier (2012). À travers des observations
sur le secteur manufacturier dans la ville de Douala, ils constatent que le
système tontinier permet de combler les défaillances du
marché formel, d'avoir accès à des ressources
financières et de combler le flux de trésoreries de certaines
entreprises au Cameroun. Ils expliquent également que les réseaux
de financement informel influencent positivement les performances
entrepreneuriales en termes de productivité et d'investissement par
employé du fait de leur simplicité dans l'accord des ressources
financières.
Les recherches conduites par Lelart (1990) en Afrique de
l'ouest et en Asie, par Hugon (1996) en Afrique subsaharienne et par Tombola
(2010) en côte d'ivoire se sont par ailleurs, intéressées
aux représentations sociales autour des tontines. Lelart (1990)
s'intéresse au dysfonctionnement du système financier face aux
exigences du développement et à la forte montée en
puissance de l'informalisation des circuits financiers. À travers des
études menées en Afrique en passant par le Bénin, le
Niger, le Sénégal et en Asie à travers la Chine et Taiwan
l'auteur analyse les mécanismes de fonctionnement de ces pratiques et
leurs modalités d'accès au crédit. À l'issue de
nombreux entretiens auprès des membres de tontines africaines et
asiatiques, il constate que la dynamique de ces circuits financiers informels
repose sur des formes très anciennes et semble avoir étés
stimulés par les dysfonctionnements des circuits financiers officiels.
En dernière analyse, l'auteur explique que la finance informelle
pourrait être la voie d'accès à la modernité des
pays sous-développés ou en voie de développement.
Dans le même sens, Hugon (1996) s'intéresse au
dysfonctionnement du système financier officiel en analysant la relation
entre les secteurs financiers institutionnels et informels. Il réaffirme
l'importance des systèmes financiers informels comme complément
des systèmes financiers officiels (les tontines, les banques des
pauvres, les associations villageoises...) et leur rôle non
négligeable dans les économies industrielles. À partir de
la théorie de la répression financière, il explique
l'idée selon laquelle le développement de la
12
finance informelle s'explique par des blocages de la finance
institutionnelle dont la crise économique des années 80 a
favorisé la montée. En dernière analyse, il propose
plusieurs pistes pour une meilleure régulation du marché
financier, entre autres promouvoir les réseaux mutualistes
d'épargne et de crédit et de favoriser l'investissement local de
l'épargne à travers le développement des produits
adaptés. Par ailleurs, il recommande d'établir des liens entre
les pratiques informelles et les organisations afin de réduire
l'exclusion des populations à faibles revenus des systèmes
bancaires. Toutefois, les considérations selon lesquelles la fusion du
secteur financier officiel et informel permettrait de stabiliser le
marché financier ne semblent pas encore être une
réalité, du fait de la distance socioculturelle qui existe entre
les deux systèmes de financement.
En côte d'ivoire, Tombola (2010) dans une recherche qui
portait sur la place des associations informelles d'épargne et de
crédit en milieu urbain explique que dans la plupart des pays africains,
une bonne partie des activités entrepreneuriales se déroule dans
le secteur informel. Il souligne le rôle non négligeable des
tontines tant en milieu rural qu'en milieu urbain, en effet à travers
des entretiens auprès des habitants de la ville de GOMA, il explique que
71% des enquêtés ont estimés que la tontine est efficace du
fait qu'elle est proche de ses membres qui se connaissent bien, ainsi la
pression sociale les amènes à investir des fonds pour le
développement. Il relève par ailleurs que ces structures
apparaissent aujourd'hui indispensables eu égard à leur
contribution dans la mobilisation de l'épargne et la distribution du
crédit pour les couches à revenus modestes. En somme, il note que
ces associations suscitent des espoirs réels dans une
société où les structures financières modernes
répondent encore imparfaitement aux besoins de la grande majorité
de la population.
Abordant la question sous un angle différent, Nkakleu
(2009) s'intéresse à l'influence de la tontine dans le
développement du capital intra-organisationnel en Afrique en
général et au Cameroun en particulier. Il commence par
présenter le rôle de la tontine d'entreprise qui est une pratique
informelle de solidarités financières et de lien social qui
contribue à la création du capital-social intra-organisationnel
en contexte social camerounais. Ensuite, à partir d'une enquête
exploratoire par étude de cas, auprès de deux entreprises
appartenant au secteur formel, il obtient ainsi les résultats selon
lesquels la tontine d'entreprise constitue un levier d'organisation du travail,
de gestion des équipes de travail et d'implication organisationnelle. Il
note également que la tontine d'entreprise constitue un réseau
social générant le capital-social, et se présente comme un
cercle vertueux de réalisation des objectifs individuels et
organisationnels.
13
Par ailleurs, Kazadi et al. (2021) dans une recherche plus
récente qui avait pour objectif d'analyser la place du système
financier informel dans la ville de Mbujimayi au Congo, présentent la
tontine comme un outil de financement nécessaire pour le
développement économique. A partir d'une enquête
quantitative par strate auprès de 178 personnes membres des tontines,
ils aboutissent aux résultats généraux selon lesquels les
fonds obtenus à l'issue d'une cotisation sont utilisés pour des
petits investissements, pour payer la scolarité de leurs enfants ou pour
augmenter leur capital d'affaire. Ils relèvent ainsi que ces pratiques
sont d'une grande importance dans la vie socio-économique de la
population. En effet, elles prennent en charge les agents économiques
exclus des circuits financiers par le système bancaire en leur offrant
des services à caractère bancaire, dont les agents
économiques profitent pour développer leurs activités et
mener à bout leurs projets. En dernier lieu, ils notent que les
pratiques financières informelles sont un remède pour les
personnes exclues du système financier classique dans la ville de
Mbujimayi.
Ces travaux certes pertinents se sont limités à
étudier le recours aux associations d'épargne et de crédit
pour le financement des activités économiques sans toutefois
mettre en exergue le rôle du réseau associatif dans
l'accompagnement de l'entrepreneur. Il importe de se pencher sur la question de
l'accompagnement en entrepreneuriat afin de mieux saisir le rôle du
réseau ou du groupe dans la découverte des
opportunités.
Par ailleurs les auteurs tels que (Sammut, 2015 ; Nkakleu,
2018 et Djoumessi, 2017) ont mis un intérêt particulier sur la
place de l'accompagnement entrepreneurial par les réseaux associatifs
dans les entreprises en cours d'existence ou en phase de démarrage.
Sammut (2015) s'intéresse aux liens et relations externes que tisse
l'entrepreneur dans le développement de son opportunité. De ce
fait, elle appréhende l'accompagnement comme une pratique d'aide
à la création d'entreprise fondée sur une relation qui
s'étend dans la durée entre l'entrepreneur et une personne
externe au projet. Elle relève que l'accompagnement permet au porteur de
projet d'acquérir des connaissances, des savoirs faires et des
expériences nécessaires à la concrétisation de son
projet. Par ailleurs, elle souligne le rôle du réseau
interpersonnel de l'entrepreneur (amis, voisins, collègues,
réseaux associatifs) dans l'évolution du projet et qui se
présente comme des personnes ayant des compétences dans le
domaine entrepreneurial du porteur de projet. En dernière analyse, elle
relève que la dimension interpersonnelle est un véritable moteur
d'impulsion de dynamique entrepreneuriale.
À la suite de cette dernière, Djoumessi (2017)
explore la problématique du financement des petites entreprises en phase
de démarrage détenues par les femmes ainsi que les diverses
structures d'accompagnement entrepreneuriales existantes au Cameroun.
S'appuyant sur des
14
entretiens auprès de 56 entrepreneures camerounaises,
elle essaye de comprendre comment les entrepreneures font appel aux structures
de financement informelles dans le contexte camerounais. Les résultats
obtenus à l'issue des entretiens révèlent que les
entrepreneures camerounaises n'ont pas recours aux structures formelles
d'accompagnement à causes des garanties exigées. Les
résultats révèlent également que les structures
d'accompagnement informelles sont les plus privilégiées par les
entrepreneures et jouent un rôle indispensable dans le
développement des entreprises. Elle distingue ainsi comme structures
d'accompagnement informelle la famille qui joue un premier rôle, suivie
des amies, du réseau relationnel de proximité qui procurent un
soutien financier et enfin les associations telles que les tontines qui
permettent d'avoir des facilités d'emprunt. En dernière analyse,
elle relève que les exigences du système économique en
place ne favorisent pas une inclusion financière pour toutes les
catégories sociales. De même, elle ajoute que le recours aux
réseaux d'accompagnement informels par les petites entrepreneures leur
permet de combler des difficultés liées à l'exercice de
leur activité.
Par ailleurs, Nkakleu (2018) souligne l'importance des
structures d'accompagnement pour les entrepreneurs potentiels dans la
réalisation de leur projet d'entreprendre. Sur la base de quelques
enquêtes de terrains menées dans les villes de Yaoundé et
de Douala au Cameroun et de Saint-Louis et Dakar au Sénégal,
auprès d'une dizaine de structures d'accompagnement et de responsable de
petites entreprises, il essaye de comprendre le fonctionnement des structures
d'accompagnement. Les résultats obtenus soulèvent que
l'accompagnement souffre d'un problème de qualité de prestation
d'accompagnement et d'insuffisance de structures d'accompagnement publiques et
privées. Il explique également que certains porteurs de projets
ont souvent recourt au financement informel telles que les tontines, les aides
familiales, les groupes d'amies et les réseaux ethniques tels que les
Bamilékés au Cameroun et les Mourides au Sénégal
qui sont des véritables moteurs d'impulsion de la dynamique
entrepreneuriale. En dernière analyse, il montre que l'accompagnement
est un levier du développement des entreprises du fait qu'il met en
relation d'aide l'accompagnant et l'accompagné.
Au regard de ce qui précède, le travail
d'exploration laisse voir l'importance de l'investigation de ces auteurs dont
l'objectif était de présenter l'influence du réseau
associatif dans le développement des activités et dans la
découverte des opportunités entrepreneuriales. Cependant, il
convient de noter que ces recherches sur le système tontinier et
l'entrepreneuriat ont été plus effectuées dans le domaine
des sciences économiques à travers les questions d'accès
au crédit de financement, de marché financier et d'exclusion
financière. De plus, ces travaux soutiennent que la pauvreté et
la recherche de gains financiers aisés sont les principaux facteurs
15
qui favorisent le recours des entrepreneurs à faible
revenus au système tontinier, sans toutefois interroger les
différents mécanismes mobilisés par cette catégorie
d'entrepreneurs pour le développement de leurs activités
économiques. Par ailleurs, la plupart de ces recherches ont
été effectuées dans un environnement socio-culturel et
spatio-temporel différent du nôtre, d'où la
nécessité d'effectuer une mise en contexte tant spatiale que
culturelle. Il est également important de noter que, la majorité
des écrits sur la finance informelle en rapport avec l'entrepreneuriat
sont peu abordés en sociologie. Ce constat nous donne ainsi la
possibilité d'apporter notre modeste contribution à la
thématique du financement de l'entrepreneuriat à partir d'une
approche sociologique.
À partir du moment où le système
tontinier et l'accès aux finances sont appréhendés et
vécus diversement d'une culture à une autre, il est question en
s'appuyant sur les travaux antérieurs, d'orienter cette recherche sur le
rapport entre le système tontinier et le développement de
l'entrepreneuriat pastoral jeune à Yaoundé. Par la suite, il sera
question d'identifier et d'analyser les différents mécanismes
financiers mobilisés par les entrepreneurs au sein des associations
EMERCOM et ADJAS en vue de promouvoir leurs activités
entrepreneuriales.
En orientant cette recherche vers le rapport entre le
système tontinier et l'entrepreneuriat jeune, il s'agira d'abord de
comprendre comment les mécanismes d'accès aux ressources
financières sont organisés au sein de ces regroupements
associatifs. Par la suite, il sera question de comprendre l'influence de ces
mécanismes de financement au sein des activités des membres.
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